Deux Philosophies pour Résoudre un Problème
Le défi de base est simple : un satellite (surtout en orbite basse – LEO) se déplace très vite par rapport à la Terre. Comment projeter une couverture cellulaire stable depuis un objet en mouvement ?
Le 3GPP a standardisé deux réponses radicalement différentes à cette question, donnant naissance aux deux scénarios que vous mentionnez :
1. Earth-Fixed Cell (EFC) : La cellule est « scotchée » au sol.
2. Earth-Moving Cell (EMC) : La cellule est « scotchée » au satellite.
1. Earth-Fixed Cell (EFC) – La Cellule « Géofixe »
C’est le scénario le plus complexe à gérer pour le réseau mais le plus transparent et simple pour l’utilisateur. C’est aussi le plus courant dans les discussions initiales de la 5G NTN.
Concept : Le réseau découpe la surface de la Terre en cellules virtuelles et fixes, comme un réseau terrestre. La mission du système satellitaire est de projeter dynamiquement la couverture de ces cellules fixes, peu importe quel satellite est au-dessus.
Comment ça marche ?
Une cellule au sol a un identifiant unique (Cell ID) et est associée à une zone de tracking fixe (TAC géofixe), comme expliqué précédemment.
Les faisceaux des satellites sont très agiles. Le réseau (l’Orchestrator) calcule en temps réel la position de chaque satellite et steer son faisceau pour que la projection au sol (« footprint ») de ce faisceau coïncide PARFAITEMENT avec les limites de la cellule géofixe.
Lorsque le satellite s’éloigne, le faisceau est déformé et dirigé pour continuer à couvrir exactement la même zone géographique fixe. Au moment où il ne peut plus le faire, un handover parfait est effectué vers le satellite suivant, qui prend le relais pour couvrir cette même cellule fixe.
Analogie : Imaginez un groupe de projecteurs (les satellites) en mouvement au-dessus d’un stade. Chaque projecteur est assigné à éclairer un même marquage au sol (la cellule fixe) pendant un moment. Ils bougent leur faisceau de lumière pour le garder parfaitement aligné sur la cible, et se passent le relais pour que la zone soit toujours éclairée.
Avantages :
Transparence totale pour le terminal : Le téléphone ne voit aucune différence avec un réseau terrestre. La cellule (Cell ID) et la zone de tracking (TAC) ne changent pas tant qu’il est immobile.
Pas de mobilité pour l’utilisateur immobile : Un capteur IoT fixe n’aura jamais à mettre à jour sa localisation.
Intégration facilitée avec les réseaux terrestres : On peut utiliser exactement les mêmes TACs.
Inconvénients :
Extrêmement complexe : Nécessite des satellites avec des antennes très agiles (phased-array antennas) et un Network Orchestrator ultra-performant pour calculer et piloter tout cela en temps réel.
Coût élevé.
Exemples de systèmes visant ce scénario :** Le projet **AST SpaceMobile**.
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2. Earth-Moving Cell (EMC) – La Cellule « Mobile »**
C’est le scénario historique des constellations comme Iridium ou Globalstar. C’est plus simple pour le réseau mais plus complexe pour le terminal.
Concept :,La cellule est rigidement attachée au satellite. Le faisceau pointe dans une direction fixe par rapport au satellite. Par conséquent, la cellule « défile » sur la surface de la Terre à la vitesse du satellite (environ 27,000 km/h pour un LEO).
Comment ça marche ? La cellule a un identifiant (Cell ID) et un TAC qui lui sont propres, mais ils ne sont pas liés à une zone géographique.
Un utilisateur immobile verra défiler les cellules très rapidement : une cellule (du satellite A) arrive, le terminal s’y connecte, puis elle s’éloigne et le terminal doit en chercher une nouvelle (souvent du satellite B).
Le terminal subit des handovers très fréquents (toutes les quelques minutes, voire secondes) alors même qu’il est immobile.
Analogie : Reprenons les projecteurs, mais cette fois, chacun pointe droit vers le bas, fixement. La tache de lumière (la cellule) traverse le stade à grande vitesse. Les spectateurs (les terminaux) voient une lumière arriver, les illuminer, puis repartir, pour être illuminés par la tache de lumière du projecteur suivant.
Avantages :
Beaucoup plus simple pour le satellite : Les antennes peuvent être plus simples (moins d’agilité de faisceau requise). La gestion du réseau est simplifiée car elle suit la mécanique orbitale naturelle.
Moins coûteux à mettre en œuvre (conception heritage des systèmes comme Iridium).
Inconvénients :
Très pénalisant pour les terminaux : Ils doivent être constamment en recherche de nouvelle cellule et effectuer des handovers très fréquents, ce qui consomme énormément de batterie. C’est rédhibitoire pour les capteurs IoT qui doivent fonctionner 10 ans sur une pile.
Conclusion : Qui Va Gagner ?
Le choix du scénario dépend entièrement de l’usage cible :
Pour du haut débit mobile (smartphones) et de l’IoT basse consommation, le scénario Earth-Fixed Cell (EFC) est indispensable. C’est la voie privilégiée pour la véritable intégration « sans couture » de la 5G NTN.
Le scénario Earth-Moving Cell (EMC) reste pertinent pour des applications spécialisées (e.g., tracking de containers, systèmes militaires) ou pour des constellations héritées qui cherchent à moderniser leur service sans changer radicalement leur architecture spatiale.
La grande majorité des développements récents en 5G NTN (Release 17 et au-delà) se concentre sur le scénario Earth-Fixed Cell, car il offre l’expérience utilisateur la plus proche de la promesse 5G : une connectivité omniprésente et transparente, que vous soyez connecté à une antenne sur un toit ou à un satellite dans le ciel.
Mais dans les deux cas, il y a mise à jour du TAC