La faible percée du discours sur l’intelligence économique dans les TPE françaises

Continuons sur l’indiscipine. Fin 2012, Pascal FRION a soutenu à l’Université de Poitiers sa thèse en sciences de l’information et de la communication portant sur la : « Généalogie de la faible percée du discours sur l’intelligence économique dans les TPE françaises – errements épistémologiques et propositions opérationnelles ». Cette thèse que j’ai eu le plaisir de diriger a été présentée devant un jury composé de Ludovic FRANCOIS (HEC), Eric BOUTIN (Université du Sud Toulon-Var) et Sophie LARIVET (ESCE). De nombreuses personnes étaient venues assister à la soutenance.

Laissons la parole au nouveau Docteur : « Les discours sur l’intelligence économique en France, depuis le début des années 1990, reposent sur des sous-jacents communs, qui les font être homogènes, malgré leurs variété d’univers, qu’ils soient politiques, commerciaux, universitaires, ou issus de programmes régionaux, ou de conférences. Par exemple, en analysant plus de 150 définitions de l’intelligence économique, la notion d’information a été observée comme très présente dans le discours, alors qu’elle ne prend pas une place si importante dans les processus de décision. Par ailleurs, il y a eu peu de recours à la psychologie, ni à la sociologie et le discours est largement resté à un niveau fonctionnaliste : la dimension humaine a été largement ignorée. Le discours pourrait alors se réduire à la formule suivante « récupérez un maximum d’information, analysez-là, et votre situation sera meilleure pour décider et agir stratégiquement ». Les effets furent fréquemment des pratiques mécanistes et normalisantes de veille. Des actions répétitives, fastidieuses, se concentrant sur l’information disponible. « Ce sera déjà pas mal d’analyser l’information disponible » ! Il y a eu la croyance – fausse – qu’il suffisait d’avaler de l’information et de l’analyser, pour en retirer l’énergie nourrissante et éclairante, pour améliorer notre situation en entreprise. Les conséquences furent que la dimension humaine pouvait disparaître au profit d’une organisation anachronique qui date de l’ère industrielle : « toujours plus, plus vite, plus tôt ». Les approches informatiques pouvaient remplacer l’individu, cet individu ou ce groupe d’individu, instables, fragiles, n’arrêtant pas de se questionner, risquant de remettre en question un processus industriel de ciblage et de filtrage de l’information. Le questionnement stratégique et le questionnement agile furent peu mobilisés. La surinformation fut quasiment moquée dans le discours en intelligence économique : si vous souffrez de surinformation, c’est que vous ne travaillez pas assez, que vous ne ciblez pas assez où que vous devez utiliser un logiciel plus puissant.« 

Dans sa thèse, Pascal FRION étudie la différence entre la veille et l’IE, la surinformation, les comportements informationnels et n’en reste pas à un constat d’échec du discours sur l’intelligence économique. Le discours est fragile non seulement à destinations des TPE, mais également des grandes entreprises, des territoires et pour la politique publique également, dans des aspects offensifs et défensifs. L’auteur se risque alors à proposer un discours radicalement nouveau, l’information ne devant plus être le centre de l’univers de l’IE, d’autres considérations opérationnelles plus fortes devant être mobilisées. Il propose ainsi une approche complexe ne commençant pas par la veille. La perception humaine de la surinformation existe, l’information n’est donc pas forcément une bonne chose : pourquoi faudrait-il systématiquement l’accepter ou la tolérer, dans le paradigme du progrès ? D’où l’idée d’un Refus Méthodologique de l’Information qui soit Temporaire (Rmi(t)), afin de vraiment mettre la discussion critique avant que la seule information disponible vienne en masse polluer la réflexion initiale.

La thèse de Pascal FRION marque ainsi un tournant dans l’intelligence économique en France et son analyse sans concession ne peut rester sans effet sur les discours à venir.

Soutenance de Pascal Frion

Un commentaire sur “La faible percée du discours sur l’intelligence économique dans les TPE françaises

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