« Quelle serait pour vous la raison d’une potentielle fin de civilisation ? » Voilà sur quoi neuf auteurs ont planché pour donner naissance à ce numéro -2 de DIG! (comprenez Digression Imaginaire Généralisée). Parmi eux, Tiphaine Gantheil et Timothée Morisse, deux des membres fondateurs de ce collectif crée en 2012. Les deux auteur.rice.s se trouvent actuellement à Poitiers en tant que résidents invités par le service culturel de l’Université. Pour s’exprimer autour de la thématique qu’est « Les violences faites aux femmes et aux corps des femmes », mais aussi pour partager leur univers artistique. La BU Lettres vous propose de découvrir la dernière parution de DIG! dont le contenu, ne serait-ce que par sa diversité graphique, ne vous laissera pas indifférent !

La première planche illustrée décrit une silhouette dont les seules informations indiquent qu’elle porte un chapeau et qu’elle semble marcher dans les profondeurs abyssales. Imaginé collectivement et illustré par Timothée Morisse, il faudra s’habituer à cet homme qui fait le lien entre chaque histoire. Qui est-il ? Les auteurs nous laissent le choix. Le témoin d’une civilisation agonisante ? Un simple observateur ? Le créateur d’un nouveau monde ? Libre au lecteur de se l’approprier. Toujours est-il que cette histoire transversale, par ses couleurs chaudes et apaisantes, offre comme un répit face à ces différentes interprétations aussi anxiogènes que captivantes. En voici quelques exemples :

— C’est Thomas Plan qui ouvre le bal avec l’histoire de cet enfant malade. Le masque qui lui sert à pallier son insuffisance respiratoire se verra être un tout autre allié. Et lui permettra de faire face à un gang bien organisé. Mais surtout, pour un court instant, là ou va régner le chaos, il va pouvoir vivre.

— Après la transition psychédélique d’Hermance, Alexandre Vinot dépeint un monde en voie d’extinction humaine. Des chercheurs, par le biais d’un enfant, pensent être tout proches d’une avancée révolutionnaire. Leur salut viendra de cet ultime essai. La vie de l’humanité entière en dépend. Mais un obstacle de taille se présente à eux : le souvenir. Une faculté de l’homme aussi précieuse que dangereuse.

 

— Timothée Morisse choisit de mettre en exergue l’errance de deux hommes et une femme. Derniers représentants de l’espèce humaine, survivre semble être leur seule motivation. Face à Zik dont la lucidité s’apparente logiquement au pessimisme, Mary et Ron essaient tant bien que mal de garder une raison de vivre. Un événement soudain résonnera comme l’ultime occasion de choisir le cours de leur destin.

 

 

 

— Après avoir assisté à un apocalyptique spectacle où Kevin Chevalier illustre deux puissances (le Bien et le Mal ?) en plein affrontement face à un véritable échiquier humain, nous nous envolons avec Jim Bishop. En quatorze planches, l’auteur apporte sa vision d’une société en quête d’évasion. Et qui pourrait avoir trouvé une issue grâce à l’absorption d’une pilule particulière.

 

 

 

— Comment l’être humain pourrait-il être libéré de la monotonie ? Comment la lassitude de la vie quotidienne pourrait-elle être évincée ? Corentin Hamon imagine une population qui, chaque année, verra tout individu changer de maison, de partenaire, de vie. Une hygiène de vie imposée qui ne peut être collégialement approuvée… Comme pour démontrer que l’ennui n’a pas forcément que des aspects négatifs.

 

— Après avoir découvert le dessin noir et étouffant à souhait de Vincent Turhan, qui nous offre l’œuvre folle d’un artiste enfermé dans une espèce de monde animalier, Tiphaine Gantheil conclut ces différentes approches par une touche plus innocente. En tout cas, de prime abord. Car en mettant en scène un enfant confronté à un photomaton, l’autrice va brillamment soulever la question existentielle qu’est la quête identitaire. Face à ces quatre photos développées l’enfant se pose cette question si absurde et pourtant justifiée : laquelle d’entre elles le représente vraiment ?

 

Ce numéro -2 de DIG! pourrait paraître plombant à la lecture au vu des sujets peu enjoués. Cela serait oublier la formidable richesse graphique proposée par le collectif ajoutée à une maîtrise scénaristique bien sentie, notamment avec cette belle fluidité de l’histoire transversale. Alors, oui c’est sombre, mais c’est beau !