Entretien avec Tiphaine Gantheil et Timothée Morisse

Nous avons eu la belle occasion de rencontrer Tiphaine Gantheil et Timothée Morisse. Présents en tant que résidents à l’Université, les deux auteurs de bande dessinée sont invités à exprimer leurs émotions sur le sujet sensible de la violence subie par les femmes sous quelque forme qu’elle soit. Salle 11 de La Ruche un mercredi matin. Un endroit propice pour s’asseoir, boire un café et entrer dans l’univers de deux personnes aussi captivantes qu’attachantes.

© Photo Tiphaine Gantheil

Travaux de Timothée Morisse en cours. © Photo Tiphaine Gantheil

© Photo Timothée Morisse

Travaux de Tiphaine Gantheil en cours. © Photo Timothée Morisse

 

Bonjour Tiphaine & Timothée. Voilà déjà quelques semaines que vous êtes présents en tant que résidents pour vous exprimer sur la thématique qu’est la violence faite aux femmes et au corps des femmes. À mi-parcours, quelles sont vos premières sensations face à ce sujet sensible ?

Timothée Morisse : Au départ j’avais une appréhension. Celle d’être jugé. Mais quand on se penche sur le sujet, on se rend compte en fait, que nous sommes tous légitimes à en parler. C’est intéressant que les hommes puissent s’exprimer sur ce thème et ça serait d’ailleurs bien qu’on le fasse encore plus ! Ceci étant, même si avec Tiphaine nous avions décidé de se lancer dans ce projet, je me mettais une espèce de barrière à apporter mon propre point de vue. Au fil du temps, je m’aperçois que cela me fait du bien.

Tiphaine Gantheil : Je trouve que depuis qu’on s’est pleinement investis, si on met de côté l’aspect créatif, le fait de se documenter et de rencontrer des gens, m’a donné de la force. Celle de mieux comprendre, d’être plus au courant. Quitte à affronter des choses difficiles. Je pense au personnes du Planning Familial, c’est costaud ! Au début, on se prend beaucoup de témoignages durs en pleine poire mais au lieu de me déprimer, ça a vraiment eu dans mon esprit l’effet inverse. Cela a endurci mes convictions. J’ai fini par comprendre que mon ressenti est en fait le même que tant de femmes… On se sent moins seule finalement. Quand j’ai rencontré les femmes du Planning, sans Tim qui était sur un autre projet, cela a été des moments précieux. On a passé du temps à s’exprimer, à échanger. Je crois que le fait de se réunir, a permis de réaliser qu’on pouvait faire quelque chose ensemble.

Vous participez à un atelier comic strip avec un groupe d’élèves du Lycée du Dolmen à Poitiers. Ressentez-vous cette jeune génération concernée et impliquée par ce fléau ? 

 Croquis / Timothée Morisse

Atelier BD – Lycée Dolmen (1ères ASSP) – Croquis / Timothée Morisse

 

Tiphaine : Il faut savoir que ce petit groupe avec qui l’on partage cette expérience est composé de sept personnes. Sept filles. Rien d’intentionnel puisque l’inscription à l’atelier était libre. Mais ce lycée offrant des filières convoitées par la gente féminine, nous nous sommes retrouvés avec ces élèves qui étaient effectivement très impliquées. Lorsque nous avons évoqué le sujet que nous allions traiter, elles ont tout de suite été réceptives. Nous qui avons été enseignants, étions assez surpris de cette liberté d’expression spontanée. Est-ce l’actualité du moment qui s’y prête ? Est-ce parce que le fait d’utiliser le support BD est plus facile ? Dans tous les cas, nous les sentions véritablement investies. À tel point que l’on regrette que cet atelier ne soit pas plus long pour cette résidence. On s’est vraiment rendus compte que si on donnait du temps à cette jeune génération pour simplement s’exprimer… J’aurais aimé tester aussi ce type d’exercice uniquement avec des garçons. Je suis certaine que cela aurait été très enrichissant.

Tim : Ce projet là est limité dans le temps. C’est un rendez-vous de deux heures par semaine. Donc, une pédagogie différente qu’un cours donné sur une année d’étude. On est dans la spontanéité et le plaisir de se revoir pour travailler ensemble. Elle sont contentes de ce moment et nous aussi ! Cela sort du cadre scolaire et de ce qu’elles font habituellement. On les trouve étonnamment libérées et c’est très agréable et constructif.

Lycée Dolmen (1ères ASSP) - Illustration : Ambre

Atelier BD – Lycée Dolmen (1ères ASSP) – Illustration : Ambre

Lycée Dolmen (1ères ASSP) - Illustration : Sarah

Atelier BD – Lycée Dolmen (1ères ASSP) – Illustration : Sarah

Dans votre carnet de bord visible sur la page Facebook de la Maison des Étudiants de l’Université de Poitiers, l’une de vos illustrations met en évidence la réaction de l’opinion publique face à l’impunité d’hommes célèbres coupables de violences. Selon vous, peut-on dissocier l’œuvre de l’artiste face aux méfaits qu’il a commis ?

Tim : C’est difficile de trancher là-dessus. À la base, j’aurais tendance à dire que oui. C’est évidemment un moyen d’expression, une forme de partage que de présenter son art. Mais en même temps c’est aussi montrer une part de soi. Maintenant, est-ce qu’un homme coupable de sévices sexuelles prend le pas sur son talent artistique ? Disons que le public ne verra plus légitiment son œuvre de la même façon.

Tiphaine : Je pense que nous, le public, pouvons dissocier l’œuvre d’un artiste au détriment de son acte répréhensible. Ce que je trouve choquant c’est que des établissements réputés comme la cinémathèque fasse des rétrospectives sur des hommes dont ont connait les méfaits (il est question ici du cinéaste Roman Polanski). Qu’une personne aille voir ses films, cela ne me pose pas de problème. Même si pour ma part, c’est inenvisageable. Mais qu’une structure renommée du cinéma en fasse une mise en lumière, ça me déplaît fortement. Mais c’est très français comme agissement. Être considéré comme un génie du septième art suffit à effacer l’ardoise. Si on y ajoute certaines personnes de la profession qui ont fait bloc pour qu’on le laisse tranquille, cela me met profondément en colère. Des causes à soutenir, il y en a à la pelle ! Pourquoi choisir celle qui est en aucun cas défendable ?

Impunité des hommes coupables de crimes sexuels. Dessin / Tiphaine Gantheil

Impunité des hommes coupables de crimes sexuels. Dessin / Tiphaine Gantheil

Pour la BU Lettres vous vous prêtez au jeu de la lecture dessinée. En tant qu’autrice et auteur, n’est-ce pas là une occasion d’appréhender différemment votre dessin ? En offrant une émotion, un rendu graphique quasi instinctif ? 

Tim : Pour ma part, j’aurai initialement parcouru les textes avant de dessiner en direct de la lecture. Et c’est super stressant ! Je vais me trouver face à plusieurs personnes et vais devoir adapter mon dessin en offrant quelque chose de jeté et en même temps que cela soit joli à regarder. Je vais devoir trouver quelque chose de simple et rapide à faire pour que les gens ne s’ennuient pas. Mais j’aime bien ce genre de défi. Il y a donc également de l’excitation ! (rires). La vraie difficulté de cet exercice est d’être devant un public et d’offrir un dessin spontané. Exit le confort de chez soi devant sa table à dessin où on peut effacer, corriger et peaufiner sa création.

Tiphaine : Le fait de dessiner ainsi en direct va donner un trait différent puisque moins maîtrisé. Cela peut apporter une nouvelle sensibilité très intéressante. Personnellement, quand je suis chez moi et que je dessine, je suis très lente. Cela peut être très fastidieux dans la technique, j’essaie de contrôler au maximum ce que je fais. C’est certainement dû à un manque de confiance en moi. Et finalement, peut-être que parfois j’en perds cette émotion dans le trait. Lorsqu’on prend ou qu’on donne des cours de dessin de nu, il y a cet exercice qui consiste à changer de main. Les résultats peuvent être assez hallucinants. On met de côté cette maîtrise acquise pour laisser place à quelque chose de radicalement différent.

Tim : Tu peux ajouter ce procédé où tu vas regarder uniquement le modèle. Sans poser tes yeux sur la feuille. L’œil est le premier outil du dessinateur, avant la main. Quand tu proposes ça à tes élèves, et qu’ils ont en eux cette capacité d’observation, le trait va se trouver plus libéré et encore plus expressif. Pour des résultats parfois inattendus.

Revenons au collectif dont vous faites partis tous les deux. Dans DIG! (pour Digression Imaginaire Généralisée), ce qui frappe d’entrée est cette diversité graphique proposée par chacun d’entre vous. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre propre technique ?

Tim : C’est assez varié. Habituellement, je fais beaucoup de numérique. Avec ma tablette. Puisque j’ai toujours procédé ainsi depuis tout petit. De façon plus générale, je fais d’abord mes recherches sur papier. C’est d’ailleurs le plus agréable. En fait, je n’ai pas de méthode proprement dite. J’expérimente beaucoup. Par exemple, dans le numéro -2 de DIG! j’illustre l’histoire transversale ainsi que ma propre interprétation de ce monde dystopique. On pourra les trouver visuellement différentes. Mais elles ont la même texture. À savoir le lavis à l’encre de chine. J’ai une grosse banque de données que j’utilise pour mon travail. Je pars souvent sur un dessin au trait et je plaque mes textures pour la réalisation des formes, des volumes, etc. On peut parfois se poser la question de savoir si on est sur du numérique ou du traditionnel. J’aime bien jouer avec ça, et mettre le doute sur le procédé proposé. J’ai eu une grosse période où je lisais du manga. Et comme je savais que, notamment sur les couvertures, les aplats étaient faits sur Photoshop, j’ai commencé dès mon adolescence à utiliser ce logiciel pour mes reproductions couleurs. Et c’est un outil qui ne m’a depuis jamais quitté. Ce qui ne m’empêche pas de revenir sur du traditionnel. En ce moment, je fais beaucoup de croquis et ça me procure beaucoup de plaisir. Ce n’est pas toujours évident d’être toute la journée planté devant son ordinateur. Mais il y aussi ce côté très rapide qui est vraiment agréable. Pour DIG! je me souviens de certaines planches où, mes croquis étant prêts, je pouvais aller très vite à la réalisation.

DIG - 2 : Planche / Timothée Morisse - page 24 -

DIG – 2 : Planche / Timothée Morisse – page 24 –

DIG - 2 : Planche / Timothée Morisse- page 73 -

DIG – 2 : Planche / Timothée Morisse- page 73 –

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tiphaine : Moi je travaille en traditionnel. Pour DIG! toutes les planches sont réalisées sur papier, au crayon de papier avec différentes mines. Je peux retoucher la planche sur Photoshop. J’équilibre les noirs et gris. Le logiciel me sert uniquement à nettoyer et régler les valeurs. C’est une méthode qui n’est pas vraiment un choix car mon approche est différente de celle de Tim. Ayant découvert l’outil très tard et n’étant pas une passionnée de l’informatique, je ne suis pas motivée pour me perfectionner à ce logiciel. Pourtant, je suis consciente que c’est un impératif que je m’y investisse plus. Je me prive forcément de certaines choses. Avec cette certitude que cela ne changera en rien ma technique tant mon dessin est mon identité et qu’il s’impose à moi.

DIG - 2 : Planche / Tiphaine Gantheil - page 4 -

DIG – 2 : Planche / Tiphaine Gantheil – page 4 –

Hors-Série DIK. Extrait / Tiphaine Gantheil

Hors-Série DIK. Extrait / Tiphaine Gantheil

Dans ce numéro -2, il ne faut pas oubliez vos acolytes qui, tout comme vous, ont un univers graphique extrêmement riche. Du superbe dessin de Thomas Plan jusqu’au huis-clos très sombre de Vincent Turhan, on obtient une œuvre expérimentale et très explosive. Était-ce votre but ?

Tim : Ce qu’on voulait vraiment réussir à faire, c’est de lier nos sensibilités graphiques à la base très différentes. Comme Thomas qui fait tout à la main et qui est un très bon dessinateur, et on a tous comme ça nos certitudes avec notre crayon. Maintenant, on sait que ce type de BD se classe dans la catégorie indépendante et expérimentale. On était conscients que pour cette œuvre collective, il y aurait cette espèce d’intransigeance. Ce n’est pas évident, mais ce qu’on souhaitait, c’est qu’à la fin de cette lecture subsiste une impression, une vue d’ensemble. C’était un test et on a pris plaisir à le faire.

Tu disais dessiner depuis tout petit Tim. Et toi Tiphaine ? Est-ce à l’enfance qu’est aussi apparue cette passion ?

Tiphaine : Cela a été surtout un vrai moyen d’expression durant cette période. Jusqu’à ce qu’un jour, j’arrête tout. J’avais décidé que ce n’était pas un bon moyen d’intégration à une étape de ma vie. Le dessin m’a rattrapé lorsque j’ai travaillé dans l’architecture. Cela m’a permis de réapprendre une certaine rigueur pour l’illustration. Et de comprendre que j’étais faite pour ça. Mais c’est surtout l’envie de raconter une histoire qui est devenue très forte. D’ailleurs, je suis convaincue que c’est un désir qui doit être plus fort que celui de parfaire sa technique graphique. Car aussi perfectionniste que l’on soit, on ne peut jamais vraiment accepter son style. C’est en tout cas très difficile…

Tim : Si tant est qu’on considère notre aisance au dessin comme un outil pour raconter une histoire. Qu’on puisse s’en libérer et ne pas vouloir à tout prix faire quelque chose de super beau. Traduire le plus simplement ce qu’on a imaginé. J’avais auparavant tendance à charger trop mes cases de peur d’oublier des choses. Alors qu’on doit tendre à l’essentiel. Lorsque l’on a compris ça, on doit obtenir un résultat beaucoup plus fluide.

Y a t-il des auteurs de bande dessinée qui ont été de véritables inspirations pour vos propres créations ?

Tim : Tiphaine et moi aimons beaucoup une illustratrice qui s’appelle Isabelle Arsenault. Même si je n’ai pas la même approche, je la trouve très inspirante. Et ses albums sont formidables. Après, comme je te le disais, j’ai lu pas mal de mangas. Dragon Ball est indétrônable dans son style et me suivra toute ma vie ! (rires) Même si ça ne se voit pas du tout dans mon dessin ! J’ai commencé à lire d’autres séries du même genre comme Naruto ou One Piece, mais cela devient trop redondant à un moment donné. Ensuite, Tiphaine m’a fait lire les œuvres de Taniguchi qu’on ne peut qu’apprécier. Après l’adolescence, j’ai arrêté de lire des BD. C’est en rentrant à l’école du CESAN à Paris que je m’y suis remis. Mais en découvrant autre chose que le manga et le franco-belge. La BD indépendante est entrée dans ma vie grâce notamment à Winshluss et son excellent Pinocchio. Je pense aussi à Mathieu Marc-Antoine qui m’avait fasciné. Aujourd’hui, mes deux références graphiques sont incontestablement Larcenet et Gipi. Mais il y en a tellement d’autres que je suis sûr d’en oublier.

Tiphaine : Depuis des années, je lis beaucoup de bandes dessinées. J’ai commencé avec Tintin et la BD franco-belge. Vers vingt ans, j’ai découvert la BD alternative mais aussi des auteurs américains comme Charles Burns ou Daniel Clowes. Là, je me suis pris de belles claques ! Ces deux-là ont été vraiment importants pour moi. Il y a eu aussi Blankets de Craig Thompson qui a été une vraie jolie surprise. Outre son dessin et l’histoire magnifiques, j’ai vraiment saisi ce qu’était un roman graphique et l’énorme travail qui en résulte. Dernièrement, j’ai aussi beaucoup aimé Sunny, une série japonaise belle et étonnante.

Ce dernier numéro de DIG! a pour proverbe introductif : « Le temps bâtit des forteresses et les démolit ». Ce qui annonce subtilement le thème de cette œuvre collective. Est-ce un pur fantasme d’envisager le pire pour l’Homme ou avez-vous réellement une vision pessimiste voire fataliste du monde de demain ?

Tiphaine : Même si je travaille dessus, j’ai effectivement cette vision assez pessimiste. Mais c’était aussi un sentiment collégial dans notre équipe. Malgré tout, ma propre histoire apporte sa petite touche d’espoir. C’est pour cela qu’elle clôt le récit. De façon à respirer un peu dans cette ambiance anxiogène. Chacun d’entre nous a apporté son ressenti de cette potentielle fin de civilisation. Tim, par exemple, nous plonge directement dans les conséquences de cette extinction humaine.

DIG - 2 : Planche / Tiphaine Gantheil - page 18 -

DIG – 2 : Planche / Tiphaine Gantheil – page 18 –

 

Tim : Ce qui est frappant je trouve, c’est que diverses émotions ressortent de nos points de vue respectifs. Et les retours qu’on a pu avoir des lecteurs prouvent qu’elles peuvent être vraiment différentes. Nous sommes partis de cette idée de base qui était la construction et la déconstruction pour finalement revenir vers quelque chose de nouveau. On ne s’était rien imposés. Il fallait se faire plaisir. Avec Tiphaine, la vraie difficulté a été de relier le plus naturellement possible toutes ces compositions graphiques. Sans perdre de vue notre trame globale.

Est-ce qu’un nouveau numéro de DIG! va voir le jour prochainement ? Avec un thème déjà choisi ?

Tim : À l’image de DIK!, hors-série consacré à l’érotisme qui est sorti en 2014, nous avons terminé un deuxième numéro qui pourrait sortir pour le Festival d’Angoulême 2018. Boire est le thème choisi pour celui-ci. Concernant le numéro -3 de DIG! on commence, notamment avec Thomas, à avoir quelques pistes naissantes. Mais c’est vraiment la genèse. Il faut qu’on se rassemble tous pour en parler. C’est moins évident aujourd’hui puisque certains d’entre nous ont quitté Paris. On a réussi à faire ce deuxième hors-série sans se voir régulièrement. Comme un pari pour savoir si on pouvait se lancer dans le projet plus conséquent d’un nouveau DIG!

Hors-Série DIK! : Boire. Extrait / Delphine Gantheil

Hors-Série DIK! : Boire. Extrait / Delphine Gantheil

Hors-Série DIK! : Boire. Extrait / Timothée Morisse

Hors-Série DIK! : Boire. Extrait / Timothée Morisse

 

Couverture Hors-Série DIK! : Boire

Couverture Hors-Série DIK! : Boire

Tiphaine, tu prépares un album solo destiné à un public pré-ado/ado. Quant à toi Timothée, as-tu également ta propre histoire en préparation ?

Tim : J’en ai même plusieurs. J’en suis toujours à réaliser des dossiers pour les envoyer aux éditeurs. Je cherche celui que je dois boucler en premier. Je m’y concentrerai après la résidence. On a aussi ce projet en commun avec Tiphaine.

Tiphaine : Oui avec ce que j’ai commencé à écrire et qui a bien avancé. On se demande si on ne va pas le réaliser ensemble. On ne sait pas encore de quelle façon. On veut essayer d’utiliser nos qualités respectives pour que cela devienne quelque chose d’assez fluide et complémentaire. Notre seule certitude, c’est que ce sera un one shot.

Y verriez-vous là une sorte d’aboutissement après cette expérience collective ? Ou continuerez-vous à travailler de façon collaborative en participant à de prochains DIG! ?

Tim : J’aime beaucoup ce qu’on a réussi à faire avec DIG! Mais oui, réaliser son propre album serait un vrai aboutissement. Dans notre collectif, Vincent Turhan s’est lancé avec Le chemin des égarés (éditions les enfants rouges). mais aussi Jim Bishop qui a sorti Jill et Sherlock avec Yo-One chez Ankama. C’est donc super motivant !

Tiphaine :  J’ai envie de faire des livres ! Ne serait-ce que par amour pour l’objet. En gardant mes illustrations pour des commandes indépendantes et spécifiques. De nos jours, quand je vois certains auteurs BD reconnus qui sont malgré tout obligés d’avoir un travail supplémentaire C’est malheureusement ainsi et ce n’est pas prêt de s’arranger. Et même si je peux concevoir l’idée d’animer des ateliers ou d’enseigner en même temps que la réalisation d’un album graphique, c’est vraiment très dur.

La dernière question fera écho à votre illustration créée pour l’occasion de la résidence. Ce visage « vide » donne une représentation peut-être encore plus violente que s’il avait été tuméfié. En fin de compte, peut-on y voir le symbole de l’anonymat dans lequel peut-être confrontée une femme après avoir été victime de violences quelles qu’elles soient ?

Tiphaine : Complètement. Et je pense aussi à Isabelle Lamothe (vice-présidente, culture et vie étudiante de l’Université de Poitiers) qui avait mis le mot sur ce qu’on voulait évoquer à la base, celui de la dépersonnalisation. Cette perte de soi, de son identité qui s’efface. Ces femmes qui disparaissent de la société, parce qu’on ne les entend pas. Et pourtant elles parlent ! C’est Tim qui a réalisé cette illustration et elle est pour nous très révélatrice.

Affiche réalisée à l'occasion de la résidence des auteur.ice.s BD à L'Université de Poitiers. Réalisation : Timothée Morisse

Affiche réalisée à l’occasion de la résidence des auteur.ice.s BD à L’Université de Poitiers. Réalisation : Timothée Morisse

En espérant qu’un jour ce portrait retrouve la partie qui lui manque… Bonne continuation à vous deux. Nous ne manquerons pas de vous suivre dans vos productions futures !

Tiphaine & Tim : Merci beaucoup !

 

 

Entretien réalisé le 20 décembre 2017 à la BU Lettres de Poitiers

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