Art de la verrerie

Du 6 au 31 janvier 2020, le livre ancien du mois consacré à l’Art de la verrerie, une compilation d’ouvrages de Neri, Merrett, Kunckel et divers auteurs allemands, est présenté à la bibliothèque Michel Foucault. 

 

Une compilation sur la verrerie

Le baron d’Holbach (1723-1789) est à l’origine de ce recueil dont il a choisi, assemblé et traduit les œuvres en français. Philosophe et scientifique, il est l’auteur de plusieurs centaines d’articles pour l’Encyclopédie, dans les domaines, entre autres, de la chimie, la métallurgie et la minéralogie.

D’origine allemande, mais d’expression française et ayant vécu presque toute son existence à Paris, il a traduit plusieurs ouvrages de l’allemand et de l’anglais en français, comme dans le cas présent.

La page de titre annonce Art de la verrerie, de Neri, Merret et Kunckel auquel on a ajouté…, et suit une liste de six titres d’auteurs allemands, Johann Christian Orschall, Johann Friedrich Henckel, Christoph Grummet et Carl-Friedrich Zimmermann.

L’Art de la verrerie d’Antonio Neri est le titre principal du livre dont il constitue la première et majeure partie. Les noms de Christopher Merrett et Johann Kunckel y sont associés en tant que traducteurs et commentateurs de l’œuvre.

L’ensemble de l’ouvrage aborde tous les aspects de la verrerie, la fabrication du verre, du cristal, des verres colorés, l’imitation des pierres précieuses ainsi que la réalisation des porcelaines en Chine et en Saxe.

Art de la verrerie, de Neri, Merret et Kunckel

Paru en 1612, L’arte vetraria distinta in libri sette d’Antonio Neri fut le premier ouvrage imprimé entièrement et spécifiquement consacré à la fabrication du verre et à ses procédés de coloration. Considéré comme le traité le plus complet sur la question, il devint la référence des maîtres verriers à travers l’Europe et sa popularité perdura jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.

Son auteur, Antonio Neri (1576-1614), était un prêtre toscan, alchimiste et verrier. Après son ordination, il partit s’exercer à l’art de la verrerie dans les ateliers de Florence (1601-1602), de Pise (1602), puis d’Anvers (entre 1604 et 1611).

On peut juger de l’intérêt manifeste porté à cet ouvrage aux traductions en plusieurs langues qu’il suscita et aux notes abondantes rédigées par les traducteurs Merrett et Kunckel.

Christopher Merrett‎ (1614-1695), médecin et physicien, en fit d’abord une traduction en anglais (1662), puis en latin (1668). Toutes les traductions ultérieures, en allemand par Johann Kunckel (1679), en français par d’Holbach (1752), furent établies à partir de celles de Merrett.

Johann Kunckel von Löwenstern (1630?-1703), célèbre chimiste, enrichit sa traduction d’importantes observations à la fois sur le texte de Neri et sur les notes de Merrett. Il y ajouta aussi un recueil d’expériences et de procédés qui forme une seconde partie à l’ouvrage de Néri.

Verrerie et alchimie

Alchimiste lui-même, Neri dédicaça son ouvrage à Antoine de Médicis, fils présumé de François Ier de Médicis, qui comme son père et son grand-père Cosme Ier pratiquait l’alchimie.

Neri écrivit plusieurs traités d’alchimie restés manuscrits malgré son intention, comme il le déclarait dans la préface de l’Art de la verrerie, « de publier d’autres opérations chimiques et spagiriques ». Sans doute sa mort, survenue deux ans après la parution de son seul titre imprimé, ne lui en laissa pas le temps.

De nombreuses relations et interactions existaient entre les deux domaines de recherches de Neri. Le travail de l’alchimiste et celui du verrier comportaient certaines similitudes ; les deux s’employaient à la transformation de la matière, travaillaient avec les métaux (utilisation du cuivre, de l’or pour colorer le verre), œuvrant pour ce faire avec le feu et utilisant fours et fourneaux (qui constituent le sujet de la plupart des planches contenues dans le livre). En outre l’alchimiste utilisait des objets de verre qu’il pouvait être amené à fabriquer lui-même pour répondre au mieux aux spécificités de ses travaux et de ses expériences.

Verriers et alchimistes réalisaient des opérations chimiques selon une même démarche expérimentale. La tradition alchimique aurait même favorisé le développement des sciences expérimentales.

Secrets et recettes

Comme l’alchimie, l’art de la verrerie avait ses mystères et l’ouvrage de Neri se place dans la tradition des livres de secrets et des livres de recettes. Neri assurait dès le titre que son ouvrage enseignait des « segretti bellissimi ». Kunckel dans son sommaire évoquait des « secrets utiles et curieux ». Mais de quels secrets s’agissait-il ? De ces savoir-faire transmis d’ordinaire sous forme orale ou manuscrite, au sein des ateliers, de maître verrier à apprenti, de génération en génération. Le traité de Neri est un témoignage précieux, parce qu’imprimé, par lequel son auteur voulait rendre public les résultats de ses expériences et recherches pour le bénéfice d’un large public.

Avec un souci de clarté et d’intelligibilité, il y décrivit, de manière très détaillée, circonstanciée, mais simplement, les procédés qu’il avait lui-même expérimentés. Neri assurait même que, si le lecteur suivait à la lettre ses recettes, la réussite était assurée, mais qu’en cas d’échec la responsabilité de l’auteur ne pouvait être engagée.

Kunckel expérimenta toutes les recettes de Neri, qu’il améliora, corrigea, voire contesta. Ainsi ce traité technique a diffusé un savoir-faire pratique, éprouvé par l’expérimentation, démarche scientifique qui fut l’un des fondements de la science moderne.

À lire également :

Maitte, Corine « Migrer et livrer ses secrets ? Secrets et transmission technique », dans Les chemins de verre : Les migrations des verriers d’Altare et de Venise (XVIe-XIXe siècles). Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2009

Engle, Paul « Antonio Neri : alchemist, glassmaker, priest »

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *