« Soit dit en passant… »
Sur les chanteurs
Jeudi 18 octobre 1770, Naples,
« Je n’avais encore jamais entendu de si mauvais chanteurs en Italie : tout était incorrect et sentait l’écolier; les points d’orgue étaient raides et laborieux, et pas un de tous ces chanteurs ne fut capable d’émettre un trille décent. Le soprano forçait les notes hautes dans une mauvaise direction, à en percer le cerveau de ses auditeurs, et la basse était aussi rauque qu’un mâtin de basse-cour, dont elle semblait imiter l’aboiement. »
Vendredi 19 octobre 1770, Naples,
« Le premier air, qui suivit une ouverture et un choeur animés, fut chanté par un ténor inoffensif; vint un soprano qui l’était moins, puis une basse qui n’avait plus rien d’inoffensif: jamais je n’aurais pensé qu’il pût exister un stentor au gosier inflexible. Ses diminutions étaient si inégales et si fortement marquées qu’elles auraient pu passer pour la caricature la plus grotesque si cette exécution n’avait plongé l’auditoire dans une profonde mélancolie. A côté de cela, un solo de la contrebasse la plus grossière aurait paru doux comme le miel. »
Sur l’orchestre
Mardi 6 novembre 1770, Naples,
« Il y a dix-huit premiers et dix-huit seconds violons, cinq contrebasses et seulement deux violoncelles, ce qui, à mon avis, produit un mauvais effet, car la contrebasse est si rudement jouée, dans toute l’Italie, qu’elle émet un son à peu près aussi musical qu’un coup de marteau. »
Sur les genres
Dimanche 11 novembre 1770, Rome,
« Les deux premiers mouvements de l’ouverture me firent grand plaisir, le dernier point du tout. C’était, comme d’habitude, un menuet qui avait dégénéré en une gigue du genre le plus commun. »
Vendredi 24 août 1770, Bologne,
« On donnait une tragédie italienne intitulée Tomiri de la plume du P. Ringhieri. Je n’avais pas encore vu de pièces de ce genre, et fus charmé du commencement; mais je me lassai vite des longues tirades et du style de déclamation, qui étaient d’un ennui assommant. »
Dans la rue
Mardi 8 septembre 1772, Vienne,
« Les divertissements que l’on offre au peuple de cette ville sont d’une telle barbarie que l’on s’étonne de les voir tolérés dans un pays civilisé. Les pires sont les combats de bêtes sauvages, mille fois plus féroces encore que ce qui se passait autrefois chez nous avec les combats de coqs, le harcèlement de taureau ou le pugilat, avant que législateur ne vienne sagement mettre fin à ces débordements de cruauté.
Et dire que ces spectacles inhumains attirent communément un public de deux ou trois mille personnes, parmi lesquelles on remarque un grand nombre de dames! »
Sur un influence du climat
« Le climat contribue grandement à la formation des coutumes et des mœurs, et je ne doute pas que les habitants des pays chauds ne soient plus sensibles à la musique que ceux des pays froids – peut-être parce que les nerfs auditifs sont plus irritables chez les uns que chez les autres. »
Sur un air idéal
« Il n’est sans doute pas facile de déterminer quelle serait l’espèce d’air la plus favorable à la propagation du son musical: s’il doit être épais ou subtil, sec ou humide. Et la question fût-elle décidée, il resterait encore à savoir dans quelle sorte d’air il est le plus avantageux d’entendre la musique, car il n’est pas impossible que l’atmosphère la plus propice, dans l’abstrait, à la transmission du son soit également de nature à émousser les organes destinés à le percevoir. »