Architecture religieuse au XXème siècle en France : quel patrimoine ?

Compte rendu du livre Architecture religieuse au XXème siècle en France: quel patrimoine ?

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Sous la direction de Céline Frémaux, docteur en histoire de l’art spécialiste d’histoire de l’architecture contemporaine.

Le livre est composé de publication des actes du colloque organisé en 2004 par l’INHA et la DAPA (La direction de l’Architecture et du Patrimoine ) remplacé en 2010 par la direction générale du patrimoine, le colloque s’est tenu au couvent des Dominicains de Lille, premier édifice labellisé « Patrimoine du XXe siècle » en l’an 2000, le livre a pour ambition, grâce aux études de cas et aux sujets de synthèse présentés par des spécialistes de disciplines et d’horizons professionnels variés, de reconsidérer l’histoire de l’architecture des lieux de culte du XXe siècle, et de montrer qu’elle est en phase avec l’histoire, l’histoire sociale, l’histoire de l’architecture. Ils permettent également de faire un point sur les méthodes et les problématiques liées à la sauvegarde de ce patrimoine en France et à l’étranger.

Art, style, technique:

Le choc de 1905, et de la Première Guerre mondiale

Deux moments ont été importants dans la construction du patrimoine religieux du XXe siècle: la loi de la séparation des Eglises et de l’Etat, et le choc des deux guerres mondiales. A cette période de réforme, des nouveaux besoins publics vont orienter la démarche des constructeurs dans la construction de nouveaux modèles architecturaux. A cette époque, il y avait un détachement du contexte classique, qui tire son originalité de l’art romain, une stratégie prise par la monarchie pour renforcer leurs pouvoirs.

Pour le choc de 1905, il convient de mettre l’accent d’abord, sur le rôle important, qu’a joué le service des édifices diocésains, dans la protection des édifices religieux et dont une partie, sur les petites églises de campagnes, se trouvent délaissés, à la suite de leur dépendance « du bon vouloir de la commune« , à laquelle elles appartiennent. Maurice Barrès, un homme politique, sensibilisé à la valeur patrimoniale de ces édifices ruraux dans la construction du patrimoine national, a pris l’initiative d’évoquer cette situation inerte, après plusieurs interventions, à la chambre des députés, entre 1911 et 1913. Selon lui  » c’est à travers leur diversité régionale que les églises constituent le parfais symbole de la richesse du génie national« . L’église n’est pas simplement un lieu de culte, c’est un édifice qui traduit bien la nation française. En effet, entre 1905 et 1914, plus de deux mille (2000) églises ont été classées.

Cette réflexion sur la valeur des édifices religieux ruraux se poursuivit après la Première Guerre mondiale, qui a « dramatiquement touché les grands édifices du Moyen âge ». La cathédrale de Reims, dont sa destruction a eu lieu en 1915, à cause d’un incendie, présente un véritable témoignage, non seulement par sa valeur esthétique, mais aussi, pour sa signification dans l’histoire nationale. Cette conscience à propos des valeurs nationales du patrimoine monumental, a touché par la suite les édifices religieux locaux, qui fait comprendre, à sa manière, les traditions de la région où elles subsistent. Parallèlement, la reconstruction d’un pays presque ruiné, donne naissance à un besoin de créer des espaces urbains, avec des moyens économiques. L’intérêt était de construire un édifice religieux, à la fois moderne et rationnel, réflexion qui a été bien recueillie par les architectes modernes de l’époque, comme le Corbusier.

Architecture religieuse et création artistique entre 1950 et 1980

Dans un premier temps, il faut dire que la démarche des architectes modernes, de la Première Guerre mondiale, se maintient  pour les années à venir.

En terme architectural, l’emploi du béton va encore ouvrir l’espace intérieur de l’église, sur la nature, en assurant la création de grandes surfaces vitrées. Cette recherche de la lumière, à l’intérieur de l’église, a été évoquée depuis l’âge gothique, dans le but d’atteindre un état liturgique suprême. Le plan intérieur, aussi, a subi quelques changements, autour de la disposition de l’autel. On passe d’un autel collé à un mur, à un autel placé face au peuple. « Il est flanqué d’un ambon pour la proclamation de la parole de dieu, remise en valeur par la réforme, et d’un siège spécifique pour la fonction présidentielle« . Cette requalification du chœur va s’affirmer dans certaines églises, comme Notre Dame du Rosaire à Rezé-lès -Nantes, Saint Monique à Bagneux, Saint Jean-Baptiste à Rouen et l’église Saint-Esprit à Lormont. Cette disposition frontale assure une nouvelle communication entre le chœur et la nef. Dans les années 1970, les églises se veulent plus proches du public, avec la création de d’un centre paroissial, situé soit au dessus, soit autour de l’église, permettant la vie des services et des groupes d’actions du quartier. 

Parallèlement, on remarque un renouveau liturgique, « à l’influence du Père Couturier et de la revue de L’Art sacré jusqu’en 1969, relayée par les  expositions d’art sacré organisées par Maurice Morel et Joseph Pichard ».  Ce renouveau liturgique va donner accès aux artistes modernes, de l’époque, de créer leurs œuvres artistiques dans les églises. Au Plateau d’Assy, dans l’église Notre Dame Toute Grâce (Novarina et Malot, architectes, 1952) où travaillent Léger, Matisse, Bazaine, Braque, Chagall; aussi, à Audincourt dans l’église du Sacré-Cœur où travaillent Bazaine, Etienne Martin et Léger… Un besoin artistique qui se croise avec un besoin liturgique, à partir de l’art sacré moderne, avec une purification et une libération de forme. Par la suite, dès les années 1950, ce besoin artistique s’affirme encore plus, par des recherches menées par ces artistes, sur le choix des mobiliers, et des vêtements liturgiques. En revanche, les travaux de recherches menés par des historiens, sur l’art sacré moderne, à cette période, semblent un peu modestes, tant quantitativement que qualitativement. Le travail de Philippe Dagen sur l’art français au XXe siècle en 1992, ne lui consacre que six images sur les cinq cents (500) illustrations de son livre. L’ouvrage, de Christopher Green, intitulé Pelican History of Art, consacré à l’art en France de 1900 à 1940, évoque l’art religieux dans une seule des 335 images du livre, nombre très réduit.     

En conclusion, « Architecture, art et liturgie, s’articulent dans des proportions variables dans la construction des églises », dans la période d’après-guerre, et par la suite, dans les années qui suivent. Le rapport entre le chœur et la nef, est encore plus grand, avec une telle convivialité, tout comme la mobilité des espaces intérieurs et l’ouverture sur le monde extérieur.

La synagogue de la paix à Strasbourg (1958): le poids de l’héritage

En matière d’architecture, en France, les édifices religieux de la communauté juive participent, à leur manière, à la construction du  patrimoine moderne du XXe siècle. Reconstruite, en 1958, la synagogue de la paix, à Strasbourg, présente, à la fois un lieu de mémoire et un véritable hommage public rendu aux quelques millions d’israélites tués par les nazis. Le choix de Strasbourg a été suggéré, pour ce que représente cette ville car elle a été une des plus grandes victimes de la guerre et de la Shoa. 

Cette synagogue a été édifiée, en premier lieu, en 1898, d’après les plans de l’architecte Ludwig Levry, sur le quai Kléber. Le 12 septembre 1940, elle a été détruite, dans un incendie causé par les nazis. A la libération, la municipalité de Strasbourg a décidé de l’édifier, sur le parc des Contades, à l’angle de l’avenue de la paix, sous inscription de garder l’ancien lieu, de la synagogue non aménagé, et « sacralisé » (phrase pas française). Une décision qui n’était pas appréciée par certains fidèles de la communauté juive. Ainsi, deux éléments essentiels ont été pris en compte, hors de sa construction: la commémoration et la modernité du lieu. Sous cet aspect, ce sont les plans de l’architecte Claude Meyer-Lévy qui ont été choisis, hors d’un concours ouvert à tous les architectes français, afin d’aboutir à un projet original. Les aménagements intérieurs ont été pris en charge par les architectes Paul Berst et René Heller.

La façade principale de la synagogue se détache de toutes les traditions de la synagogue juive, puisqu’elle est constituée d’un simple cadre de béton, soutenu de deux colonnes et occupé par un réseau d’étoiles de David: « Par un jeu d’imbrication, le réseau d’étoiles à six pointes de couleurs verte soutient des étoiles jaunes qui se détachent sur le fond plus neutre« . En revanche, cette modernité a été accompagnée par des symboles très significatifs dans la tradition juive, comme la parole du maître Zacharie, située d’une part et d’autres des tables de la loi, inscrits sur le portail. Sur les vantaux, douze motifs sont disposés, en trois rangés superposées, organisation qui rend compte du « pectoral du grand prêtre Aaron qui comportait douze pierre symboliques des douze tribus« [1][1]. Cette modernité technique et plastique se remarque, encore plus, à l’intérieur de l’édifice: les salles de cultes sont construites de manière modulable, à l’aide de cloisons de bois en accordéon, afin de recevoir plus de public, lors des fêtes religieuses des juifs; ainsi, à l’aide du structure béton, l’espace central devient plus libéré. L’arche sainte, habituellement bien ornée, a été transformée en un simple tabernacle.

Une simplicité élégante, traduite dans une démarche architecturale et décorative, fait de la synagogue, à la fois un monument de commémoration, et un patrimoine majeur de l’architecture religieuse du XXe siècle.

Quelles politiques patrimoniales ?

Protection et signalement des édifices religieux en France (1965-2005) 

 Barnard TOULIER conservateur en chef du patrimoine central donne des chiffres sur le classement des édifices religieux du XXe siècle après la loi de 1905 (séparation de l’Eglise et de l’Etat). Il remarque un déficit de protection de ce patrimoine par rapport aux autres catégories d’édifices; d’où le lancement par le ministère de la culture, de la campagne nationale de protection du patrimoine du XXe siècle  en 2000.

Aussi, il parle de la première protection « consciente »  du patrimoine religieux moderne – Notre Dame du Haut – à la demande de son architecte le Corbusier. Il nous retrace une chronologie des différentes campagnes  de protection thématique, après leur mise en place par le Ministère chargé des affaires culturelles conduit par Malraux. Il cite la campagne nationale portant sur les édifices remarquables du XXe siècle, de 1961 à 1975, portant sur l’architecture des 19e et 20e siècles ; ainsi que celle de 1984 qui s’est concentrée sur le patrimoine religieux judaïque. Finalement, il évoque les déconcentrations de la protection et les campagnes régionales menées par la CRMH et les services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel.

Banque de données sur l’architecture religieuse en France de 1945 à 2000

Dans cette partie, on parle de la Banque de données concernant  l’architecture religieuse en France, créée par l’association « spiritualité et art ». Cette association a pour but de rendre un service à tous les acteurs des constructions religieuses et aux chercheurs. La sous-direction des études de la documentation et de l’inventaire a informatisé et a intégré ces documents dans la base de données archi doc. Archi doc contient 74000 références bibliographiques relatives au patrimoine architectural du 19 ème et 20 ème siècle.

L’achèvement de l’église Saint-pierre de le Corbusier à Firminy-vert

Yvan Mettaus, chargé de mission patrimoine à la ville de Firminy, nous raconte les étapes de l’achèvement de l’église Saint-Pierre par le Corbusier à Firminy-vert, qui s’est étalé de 1960 à 2006. La particularité de cette église, construite par le Corbusier, est qu’elle est conçue essentiellement pour sa véritable richesse patrimoniale. Elle a vu ces parties construites protégé sans pour autant être achevé, c’était un événement majeur défiant la chronique du patrimoine religieux de 20eme (pas français). C’est en 2003 que le chantier est repris par l’architecte José Oubrerie pour se terminer en 2006.

Le patrimoine architectural religieux du 19eme et 20eme siècle en Belgique: l’inventaire monumental et les critères de protection sélective

Luc Verpoest professeur à l’université catholique de Louvain, explique dans la première partie,  que la politique patrimoniale en Belgique lui semble quelque peu compliquée. Il est question de deux régions, deux politiques flamandes et wallonnes. En résumé, il explique qu’en  relation avec le statut juridique et administratif district d’église domanial (pas français) (un bien qui fait partie du domaine public) et non domanial, les derniers posent problème et risquent d’échapper à la conservation, vu leur statut privé.

Dans la deuxième partie, l’auteur nous donne un aperçu sur les styles d’architecture des édifices religieux en Belgique, au 20eme siècle et plus particulièrement, en ce qui concerne les  églises type salles des fêtes et église-maison.

A la fin, l’auteur nous donne les conditions nécessaires pour une politique patrimoniale effective qui sont, d’après lui, la connaissance approfondie et la reconnaissance du large public. 

Eglises et synagogues du 20eme siècle en Angleterre

Elain harwood, inspecteur des monuments historiques, en Angleterre, précise que  c’est seulement, à partir de 1944 que les services de classement des monuments existent. En revanche, il ne nous parle pas de politique patrimoniale, mais aborde avant tout l’histoire de l’architecture des édifices religieux et de l’influence des origines des architectes sur les styles des constructions qui fleurissent dans cette période en Angleterre.

La lente accession des églises modernes du Québec au statut de patrimoine 

 France Vanlathem, professeur, à l’école de design de Montréal, explique qu’il y avait un déficit de protection de l’architecture religieuse du 20eme siècle, comme en France. Il nous donne aussi des chiffres :

Chiffre des monuments construits dans le  20eme. 

Chiffre des monuments protégés dans des deux programmes  de sauvegarde du patrimoine religieux.

Le premier, en 1995,  visait principalement à la sauvegarde du patrimoine religieux du Québec.

Le second, en 2000, élargit son action à la reconversion des lieux de culte à des fins communautaires ou culturelles.



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