Philastre: à présent disponible en version papier

Francis Beaumont et John Fletcher, Philatre, ou l’amour ensanglanté, introduction, traduction et notes de P. Drouet, Tours, Publications CESR, « Traductions introuvables » (Scène européenne), 2020, 151 p.

Lorsque Francis Beaumont et John Fletcher portent Philastre, ou l’amour ensanglanté (Philaster, or, Love Lies a-Bleeding) à la scène en 1610, leur pièce collaborative rencontre un succès immédiat. Il y a plusieurs raisons à cela. Les deux dramaturges reprennent les genres anciens de la pastorale et de la romance pour créer un genre théâtral hybride, celui de la tragicomédie à la fois romantique et satirique. Ils font dialoguer leur tragicomédie avec un corpus théâtral que le public connaît bien, celui de leur contemporain William Shakespeare. Riche d’intertextualité littéraire, Philastre fait aussi écho aux questions sociopolitiques et éthiques de son temps (mœurs de la Cour, sentiment anticatholique, doctrine du droit divin).

Ce succès ne serait sans doute pas démenti de nos jours, car certains sujets abordés par cette tragicomédie jacobéenne sont toujours d’actualité : la question de l’usurpation politique, les problèmes de succession, la peur d’une mainmise étrangère, la frontière ténue qui sépare l’autoritarisme de la tyrannie, les débordements populaires qui s’ensuivent. Francis Beaumont et John Fletcher nous invitent également à nous interroger sur des problématiques atemporelles : équilibre entre sphère publique et sphère privée, oscillation entre tentation de vengeance et appel du lâcher-prise, recherche du contrôle des passions et de la maîtrise de soi. Et c’est ce qui confère à leur pièce une qualité universelle.

https://pufr-editions.fr/produit/philastre-ou-lamour-ensanglante-philaster-or-love-lies-a-bleeding-1610-de-francis-beaumont-john-fletcher/

Vient de paraître: Shakespeare et Cervantès

Pour que l’œuvre de Shakespeare et de celle de Cervantès côtoient la philosophie et l’histoire, la chronique et la fiction, la poésie de l’humour et de la mélancolie, les regards croisés portés par les experts nationaux et internationaux de différentes disciplines sur ces deux grands modèles de la littérature se proposent d’éclairer une série de questions complexes sous-jacentes à la création littéraire et à la rémanence d’un discours dont la porosité ne cesse de renouveler les frontières entre la fiction et la réalité de nos existences contemporaines.

Bocking, Ineke, Drouet, Pascale, et Fonck, Béatrice (dir.), Shakespeare et Cervantès, regards croisés, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », n°377, 2018, 333 p. ISBN: 978-2-406-07965-1

Responsable éditorial: Martin Aurell

Contributeurs: Bockting (Ineke), Brailowsky (Yan), Canavaggio (Jean), Chartier (Roger), Drouet (Pascale), Edwards (John), Escamilla (Michèle), Fonck (Béatrice), Garcia De La Concha (Victor), Guéron (Claire), Jackson (John E.), Lefait (Sébastien), Menegaldo (Gilles), Perrier de la Bâthie (Pierre-Emmanuel), Picy (Jean-Baptiste), Rivère de Carles (Nathalie), Schütz (Chantal)

https://classiques-garnier.com/shakespeare-et-cervantes-regards-croises.html

 

Lekston revisite le Falstaff de Shakespeare

P1020156Février 2014. Lors des rencontres littéraires organisées par l’Université de Poitiers, « Bruits de langues », Annabelle Beaudry accueillait Edouard Lekston qui a présenté ses dernières translations graphiques extraites de son recueil à venir Harry & Jack.

Le goût d’Edouard Lekston pour les pièces du dramaturge britannique ne se dément pas: après HamletLear et Macbeth (premier recueil de sérigraphies intitulé Mon ami William), après Richard II (Le Basculement) et Richard III (Family Gathering), Edouard Lekston se penche sur les deux partie d’Henry IV, avec un intérêt particulier pour la relation qui se noue et se dénoue entre le futur roi Henry V, le jeune prince Hal (Harry), et l’irresponsable Falstaff (Jack, pour les intimes). Ces deux là, que l’échelle sociale situe aux antipodes l’un de l’autre, se croisent dans la taverne peu fréquentable de la Tête du Sanglier, le temps d’un peu d’école buissonnière en partage. La couronne de Harry sera d’or; celle de Jack ne sera que de fer et se tiendra renversée. Mais tant qu’Harry n’a pas encore été couronné, ces deux-là partagent filouteries, joutes verbales jubilatoires et nuits d’ivresse.

Alors quand arrive la guerre, il n’est pas étonnant que Falstaff n’ait plus d’armure, nous ditP1020157 Edouard Lekston: il a dû la miser au jeu ou la vendre en échange de quelques douceurs pour lesquelles il n’avait plus le sou. Qu’à cela ne tienne, la cuisine de Mme Vitement sera le lieu où il pourra montrer l’étendue de ses ressources en se confectionnant une nouvelle armure à base d’ustensiles de cuisine.

Mais Harry, c’est aussi celui l’homme-poisson qui joue de l’orgue de barbarie et fait passer les pauvres hères dans son hachoir. La guerre nous révèle sa face sombre: il se fait de l’argent sur le dos des pauvres qu’il prend au piège de ses supercheries grâce à une lampe magique.

P1020160Quel rapport Edouard Lekston peut-il bien avoir avec Falstaff? se demande et lui demande Annabelle Beaudry. Il n’y aurait pu avoir question plus pertinente. Pour Edouard, Falstaff, c’est un grand enfant qui n’aurait pas grandi, un symbole de liberté donc. Mais un symbole très humain, avec toutes les faiblesses qui vont avec, trop humain peut-être. Ce qui le touche chez ce personnage, c’est qu’il a toutes ces faiblesses qu’on tente généralement d’étouffer – il les a mais, naturellement, il ne les assume pas. Falstaff, c’est aussi le symbole du monde populaire. Il est traversé par cette relation rare entre le haut et le bas, entre la royauté et le bas monde. Et, il peut vous donner votre horoscope, l’horoscope des tavernes, si vous venez le retrouver à Eastcheap.