Du 2 au 31 mai 2017, le Livre ancien du mois est consacré au manuel de philosophie du jésuite Bethold Hauser, Elementa philosophiae ad rationis et experientiae ductum conscripta atque usibus scholasticis accomodata, dont les tomes consacrés à la physique sont abondamment illustrés.

Elementa philosophiae ad rationis et experientiae ductum conscripta atque usibus scholasticis accomodata / Berthold Hauser. – Augsbourg ; Innsbruck : Joseph Wolff, 1755-1764 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, JP 506-6)
Berthold Hauser (1713-1762)
L’auteur, dont on sait peu de choses, naquit en 1713 à Wildberg en Allemagne (Bavière). Il entra dans la Compagnie de Jésus en 1729. A partir de 1749 il enseigna la philosophie (l’éthique) à Ingolstadt et, de 1751 jusqu’à sa mort, les mathématiques à l’Université de Dillingen. Enseigner à la fois la philosophie et les mathématiques était alors chose fréquente.
Elementa philosophiae fut le seul ouvrage – mais il est d’importance – qu’il écrivit. Cette somme, composée de huit tomes volumineux, est un manuel de philosophie. Synthèse des savoirs dispensés par ce professeur, imprimée de 1755 à 1764, les deux derniers tomes étant parus après sa mort, l’œuvre revêt un caractère testamentaire.
Un manuel innovant
Dans les années 1740 les jésuites modifièrent l’ordre traditionnel selon lequel était enseignée la philosophie : logique, physique, métaphysique. Progressivement ils adoptèrent un nouveau plan, utilisé et rendu populaire en Allemagne par le philosophe protestant Christian Wolff (1679-1754) ; la métaphysique y venait immédiatement après la logique et précédait la physique. Hauser, l’un des premiers à adhérer au système de Wolff, suivit cet ordre dans son manuel, qui constitua ainsi le plus important cours de philosophie de l’époque à rompre avec la structure scolastique classique. Le premier tome porte sur la logique, les deux suivants sur la métaphysique (ontologie puis pneumatologie) et les cinq derniers sur la physique.
Ce changement plaçait la métaphysique comme discipline préalable à la physique, qui devenait elle-même prépondérante dans les études de philosophie. La plus grande partie des Elementa philosophiae est de fait consacrée à la physique (près des trois quarts du total des pages).
La physique recouvrait alors plus de domaines d’étude que dans sa définition actuelle. Autrement appelée philosophie naturelle, elle s’intéressait à la chimie, à l’astronomie, à la physique proprement dite et aux sciences naturelles, comme c’est le cas dans l’ouvrage de Hauser.
Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, les disciplines qui constituaient la philosophie de la nature, devenues peu à peu autonomes, détachées de la philosophie, donnèrent naissance aux sciences modernes.

Elementa philosophiae ad rationis et experientiae ductum conscripta atque usibus scholasticis accomodata / Berthold Hauser. – Augsbourg ; Innsbruck : Joseph Wolff, 1755-1764 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, JP 506-6)
Un manuel illustré
Seuls les deux tomes sur la métaphysique n’ont pas d’illustration. Le premier tome sur la logique contient quatre planches dont l’exemplaire du Fonds ancien ne conserve que celle du carré logique d’Aristote (mis en scène dans un jardin à la française).
En revanche, les tomes consacrés à la physique sont abondamment illustrés. Ils comportent chacun une dizaine de planches dépliantes, totalisant de cent à trois cent figures, qui juxtaposent étroitement représentations d’expériences, machines, figures géométriques, etc. Certaines montrent quantité d’instruments dans un décor de cabinet scientifique. L’Université de Dillingen, comme beaucoup d’établissements jésuites à l’époque, venait juste de se doter, en 1757, d’un cabinet de mathématiques et de physique. Hauser indique par exemple que les deux miroirs ardents, représentés planche XIII du tome cinq, se trouvent au « Museum » de Dillingen.
Les nombreuses illustrations d’expériences témoignent de l’intérêt que portaient, au XVIIIe siècle, les jésuites en général, et Hauser en particulier, à la physique expérimentale. Elles montrent que celle-ci fut introduite comme nouvelle méthode pédagogique dans leur enseignement scientifique, particulièrement développé et organisé.
Parmi les physiciens cités par Hauser au début du cours de physique, figurent deux célèbres représentants de la physique expérimentale en France, l’abbé Nollet, et son précurseur Pierre Polinière, qui intervenait comme expérimentateur dans les collèges parisiens.

Elementa philosophiae ad rationis et experientiae ductum conscripta atque usibus scholasticis accomodata / Berthold Hauser. – Augsbourg ; Innsbruck : Joseph Wolff, 1755-1764 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, JP 506-4)
Provenance de l’exemplaire du Fonds ancien de l’Université de Poitiers
Les volumes portent l’ex-libris de la Faculté de théologie de Poitiers, une estampille « Facultas theologiæ pictaviensis » au christogramme de la Compagnie de Jésus. À sa création cette éphémère université catholique (1875-1880) fut confiée à des jésuites, ce qui explique certainement la présence de ce manuel. Les ouvrages de la bibliothèque de la Faculté de théologie furent ensuite versés en partie au Grand séminaire de Poitiers, puis intégrés aux collections de l’Université de Poitiers en 1909.
Pour approfondir :
-
- Dainville (François de), L’éducation des jésuites : XVIe-XVIIIe siècles, Paris : Ed. de minuit, 1978
- Giard (Luce), Les jésuites à la Renaissance : système éducatif et production du savoir, Paris : Presses universitaires de France, 1995
- Hellyer (Marcus), «Jesuit physics in Eighteenth-Century Germany : some important continuities», dans The Jesuits : cultures, sciences, and the arts 1540-1773, Toronto : University of Toronto press, 1999, p. 538-554
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