Tout naturellement, lorsque l’on évoque cette légendaire entaille, c’est Al Pacino qui nous vient à l’esprit pour sa magistrale interprétation dans le film réalisé par Brian De Palma en 1983.
Mais il ne faut pas oublier qu’à l’origine, ce remake du film signé Howard Hawks en 1932, est une adaptation du roman écrit par Armitage Trail (de son vrai nom, Maurice Coons). Ce dernier s’inspira directement du plus réputé des gangsters américains, Al Capone. Pour preuve, le titre de son œuvre emprunte le surnom de Capone après que celui-ci se fit entailler au rasoir la joue gauche lors d’une rixe. Cette balafre laissée au visage ne restera pas anodine…
Ainsi est né Scarface.
Quelle judicieuse idée des éditions Rivages Noir de lancer la collection Rivages/Casterman/Noir proposant de revisiter en bande-dessinée les plus grands romans noirs.
C’était l’occasion pour Christian De Metter, un des plus talentueux illustrateurs du neuvième art, de se lancer dans l’adaptation LA plus fidèle du roman de Trail. Car, bien que les deux transpositions cinématographiques (notamment celle d’Hawks) reprennent la trame principale de l’histoire, diverses raisons ont fait qu’elles ne respectent pas totalement la profondeur de l’œuvre : la censure, les moyens mais aussi les époques.
En effet, 2 ans séparent la parution du récit avec la première adaptation filmique. Ainsi, malgré le contrôle strict américain, Hawks garde les codes principaux : Chicago, la prohibition, le crime organisé, le parallèle avec Capone… A la différence d’Oliver Stone qui « modernise » le scénario : le héros éponyme étant un exilé cubain débarqué à Miami, et qui trouvera dans le trafic de drogues le moyen de connaître une ascension fulgurante (jusqu’au déclin).
Mais comment attirer, une nouvelle fois, la curiosité sur ce célèbre personnage ?

Couverture BD Scarface / C. De Metter – A. Trail
(source : Amazon.fr).
En profitant d’une part, du formidable dessin de C. De Metter, qui est en totale symbiose avec l’ambiance noire de l’Amérique des années 30 . Mais surtout parce que l’auteur se focalise sur la double identité du héros :
Car, comme pour s’en débarrasser, le dénouement est connu dès le début puisque les premières cases sont semblables aux dernières. On a ainsi cette impression de vivre l’histoire au travers de flash-backs axés sur la vie de Tony Guarino.
L’existence du protagoniste défile ainsi sous nos yeux. Un petit voyou à la gâchette facile dont le culot et l’audace l’amèneront rapidement auprès de grands caïds. Et ce malgré les avertissements de Ben, son frère policier. Mettant sa vie en danger, Guarino décide de s’exiler quelques temps et part au front. Il revient deux ans après avec pour seuls bagages, des distinctions honorifiques et une longue cicatrice sur le visage. Laissé pour mort à Chicago, il s’octroie une nouvelle identité sous le nom de Tony Camonte. Les effets néfastes de la Grande Guerre décupleront la paranoïa, la mégalomanie et l’instinct meurtrier d’un homme sans états d’âme. En revanche, même si la fin est sans surprise, l’ultime affrontement avec son frère le rendra peut-être un peu plus humain…
En lisant cette nouvelle adaptation, on peut aisément conclure que De Metter réussit son pari en donnant une nouvelle dimension à ce personnage si singulier.
Alors n’hésitez pas, (re)découvrez Scarface !