La mobilité résidentielle en France : une courte analyse sur longue période

La revue Population & Avenir vient de publier un article très intéressant de Jean-Marc Zaninetti (Professeur de géographie à l’Université d’Orléans) sur la proportion de personnes vivant en France métropolitaine dans leur département de naissance, de 1871 à 2017. En exploitant les données du recensement, il montre que cette part est passée de 80% en 1871 à 61% en 1968 et 50% en 2017 et en déduit que “la sédentarité qui dominait dans une France à dominante rurale a laissé la place à un maelström de migrations internes”.

J’ai trouvé ces chiffres particulièrement intéressants, sans toutefois savoir quoi dire sur la tendance : bien sûr, la mobilité interdépartementale a très fortement évolué entre 1871 et 2017, de 30 points de pourcentage. Pour autant, un français sur deux qui vit aujourd’hui dans son département de naissance, ce n’est pas rien (attention, ces personnes ont pu bouger entre leur naissance et la date du recensement). De plus, sur près de 50 ans (entre 1968 et 2017), la hausse de la mobilité a été de 10 points : est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Disons que nous ne sommes ni dans une France de sédentaires, ni dans une France d’hyper-mobiles.

J’ai lancé un petit sondage sur Twitter et sur LinkedIn, pour savoir ce que vous répondriez si on vous interrogeait sur la valeur de cette part (en passant, j’en ai profité pour poster de manière très légèrement différente la question sur les deux réseaux, pour voir si cela changeait un peu les résultats : sur Twitter, j’ai proposé comme parts 10%, 25%, 50% et 75%, alors que sur LinkedIn, j’ai  proposé 25%, 50%, 75% et 9%). Voici les résultats.

Selon vous, quelle est la part des personnes qui résident dans leur département de naissance, en France, aujourd’hui ? (Sondage réalisé du dimanche 5/12/2021 au lundi 6/12/2021)

Les répondants ont vu globalement juste, avec une majorité pour la bonne proportion de 50%. Ensuite vient une tendance à la sous-estimation (40% des répondants sur Twitter, 36% sur LinkedIn).

J’ai commencé à compléter l’analyse de Jean-Marc Zaninetti, pour savoir un peu mieux comment s’organisent ces mobilités interdépartementales. Sur la période la plus ancienne, j’ai pu récupérer des données supplémentaires dans un fichier proposé par l’INSEE sur cette page, le fichier T229, colonnes CD à CJ (ne me demandez pas comment je suis tombé dessus, je ne sais plus). Si bien que je dispose des taux de mobilités interdépartementales pour 1861, 1871, 1881, 1891, 1901, 1911 et 1921.

Sur la période plus récente, allant du recensement de 1968 à celui de 2017, les chiffres sont ici. Je les ai exploités en ajoutant les codes des anciennes Régions, ce qui me permets de distinguer trois types de mobilités interdépartementales :

  • les mobilités entre deux départements de la même Région ancienne définition (22 régions de France métropolitaine),
  • les mobilités entre deux départements qui n’appartiennent pas à la même ancienne Région mais qui appartiennent à la même nouvelle Région (13 Régions de France métropolitaine),
  • les mobilités entre deux départements qui appartiennent à des Régions (nouvelle définition) différentes.

Sur la base de ces deux compléments, j’ai construit le graphique ci-dessous.

La mobilité interdépartementale est passée selon ces données de 12% en 1861 à 49% au recensement millésime 2017. Soit une part de personnes “non mobiles” passant de 88% à 51%. L’intégration de l’échelle régionale montre que 13% des personnes qui ne résident pas dans leur département de naissance résident dans un département de la même ancienne Région. On peut y ajouter les 2% de personnes qui résident dans un département de la même nouvelle Région.

Au total, à l’échelle des Régions nouvelle définition, on aurait donc en 2017 un total de 35% de personnes “mobiles” et 65% de personnes “non mobiles”. Ceci me conduirait à dire que si la mobilité a augmenté tendanciellement, elle reste relativement limitée, puisque deux tiers des français restent durablement dans la même Région.

Pour finir, je signale qu’il y a matière à compléter : 1) en produisant des analyses région par région, par exemple, 2) en exploitant des données complémentaires disponibles dans les fichiers 1968-2017 le genre des personnes, leur niveau de diplôme, leur âge, leur nationalité, leur profession, etc., 3) en distinguant la mobilité interdépartementale entre départements limitrophes et départements non limitrophes plutôt qu’entre Régions institutionnelles, ou bien en calculant la distance entre les centroïdes des départements de naissance et de résidence, pour juger autrement de la mobilité.

Un commentaire sur “La mobilité résidentielle en France : une courte analyse sur longue période

  1. La mobilité résidentielle est avant tout une conséquence de la dynamique économique différentielle des territoires. Si les deux-tiers de la France sont dans une spirale de déclin depuis bien trop longtemps, les jeunes et les actifs n’ont d’autre solution que partir là où il y a du travail. L’analyse ne doit donc pas porter sur l’ensemble de la population, mais bien sur les jeunes et les actifs!

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