Les dépenses d’alimentation : quelques chiffres

L’enquête de 60 millions de consommateurs a fait du bruit, avec sa “liste noire des prix qui
flambent”. La méthodologie a été critiquée par certaines enseignes. Le gouvernement a embrayé très vite derrière 60 millions de consommateurs, pour demander sa propre étude, qui semble confirmer certains points et en infirmer
d’autres
.
  Peu de choses sur le sujet sur les blogs, hormis cette brève  et  ce billet chez les éconoclastes. A lire également sur le sujet l’interview de Moati dans le Monde.

Petit complément, pour signaler qu’il existe des données Insee particulièrement intéressantes, accessibles gratuitement, sur la consommation des ménages depuis 1959, par produit d’une
part, et par fonction de consommation d’autre part. Une mine.

On peut par exemple calculer le poids de la consommation de chaque produit dans l’ensemble de la consommation des ménages, ce que l’on appelle un coefficient
budgétaire. Par grande fonction de consommation, ça donne ce tableau :

 
DESIGNATION DU POSTE 1959 1985 2006
Prod. alimentaires et boissons non alcoolisées 26,8 16,9 13,7
Boissons alcoolisées et tabac 6,2 3,1 3,0
Articles d’habillement et chaussures 11,6 7,3 4,7
Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles 10,8 20,5 25,2
Meubles, articles de ménage et entretien courant de l’habitation 9,3 6,9 5,9
Santé 2,3 2,4 3,4
Transport 10,3 14,9 14,7
Communications 0,5 1,8 2,8
Loisirs et culture 6,9 8,2 9,3
Education 0,6 0,5 0,7
Hôtels, cafés et restaurants 6,5 5,5 6,2
Autres biens et services 7,4 12,7 11,2
Dépense de consommation des ménages 100,0 100,0 100,0
 

 

 
Les dépenses alimentaires, qui représentaient près de 27% des dépenses de consommation, ne pèsent plus que 13,7%. C’est cette fraction du budget qu’une hausse du
prix du lait, pâtes, yaourts, … affecte. En simplifiant, une hausse de 10% des prix de l’alimentaire vous fait perdre 1,37% de pouvoir d’achat.

Sur longue période, vous noterez l’augmentation de la part des dépenses de logement, eau, gaz…, d’une part, des dépenses de loisirs et culture, d’autre part. Sur
les 20 dernières années, c’est le poste communication qui a le plus fortement augmenté (+53% entre 1985 et 2006).
L’impact de l’évolution des prix du logement
et des transports est potentiellement plus fort que celui des prix de l’alimentaire, car ces postes de consommation pèsent plus dans le budget.

On dispose de données à des échelles très fines. Par exemple, voici un graphique qui reprend l’évolution des coefficients budgétaires pour les sous-catégories de la
catégorie “industrie du lait”, elle-même sous-catégorie de la catégorie “Industries agricoles et alimentaires” :

 


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Vous noterez la chute du beurre et du lait, la hausse des yaourts et des glaces et sorbets. On vérifie que la France reste le pays du fromage.

Je précise qu’une baisse du coefficient budgétaire ne signifie pas une baisse de la consommation du produit, mais une augmentation moins rapide de cette consommation.

On peut également regarder l’évolution des prix de l’alimentaire, à comparer à l’évolution de l’ensemble des prix à la consommation. On obtient la courbe suivante
:


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On observe bien la déconnection des prix sur 2000-2006, avec un pic en 2003. Reste à en préciser les raisons, le débat tournant autour du poids respectif des lois
dans la grande distribution, de l’envolée des prix agricoles, de la PAC, …  
Sur le rôle de la PAC et des quotas laitiers décriés par Alexandre
Delaigue, j’aurais tendance à nuancer  (voir d’ailleurs certains
commentaires intéressants sur le billet d’Alexandre
) : les quotas ne sont pas atteints dans tout un ensemble de régions car il y a des productions aujourd’hui plus rentables, et aussi pour
des raisons socio-économiques : l’élevage est une activité beaucoup plus contraignante que l’activité céréalière par exemple. Sur la loi Galland, le débat est entre les partisans d’une
déréglementation rapide (Attali-Askenazy) et les partisans d’une déréglementation plus en douceur (Moati) pour éviter différents effets négatifs. Sur les prix mondiaux : d
ans tous les cas, leur évolution risque de continuer un certain temps, et de peser sur le pouvoir d’achat des ménages. Comme le rappelle Moati dans son interview au Monde, mesurer
le pouvoir d’achat des ménages consiste à suivre l’évolution de R/P, avec R le revenu nominal et P l’indice des prix à la consommation. On a tendance à se focaliser très fortement sur le
dénominateur (comment assurer la baisse des prix?), en “oubliant” le numérateur (comment assurer une hausse des revenus?), sachant que sur ce dernier point, d’autres débats émergent : est-ce un
problème de répartition des richesses? de croissance trop faible? etc. 

Pour finir, je signale que l’impact des prix de l’alimentaire n’affecte pas de la même manière les ménages, on observe notamment que le poids dans le budget des dépenses alimentaires décroît avec le niveau de revenu
:

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Le poids de l’alimentaire décroît tendanciellement pour tous les quintiles, mais les différences subsistent entre quintiles. Bon, il y aurait plein d’autres choses à
dire à partir de ces chiffres, je vous laisse vous amuser avec!

PS : Christian Aubin, doyen de l’UFR de Sciences Economiques de Poitiers, est interviewé par France Bleu
Poitou
lundi matin, entre 9h10 et 10h50 dans l’émission “Les Spécialistes”, sur la question hausse des prix/pouvoir d’achat. Vous pouvez poser des questions par mail ou par téléphone, infos
ici.

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5 commentaires sur “Les dépenses d’alimentation : quelques chiffres

  1. Je suis supris par la relative constance du poste “Restaurants” (précisément “Hôtels, cafés et restaurants”) alors qu’il m’est évident que la proportion de Français prenant leur repas de midi à leur foyer a forcément singulièrement baissé depuis 1959 : une nette majorité des écoliers, collégiens ou lycéens doit aujourd’hui manger à la “cantine” et un bon nombre de salariés dans de la restauration collective d’entreprise. Et sans compter l’essor du tourisme.Comment s’explique alors que ce poste bouge si peu ? En 1959 le Français moyen vidait 6 % de sa paye en petits canons au Bistro et c’est passé de mode ? Ou la restauration collective figure à un autre poste ?

  2. Le plus gros changement (en volume) est donc un transfert entre le budget alimentation et le budget logement. Faut-il en conclure que les rentiers sont les vainqueurs des 50 dernières années et les paysans les perdants ?

  3. Votre poste met bien en lumière le transfert de dépense de l’alimentaire vers le logement depuis la dernière guerre. Si cette part augmente de nouveau (ce qui semble plausible à court terme, car on manque de nouriture dans le monde: on ne produit pas assez pour les terriens, et c’est pour cela que les prix montent: les excédents amimentaires ont tout simplement disparus), il n’y a aucun doute que les prix des logements baisseront en conséquence. Je parle des biens “classique” pas du haut de gamme, où de toutes façons, les prix n’ont aucune réalité économique.

    Ce qui m’inquiète, c’est que la montée des prix indique une réelle pénurie de matières premières (alimentaire, pétrole, acier…), et ceux qui vont souffrir seront les pays les plus pauvres, que l’on ne pourra plus aider par nos surplus alimentaire. Le plus grand risque actuel à mon avis: la famine…

    http://gigi75.over-blog.com/

  4. Depuis 1960 jusqu’en 2008, si je lis bien les chiffres INSEE, le PIB par habitant a été multiplié par environ 4.8.Donc on dépense en 2008 par rapport à 1960 : - pour les produits alimentaires environ 2.4 fois plus, ce qui peut se traduire par une hausse de qualité et quantité ?- pour le logement , eau gaz et électricité  12 fois plus … est on vraiment 12 fois mieux logé ou bien y a t il un mécanisme infernal de spéculation depuis quelques années (cf comptes de la nation) sur la richesse immobilière ?

  5. LG : “Depuis 1960 jusqu’en 2008, si je lis bien les chiffres INSEE, le PIB par habitant a été multiplié par environ 4.8.”Comment a été répartie cette richesse générée en 40ans ? Une partie n’aurait-elle pas pu être affectée au financement des retraites ?Qu’en sera t-il d ela croissance du PIB entre 2008 et 2050 ? Une partie de la richesse qui sera produite pourra t-elle être affectée aux retraites à venir ?

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