Prêts en Bulles # 5

Dans quelques jours débute le célèbre Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. La BU Lettres en profite pour mettre en lumière l’un des plus grands scénaristes anglais que la bande dessinée se targue d’avoir dans son monde. Le lien entre, le tout frais retraité, Alan Moore et le FIBD est indéfectible. Il commence par l’attribution par le festival du prix du meilleur album étranger en 1989 (pour Watchmen). S’ensuivront deux autres prestigieuses récompenses en 1990 et 2001 (pour V pour Vendetta & From Hell). Régulièrement, Moore fait partie des auteurs plébiscités pour le Grand Prix du Festival. Et ce, même s’il refuserait courtoisement son éventuelle attribution. Voici une partie de son Œuvre, disponible à l’emprunt.

  • From Hell de Moore & Campbell (éd. Delcourt)

From Hell/ A. Moore & E. Campbell (éditions Delcourt). Source : Decitre.fr

  • Notre avis : Quand on tient cette œuvre entre ses mains et qu’on y découvre les premières cases, il est légitime de sentir une certaine réticence à se lancer dans cette lecture. Pourtant, passée cette première impression, on s’aperçoit combien nous pouvons être happés par l’histoire de cette autopsie, bien qu’hypothétique, de Jack the Ripper. Aidé par le dessin très noir de E. Campbell, la documentation fouillée du scénariste est impressionnante (enrichie d’un appendice de plus de quarante pages). À tel point que cette fiction sombre à souhait peut être considérée comme l’œuvre graphique la plus aboutie d’Alan Moore. Culte.

  • Top 10 de Moore, Ha & Cannon (éd. Urban Comics)

Top 10/ A. Moore, G. Ha & Z. Cannon (éditions Urban Comics). Source : Decitre.fr

  • Notre avis : La ville de Neopolis est entièrement composée de super-héros. Pour encadrer cette zone atypique sujette à des problèmes de taille, il faut bien entendu, des super-policiers. Au travers de l’un d’entre eux, Robyn Slinger, nous assistons à la vie tumultueuse des pensionnaires de ce commissariat situé au 10e district. Sacrément efficace, cette série (dont l’intégrale regroupe les 12 épisodes) née en 1999, n’a incontestablement pas pris une ride. Toujours inspiré, Alan Moore donne l’impression de « s’amuser » avec tous ces surhommes. Mais avec la maîtrise qu’on lui connaît, il en profite pour distiller des thématiques (dont le viol, la pédophilie, voire la zoophilie !) qui lui sont chères, en s’autorisant même une bonne dose d’humour. Servie par les dessins accrocheurs de Gene Ha et Zander Cannon, voici une œuvre  aussi addictive que toute bonne série TV policière !

Killing Joke/ A. Moore & B. Bolland (éditions Urban Comics). Source : Decitre.fr

  • Notre avisVoilà une BD où le Joker vole la vedette à Batman. Alan Moore se concentre essentiellement sur la psychologie du fidèle ennemi de l’homme chauve-souris. Des œuvres graphiques issues de l’univers de Batman, il y en a eu ! Celle-ci se démarque essentiellement par sa qualité graphique. Brian Bolland est impressionnant pour rendre le Joker plus fou que jamais. La couverture de cette édition étant un exemple parmi tant d’autres. Moore, quant à lui, se concentre sur de riches dialogues entre les personnages. Affirmer que ce one shot fait partie des trois meilleurs comics (n’oublions pas Frank Miller…) autour de ces deux protagonistes, prend un peu plus de consistance quand Tim Burton avoue s’en être lui-même inspiré pour ses versions cinématographiques de Batman. Allez… souriez !!!

V pour Vendetta/ A. Moore & D. Lloyd (éditions Urban Comics). Source : Decitre.fr

  • Notre avis : dans une Angleterre post-apocalyptique, où les libertés individuelles ont laissé place aux camps de répression, le gouvernement totalitaire doit faire face à une série d’attentats perpétrés par un seul homme. Caché derrière ce, désormais, célèbre masque imaginé par D. Lloyd (qui s’inspire du visage de Guy Fawkes, connu pour avoir participé à la Conspiration des poudres), nous pouvons suivre les frasques de celui qui se fait appeler « V ». Aussi attirant que perturbant, Alan Moore englobe dans ce personnage tous les aspects que peuvent former l’identité de ce « justicier-terroriste ». Même si le trait de Lloyd semble être au premier abord difficile d’accès, on s’aperçoit vite qu’il est en totale harmonie avec ce monde alarmiste dépeint par Moore. Créée en 1988, cette œuvre dystopique ne cesse d’inciter à de profondes réflexions…
  • Watchmen de Moore & Gibbons (éd. Urban Comics)

Watchmen/ A. Moore & D. Gibbons (éditions Urban comics). Source : Decitre.fr

  • Notre avis : C’est autour de ces hommes et femmes dotés non pas de super-pouvoir (sauf l’un d’entre eux) mais plutôt d’une capacité physique, métaphysique ou intellectuelle supérieure à la moyenne, que se dessine une Amérique au bord d’une attaque nucléaire sans précédent. Décor planté dès les premières pages : l’un deux, le Comédien, dernier vivant des Minutemen, est retrouvé défenestré. Cette mort tragique vite conclue en assassinat sera le fil rouge de l’histoire. Tour à tour, on fera la connaissance de chacun d’entre eux. Le lien les unissant au Comédien servira de prétexte pour entrer dans l’intimité de Dr Manhattan, Ozymandias, le Spectre Soyeux II, le Hibou II, et Rorschach. Et le moins que l’on puisse constater c’est que tous ont un passé, une histoire, une blessure qui font d’eux des êtres complexes et torturés. Une évidence se décante au fur et à mesure de la lecture : leur leitmotiv commun, la protection du citoyen américain, résonne comme une thérapie voire un échappatoire à leur défaitisme légitime… Alan Moore est brillant dans sa faculté à décortiquer toutes les facettes d’un personnage, on le sait, et dans Watchmen on assiste à un feu d’artifice d’émotion, de retenue, de pudeur rendant ces héros particulièrement attachants. Ainsi les planches de Dave Gibbons paraissent voyager tout aussi aisément que le scénario de son compère. Une histoire intemporelle par ce retentissement incessant de cette Amérique blessée mais jamais vaincue…

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