N. Oreskes et E. Conway, Les marchands de doute, Le Pommier, 2012
« Notre produit, c’est le doute ». C’est avec ce slogan porté en blason que différents lobbies industriels, assistés de scientifiques et d’experts acquis à leur cause, ont développé depuis les années cinquante une stratégie visant à discréditer ou à minorer les résultats des recherches scientifiques susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts.
D’abord rodée par l’industrie du tabac pour semer le doute sur les preuves de la dangerosité du tabagisme et retarder l’adoption de toute réglementation de santé publique, cette stratégie a depuis été reprise pour toute une série de problèmes : trou dans la couche d’ozone, pluies acides, pesticides… et sert aujourd’hui de base aux climato-sceptiques.
C’est cette stratégie que dévoile la passionnante enquête de Naomi Oreskes et Erik Conway dans Les marchands de doute ou Comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique. En s’appuyant notamment sur les documents rendus accessibles par les litiges des années 1990 concernant l’industrie du tabac et sur d’autres sources de première main, ces deux historiens des sciences racontent cette entreprise de désinformation derrière laquelle on retrouve, au fil des décennies, les mêmes scientifiques, les mêmes groupes de pression, les mêmes instituts et autres fondations, animés tant par des motifs économiques que politiques et idéologiques.
Derrière l’enquête journalistique minutieuse, l’ouvrage invite aussi à une réflexion sur la place de la science dans nos sociétés, sur l’influence des scientifiques sur le pouvoir politique et sur la diffusion et la réception de l’information scientifique.
Une bonne lecture pour l’été.
Pour aller plus loin, vous pouvez aussi consulter :
– le dossier de presse du livre [en anglais] ;
– deux interviews données par Naomi Oreskes, l’une au journal Le Monde [consultée le 31/05/2012], l’autre au magazine La Recherche [consultée le 01/06/2012].
