Le Spectacle de la nature, un « best-seller » du XVIIIe siècle

Du 2 au 31 mars 2020, dans le cadre du Livre ancien du mois, la bibliothèque Michel Foucault présente l’ouvrage Le Spectacle de la nature de l’abbé Pluche.

Portrait de l'abbé pluche gravé par Louis-Jacques Cathelin d'après Nicholas Blakey

Portrait de l’abbé pluche gravé par Louis-Jacques Cathelin d’après Nicholas Blakey

L’auteur

D’origine modeste, Noël-Antoine Pluche (1688-1761) se voua très tôt à l’éducation. À 22 ans, il devint professeur d’humanités au collège de Reims, sa ville natale, puis, inquiété pour ses sympathies jansénistes, il se réfugia en Normandie où il devint le précepteur des enfants d’une riche famille anglaise installée à Rouen. De retour à Paris, il dispensa des cours d’histoire et de géographie mais renonça vite à l’enseignement pour se consacrer pleinement à la rédaction de son projet : l’écriture d’une vaste synthèse sur l’histoire naturelle à destination des plus jeunes, Le Spectacle de la nature.

Un « best-seller » du XVIIIe siècle

L’ouvrage, publié entre 1732 et 1750, rencontra un succès immédiat et le premier volume fut réédité deux fois dans les six mois qui suivirent sa parution. On considère aujourd’hui Le Spectacle de la nature comme l’un des livres les plus populaires du XVIIIe siècle, plus que les œuvres de Voltaire et de Rousseau. D’ailleurs, dans son étude sur les catalogues des bibliothèques privées du XVIIIsiècle, l’universitaire Daniel Mornet raconte avoir plus souvent rencontré Le Spectacle de la nature que l’Encyclopédie ! Sans parler des éditions que l’on qualifierait aujourd’hui de pirates, l’ouvrage en neuf volumes compta dix-huit éditions françaises, deux éditions abrégées et de nombreuses traductions en langues étrangères. Les 212 planches, gravées en taille-douce par Jacques-Philippe Le Bas (1707-1783), en font également un ouvrage riche et agréable à consulter.

Le style Pluche

Une des grandes originalités de l’ouvrage est d’être constitué à la fois de dialogues entre le jeune chevalier du Breuil, le comte et la comtesse Jonval ainsi que le prieur du lieu, et de lettres échangées entre les protagonistes. En effet, Pluche estimait le dialogue plus plaisant que l’exposé. Il s’en justifie dans la préface du premier tome :

[…] nous avons essayé d’en écarter la tristesse ; & au lieu d’un discours suivi, ou d’un enchaînement de dissertations qui amènent souvent le dégoût & l’ennui, nous avons pris le style de Dialogue, qui est de tous le plus naturel, & le plus propre à attacher toutes sortes de lecteurs.

L’apprentissage est donc facilité par des dialogues à caractère pédagogique permettant une initiation aux connaissances scientifiques compilées par l’auteur. Le style est plaisant et le lecteur peut ainsi suivre une conversation faite de digressions et de longs développements sur l’histoire naturelle et la description des principaux procédés des arts mécaniques. Pour autant, l’ouvrage est structuré et suit une certaine logique. Pluche choisit par exemple de débuter son étude par les insectes, qu’il considère comme « les premiers objets qui se trouvent autour de nous ». Enfin, chaque volume est consacré à un sujet précis : des animaux aux plantes en passant par l’intérieur de la terre, le ciel, l’homme et Dieu.

La théologie physique

Toutes « ces merveilles de la nature » décrites par Pluche illustrent selon lui la gloire du Créateur. En effet, pour les théologiens de la nature dont Pluche s’inspire, étudier les merveilles, les perfections et l’utilité des faits de nature est un moyen de prouver l’existence de Dieu et sa bonté. Pluche l’écrit : le but de cette entreprise scientifique est de « rendre l’esprit curieux » afin de « découvrir le beau, l’utile, le vrai ». Cette approche utilitariste place l’homme comme maître, usufruitier et destinataire du monde. Dans la préface, on peut ainsi lire :

Tous les corps qui nous environnent, les plus petits comme les plus grands, nous apprennent quelques vérités : ils ont un langage qui s’adresse à nous & même qui ne s’adresse qu’à nous.

Cette nature au service de l’homme, vantée par les théologiens de la nature est une nature prévoyante. Pluche prétend par exemple que la poule est un dispositif que Dieu a donné pour transformer les déchets de nos repas en œufs ou encore que les marées sont faites pour faciliter l’entrée des bateaux aux ports. Ces affirmations furent la cible de ses détracteurs et expliquent sans doute la désaffection et le relatif oubli de Pluche à qui revient pourtant le mérite d’avoir relancé en France l’étude de l’histoire naturelle en ouvrant la voie au succès de Buffon et aux célèbres scientifiques de l’Encyclopédie. Aujourd’hui moins connu que les œuvres de ces derniers, Le Spectacle de la nature a pourtant largement contribué à la diffusion des connaissances naturalistes de l’époque et à l’éducation de nombreuses familles. Il est à considérer comme une source importante de l’histoire naturelle de la première moitié du XVIIIe siècle.

Pour aller plus loin :

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *