Stratégies absurdes dans la police et la gendarmerie

Nouvelle illustration des dégats résultant d’un management centré sur la définition et le suivi d’indicateurs de performance, avec cette interview de Laurent Mucchielli, Directeur de Recherches au CNRS.

Extraits :

Ainsi, si le nombre de morts sur les routes ne baisse plus, on demande de refaire un maximum de contrôles routiers.
Mais les infractions routières ne sont pas « rentables », parce que non comptabilisées dans l’état 4001. Donc, on ne peut pas le faire trop longtemps, sinon on risque de se faire réprimander pour ses « mauvais chiffres ». Alors on ira faire des ILS (infractions à la législation sur les stupéfiants) ou des ILE (infractions à la législation sur les étrangers) et on s’occupera davantage de toutes les atteintes aux personnes, même les plus bénignes parce que ça c’est très « rentable » au contraire. Ce sont des faits constatés et surtout des faits élucidés.

(…)

il faut comprendre que les « indicateurs de performance » ne rendent compte que d’une partie des activités des fonctionnaires : l’activité répressive. Or, dans les services non spécialisés (qui sont les plus nombreux), sur le terrain, au quotidien, souvent la moitié voire davantage encore du temps de travail des policiers et gendarmes est un travail d’urgence sociale, de police secours. Mais cette part plus sociale du métier n’est pas reconnue, elle est même souvent dévalorisée. Il n’y a aucun indicateur pour cela et c’est très regrettable. Le temps de patrouille, de discussion, d’aide sociale finiront par être conçus comme du temps perdu. Ce jour là, la coupure entre police et population sera achevée.

Une bonne nouvelle cependant : le nombre de gardes à vue n’est plus un indicateur positif de performance policière. Leur nombre devrait donc rapidement diminuer…

Quelques billets sur le même sujet :

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Bonus des managers : ca innove en Allemagne
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Les stratégies absurdes
Carotte ou bâton?

9 commentaires sur “Stratégies absurdes dans la police et la gendarmerie

  1. on peut en tirer les m^mes conclusions pour les enseignants-chercheurs qui passent du temps avec les étudiants, s’investissent dans les dispositifs de tutorat, de soutien…qui aident les
    étudiants qui risquent de décrocher, leur trouvent des stages, passent du temps avec les employeurs potentiels et/ou recruteurs des étudiants…tous ces efforts ne sont pas pris en compte dans
    les indicateurs de performance et d’évaluation des carrières des enseignants-chercheurs. Dommage, le jour où tout le monde se retirera pour écrire ses papiers, les campus seront bien morts !!

    catherine MS

  2. ceci ne montre pas que l’évaluation est mauvaise, mais bien qu’elle peut être mal faite (comme beaucoup de chose) mais aussi qu’elle peut progresser si on écoute les acteurs.

  3. La série TV “The Wire” (Sur écoute) illustre de façon magnifique et désolante le ravage de la gestion statistique du travail de police (et de l’éducation). Série géniale d’ailleurs, à voir
    absolument, la chose la plus profonde et ambitieuse qu’il m’ait été donné de voir (5 saisons).

    On y voit par ailleurs (S1) un dealer prendre des cours de micro pour rationaliser son approche du marché de la drogue.

  4. @ Catherine : 200% d’accord…

    @ Jacques : oui, il faut écouter les acteurs, ce qui suppose de s’en donner le temps, et de considérer qu’un management basé uniquement sur la définition
    et le suivi d’indicateurs est toujours insuffisant. Voir le lien vers le billet “incitation et contrôle, toujours”, mis en bas de mon billet, qui reprend les propos de Zarifian et Clot, qui
    montrent comment le travail effectivement réalisé disparait lors de la mise en place de ce type de management. Comme le dit Catherine dans son commentaire, on a typiquement la même évolution dans
    l’enseignement supérieur, ce qui m’effraie véritablement…

    @ VilCoyote : je ne connaissais pas, je m’empresse d’aller dénicher ça!

  5. Vous décrivez ce que je pense depuis bien longtemps des cabinets de consulting … Ce qui est tragique, c’est que certains prennent pour argent comptant ces prédictions, éblouïs qu’ils sont par
    un nom.

  6. Je trouve ça personnellement commode pour ensuite évaluer, à l’aune de la contribution effective au bien public des travaux se plaçant dans la continuité de ceux du défunt Samuelson, l’évolution
    du financement public de la science économique.

  7. Je suis tenté de reprendre la thèse d’AD et SM dans leur premier bouquin. Il ne faut pas tant taper sur les consultants que sur les mecs qui pensent pouvoir faire des prédictions (qu’ils soient
    consultants, économistes, voyants ou couturiers).

  8. C’était bien vu, compte tenu de la virtuosité du personnage à se foutre de la gueule du monde, cynisme et baratin ajusté au micron., redoutable baratineur.A croire que ce milieu du consulting est
    une machine à cultiver des pervers hors sol.

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