Quelle est la place de la couleur dans le livre ancien ?

À l’époque médiévale, les illustrations des manuscrits sont presque toujours colorées, le plus souvent enluminées. La couleur aide à structurer le texte et rares sont les livres entièrement bi-chromes, brun (la couleur de l’encre) et jaune (la couleur du parchemin).

Les bouleversements introduits par l’imprimerie

Poitiers, Bibliothèques universitares, Fonds ancien, XVI 751

Orlando furioso / L’Arioste.- Lyon, 1556

L’apparition de la xylographie en Occident au XIVe siècle et sa diffusion ont pour conséquence la multiplication des œuvres en noir et blanc. C’est l’invention de l’imprimerie qui entraîne vraiment un basculement dans un monde de l’écrit noir et blanc. Jusque dans les années 1520-1530, on continue à colorer les images gravées pour qu’elles ressemblent à des enluminures, mais la production des images est bientôt trop importante pour que les ateliers puissent toutes les mettre en couleur. De plus en plus d’images sont créées par des graveurs qui ne cherchent pas à imiter l’enluminure et ne souhaitent pas qu’elles soient colorées.

Résistance de la couleur…

Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 44587

Papier dominoté

Après cette période et jusqu’au XVIIIe siècle, c’est pour la reliure que la couleur est la plus présente, notamment sur les simples brochages faits avec des papiers colorés, dominotés ou gaufrés.

A l’intérieur du livre, plus rares sont les couleurs. Celles-ci peuvent toutefois apparaître pour les pages de garde ; elles sont également utilisées quand le texte lui-même est imprimé en rouge et noir ; cette pratique subsiste longtemps, en particulier sur la page de titre.

Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, m 205408

L’Encyclopédie méthodique de Panckoucke. Botanique

 

Par ailleurs, certaines disciplines nécessitent plus l’emploi de la couleur que d’autres. La couleur est appréciée en anatomie car elle permet de donner plus de précisions ; elle rend les images plus lisibles car elle aide à mieux distinguer les éléments : le besoin se fait plus fort quand il s’agit de myologie (l’étude des muscles) que pour l’ostéologie (les os).

 

… et ses nouvelles formes

Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 49460

Recherches historiques et généalogiques des grands d’Espagne / Jacques-Guillaume Imhof.- Amsterdam : Zacharias Chatelain, 1707

Dans beaucoup de disciplines, des techniques sont mises au point et des codes sont élaborés pour « faire » de la couleur avec du noir et du blanc.

Dans les œuvres d’art, la couleur est coloration, mais aussi densité, texture, contraste, rythme : pour la traduire en noir et blanc, le graveur exploite la qualité des encres et des papiers, ainsi que les contours, hachures ou lignes.

L’héraldique, quant à elle, a besoin des couleurs pour rendre l’identification des armoiries plus facile : des codes, utilisant hachures et pointillés, sont peu à peu élaborés pour les remplacer.

En botanique comme pour la zoologie, les couleurs ont une fonction taxonomique importante ; aux XVIIe et XVIIIe siècles, les traités de zoologie et de botanique sont rarement mis en couleur et il faut lire les commentaires pour obtenir des informations sur la teinte de tel ou tel animal ou plante.

 

Une Heure du Livre ancien sera consacrée à ces questions le lundi 2 novembre à 11h à la BU du Futuroscope.

Entrée libre sur inscription préalable.

 

Bibliographie sélective

GAGE (John), Couleur et culture : usages et significations de la couleur de l’Antiquité à l’abstraction, Paris, Thames and Hudson, 2008

PASTOUREAU (Michel), « La couleur en noir et blanc (XVe-XVIIIe siècle) », dans Le Livre et l’historien, études offertes en l’honneur du professeur Henri-Jean Martin, Genève, Droz, 1997, p. 197-213

PASTOUREAU (Michel), « L’héraldique en noir et blanc : armoiries gravées et couleurs du blason au XVIIe et XVIIe siècles », dans L’estampe au Grand Siècle. Études offertes à Maxime Préaud, Paris, Ecole nationale des Chartes, Bibliothèque nationale de France, 2010, p. 19-36

PASTOUREAU (Michel), Noir : histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2008

PASTOUREAU (Michel), « Aux origines des hachures héraldiques (XVe-XVIIe siècle) », dans Revue française d’héraldique et de sigillographie, t. 65, 1995, p. 21-31

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