J’aimerais dans une série d’articles faire un bilan de ce que l’on sait sur les OGMs (organismes génétiquement modifiés) et essayer de faire le point sur les controverses qui les entourent. Aujourd’hui, nous tenterons de définir ce qu’est un OGM.
Organisme génétiquement modifié ou Organisme Génétiquement Modifié?
Une vidéo amusante montre un créationniste nous expliquant non sans enthousiasme que la banane a été crée par Dieu pour s’adapter parfaitement à notre main avec une couleur jaune des plus attractive. Il se trouve en fait que la banane a été génétiquement modifiée par l’homme, par sélection artificielle, et qu’à l’état sauvage elle ne ressemble guère à ce que nous mangeons aujourd’hui.
enjoy: [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=YfucpGCm5hY[/youtube]
Le patrimoine génétique de la banane a bien été modifié par l’intervention de l’homme mais la banane n’est pas pour autant considérée comme un OGM. Le site du gouvernement dédié aux OGMs définit un OGM comme un organisme (animal, végétal, bactérie) dont on a modifié le matériel génétique par une technique dite de génie génétique pour lui conférer une caractéristique nouvelle. Tout est donc dans le “génie génétique”. Dans le cas de la banane, c’est par sélection artificielle que nous avons obtenu le fruit que nous mangeons aujourd’hui. Cette définition est donc intéressante car elle fait explicitement appel à l’intervention de l’homme en excluant des techniques “traditionnelles” mais suffisamment vague pour qu’il y ait débats ou contestations. Les faucheurs volontaires par exemple s’attaquent désormais à des plantes issues de “mutagenèse”(1) en demandant à ce qu’elles soient considérées et régulées comme des OGMs (voir par exemple ici).
Mais, au fait, qu’est ce qu’un gène?
Gène, transgène
Tentons de faire au plus simple. Tous les organismes vivants contiennent de l’ADN (une molécule avec une forme caractéristique de double hélice); cet ADN détient l’ensemble de l’information génétique qui caractérise cet organisme (c’est comme un plan pour construire un bâtiment). Un gène est tout simplement une séquence d’ADN qui contient une certaine information. Il peut arriver qu’un seul gène soit responsable d’une caractéristique observable. Par exemple, le groupe sanguin chez l’homme est une caractéristique identifiée par un seul gène(2). Il est cependant important de noter qu’un gène ne code pas forcément pour une caractéristique observable: certains gènes codent pour des substances impliquées dans la régulation des autres gènes, certains gènes peuvent coder pour plusieurs caractéristiques et certaines caractéristiques peuvent être le résultat de plusieurs gènes (on sait par exemple que l’autisme est essentiellement une maladie génétique mais on pense qu’il n’est pas possible de mettre en évidence un gène qui provoquerait l’autisme).
Pour en revenir à notre problème de définition, une autre manière de voir un OGM c’est le fait qu’il contienne un gène qui est issu d’une autre espèce, c’est ce qu’on appelle le transgène. Le langage génétique, contenu dans l’ADN, étant universel dans le monde du vivant, un gène issu d’une espèce peut effectivement être lu et exprimé par une autre espèce. C’est comme un code informatique qui, si vous disposez de la clé pour le lire, peut être décrypté par n’importe qui. Cette caractéristique a d’ailleurs valu aux opposants des OGMs de nombreuses caricatures assez drôles il faut le reconnaître et on a même parlé de “franchissement de la barrière des espèces“
S’il est vrai que des espèces différentes ne peuvent se reproduire ensemble (la reproduction amenant un brassage génétique), et qu’il est peu probable qu’un gène d’une vache se retrouve dans un maïs, il faut néanmoins noter que ce n’est pas impossible. Il y a des exemples dans la nature d’OGMs “naturels”, OGM pris dans le sens d’un organisme possédant un transgène. Voir la page wikipedia sur le transfert horizontal de gènes, ou bien pour les anglophones cette vidéo un peu plus amusante.
L’idée est simple, il suffit de prendre un gène qui nous intéresse dans une espèce donnée, et d’insérer ce gène dans l’ADN d’une autre espèce. On fait habituellement cela sur des cellules, on peut en effet régénérer une plante entière à partir d’une cellule. Si l’idée est simple, expliquer sa réalisation l’est un peu moins. On s’appuiera donc sur cette image que nous allons tenter de détailler un peu
La première étape consiste donc à repérer un gène qui nous intéresse, le gène “d’intérêt” et à l’extraire. Ensuite, il faut intégrer ce gène dans une construction un peu plus complexe, l’utilité ici est par exemple de rajouter un gène “marqueur” qui permettra ensuite de repérer quelles sont les cellules qui portent le gène d’intérêt. La forme circulaire de ces “constructions” sur le schéma n’est pas non plus anodine, on les appelle en fait des plasmides, petites molécules circulaires d’ADN qui sont mobiles et peuvent passer d’une cellule à une autre. Justement, le schéma propose deux solutions possibles pour insérer le gène d’intérêt dans les cellules cibles. Il y en a d’autres mais ce sont les principales.
La première étant la plus surprenante puisqu’il s’agit littéralement de tirer sur les cellules avec un “fusil à gène”. On place les petits gènes sur des particules d’or ou de tungstène et on bombarde les cellules cibles avec. Ces particules ont la capacité de pénétrer la membrane de la cellule et on espère que les gènes qu’elles transportent seront intégrés dans l’ADN de la cellule. La deuxième solution est un peu plus sournoise puisqu’on se sert d’une bactérie (Agrobacterium tumefaciens) pour faire le boulot. C’est une bactérie qu’on trouve dans le sol et qui a la capacité d’intégrer une partie de son matériel génétique dans la cellule.
Dernière étape, se servir du gène marqueur pour repérer les cellules qui contiennent le gène d’intérêt. Plusieurs solutions sont possibles et certaines ont parfois provoqué des polémiques surtout dans le cas des plantes génétiquement modifiées. Pour les premiers OGMs, on utilisait par exemple un gène marqueur qui permettait à la cellule de résister à un antibiotique. Il suffisait alors d’imprégner les cellules de cet antibiotique pour voir lesquelles survivaient, ces dernières contenaient forcément le gène marqueur et du coup le gène d’intérêt. Le problème qui pourrait se poser dans cette situation au moins en théorie, c’est que la plante issue de la cellule contiendra aussi ce gène résistant à un antibiotique, il se peut alors que ce gène soit transmis une fois cultivé dans la nature à des espèces différentes, par exemple des bactéries dangereuses pour l’homme. Aujourd’hui, d’autres solutions sont utilisées qui n’utilisent plus ce genre de marqueurs.
Un site qui semble être le fruit d’un travail fait par des étudiants va un peu plus loin scientifiquement mais reste très accessible, à lire pour les plus curieux/courageux: http://membres.multimania.fr/ogmland/modification.html
Une vidéo à ne pas rater:
Si vous aimez les rimes en anglais et que vous avez quelques minutes, vous pouvez tenter cette série de vidéos financées par le gouvernement Australien. Ci-dessous la première de la série qui définit ce qu’est un OGM. Pour les plus courageux: Part 2, Part 3.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=yAoOe5x84bc&feature=relmfu[/youtube]
Un grand merci à Sophie pour avoir relu ce billet avant sa publication! Si vous la croisez, parlez-lui des chiens modifiés génétiquement par sélection, vous n’allez pas être déçu!
(1) On abordera les différentes techniques d’amélioration des plantes, comme la mutagenèse, dans un futur article.
(2) Ce gène possède 3 variants (O, A, B) pouvant donner 4 phénotypes, c’est-à-dire, les caractères observables (groupe O, groupe A, groupe B ou groupe AB).
« Si l’alimentation est effectivement dangereuse tu vas observer des pourcentages beaucoup plus élevés de tumeurs, 60%, 70%, 80%, etc. tandis que tu auras l’attendu 50% pour ton groupe contrôle. »
Sauf que si tu as des groupes de 10 rats, en trouver 2, 3, etc. 7, 8 atteints de tumeurs dans un groupe témoin dans lequel on en attend 50 % reste compatible avec cette moyenne. Il se trouve que M. Séralini a eu un groupe de témoins femelle qui était presque exclusivement composé de Jeanne Calment.
Sauf que si tu as des groupes de 10 rats, en trouver disons 4, 5, etc. 8, 9 atteints de tumeurs dans un groupe traitement dans lequel on pense en trouver plus que dans le témoin reste compatible avec l’une et l’autre des hypothèses (effet ou absence d’effet).
« On en attend… » Là encore, pour pouvoir le dire, il faut le savoir. Et il n’y a que deux méthodes : avoir un nombre suffisant de groupes témoins inclus dans l’expérience pour produire une moyenne qui ait un sens ; ou utiliser les données historiques du laboratoire. On n’a ni l’un, ni l’autre?
Le problème de l’insuffisance du nombre des rats peut aussi s’illustrer de la manière suivante : dans un test à 90 jours, dans lequel on s’attend à zéro tumeurs chez les témoins (et les traitements en l’absence de risques) on dispose de dix rats susceptibles de développer une tumeur signe de problème. Dans un test plus long dans lequel la moitié des rats développent naturellement une tumeur, il n’en reste plus, statistiquement, que cinq pour « faire parler le test ».
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