Du 3 au 30 avril 2018, dans le hall de la BU Lettres, le Livre ancien du mois est consacré à l’Histoire naturelle des insectes, œuvre principale de Jan Swammerdam, naturaliste du XVIIe.
L’auteur
Jan Swammerdam est né à Amsterdam en 1637. Enfant, il fut marqué par le cabinet de curiosités naturelles que possédait son père. Aussi, après une thèse de médecine, il consacra son existence à l’étude des animaux, et plus particulièrement des insectes, au grand désespoir de son père apothicaire qui espérait le voir exercer la médecine.
Vers l’âge de 20 ans, Swammerdam commença à disséquer des insectes. D’une dextérité inégalée jusque-là dans la dissection, il pratiqua cet art, parfois sous l’eau, à l’aide de ses propres outils et en mettant au point de nouvelles techniques (notamment l’injection de cire chaude permettant de préserver l’insecte étudié). Dans le cas de l’abeille, il réalisa d’étonnants dessins de sa tête, de ses pièces buccales, de son tube digestif, de son aiguillon et surtout de son appareil génital, qui lui permirent d’affirmer que le « roi » des abeilles était en fait une reine et qu’elle engendrait la ruche.
Pionnier dans l’utilisation du microscope en biologie, il utilisa ses compétences anatomiques pour décrire les observations qu’il faisait alors. Fortement inspiré par les travaux du naturaliste italien Marcello Malpighi sur l’anatomie du ver à soie, il fit une série de microdissections d’insectes (moustiques, papillons, poux, libellules, fourmis, guêpes, etc.) qui démontrèrent la complexité de leurs organes internes et permirent ainsi de rompre avec de fausses croyances. Il prouva en effet que le phénomène de génération spontanée (croyance remontant à l’Antiquité selon laquelle certains animaux naissent de la matière inanimée) n’existait pas, et montra que, contrairement à ce que l’on pensait, l’œuf, la larve, la nymphe et l’imago (c’est-à-dire les différents stades du cycle de vie des insectes) étaient les états d’un même individu. Par ces deux vérités fondamentales, il remit ainsi en cause deux millénaires de tradition aristotélicienne.
Ses recherches et découvertes
Durant ses nombreuses recherches anatomiques et médicales, Swammerdam découvrit notamment la nature des hernies et jeta les bases de la fonction nerveuse. Il réalisa également une série de brillantes études physiologiques sur la respiration et fut l’un des premiers à observer les globules rouges dans le sang.
Considéré aujourd’hui comme le père de l’anatomie entomologique, ce virtuose de la dissection élabora par ailleurs une classification générale des insectes en s’appuyant sur les règles de la morphogenèse (c’est-à-dire sur leur type de développement). Ainsi, en distinguant les grandes familles d’insectes par leur forme, cet ambitieux projet posa les bases d’une classification, qu’il exposa dans Historia insectorum generalis (1669).
Dans le domaine entomologique, peu de ses écrits furent publiés de son vivant. Son œuvre principale, Bybel der Natuur (1737-1738), qui reprend l’ensemble de ses travaux, ne fut éditée que 57 ans après sa mort, en texte bilingue (hollandais et latin), accompagnée de 53 planches, puis traduite bien plus tard en plusieurs langues, dont une version française abrégée Histoire naturelle des insectes (1758) présentée ici. Il s’agit d’un ouvrage primordial par la précision et l’exactitude des faits anatomiques rapportés.
Une vie marquée par le mysticisme
Profondément croyant, Swammerdam fit la rencontre de l’écrivaine mystique flamande Antoinette Bourignon qui eut une influence néfaste sur son activité scientifique. C’est en effet en l’incitant à croire qu’il offensait Dieu par ses travaux anatomiques que cette dévote parvint à le détourner de ses recherches. À la fin de sa vie, les manipulations psychologiques de cette femme l’amenèrent à des accès de délire et à une aversion pour les sciences naturelles, qui le poussèrent même à vouloir détruire ses manuscrits.
Bien qu’il fît partie de la communauté académique, Jan Swammerdam n’eut jamais d’activité professionnelle régulière. Il fut perpétuellement en proie à des problèmes financiers et vécut des rentes de son père et de son héritage. Travailleur infatigable, il connut une vie perturbée par sa mauvaise santé, ses conflits avec sa famille (qui jugeait son travail frivole) et ses crises de mysticisme.
Jan Swammerdam termina sa vie pauvre, malade, et mourut en 1680 à l’âge de 43 ans.
Postérité
De tous les historiens naturalistes du XVIIe siècle, Swammerdam est probablement celui qui a le plus contribué aux débats de l’époque en remettant en question le principe de génération spontanée et en démontrant que les insectes étaient aussi complexes que les grandes créatures.
Rassemblant à lui seul l’une des plus importantes collections d’observations microscopique jamais produite, il est considéré aujourd’hui comme l’un des fondateurs de l’entomologie. Malgré tout, il fut peu reconnu de son vivant. Les nombreuses digressions mystiques dans ses écrits scientifiques ont très certainement nui à la diffusion de ses travaux. Et même si au XVIIIe siècle, suite à la publication posthume de Bybel der Natuur, son travail fut salué par Réaumur, l’un des les plus grands scientifiques du siècle, et par Pierre Lyonnet, naturaliste néerlandais, ses déductions scientifiques ne furent cependant pas toutes communément admises. Par exemple, l’éditeur, dans l’avertissement de la traduction française, soutient le phénomène de génération spontanée sur plus de dix pages, s’opposant ainsi aux conclusions de Swammerdam… lesquelles seront pourtant confortées par Pasteur un siècle plus tard grâce à son expérience des ballons à col de cygne.
Pour en savoir plus…
- janswammerdam.org
- Histoire de l’entomologie / Jacques d’Aguilar. – Paris : Delachaux et Niestlé, 2006
- « Jan Swammerdam médecin et naturaliste du XVIIème siècle », dans Histoire des sciences médicales, tome XLVIV, n°1, 2015, p. 75-80
- « Jan Swammerdam ou le génie envoûté », dans Insectes, n°151, 2008, p. 23-24
- « Reading and writing The Book of Nature: Jan Swammerdam (1637-1680) », dans Endeavour, vol. 24, 2000, p. 122-128