Pendant tout le mois d’octobre, dans le Hall de la BU Lettres, est exposée l’œuvre de Philostrate traduite par Blaise de Vigenère, Les images ou Tableaux de platte peinture (Paris : veuve de Mathieu Guillemot et Mathieu Guillemot, 1629), que François Graziani a présenté comme « le livre de chevet des peintres, des poètes et des moralistes du XVIIe siècle ».
Les livres d’emblèmes

Hyacinthe dans Les images ou Tableaux de platte peinture, de Philostrate ; traduction de Blaise de Vigenère.- Paris : veuve de Mathieu Guillemot et Mathieu Guillemot, 1629 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Supp. Folio 574)
Comme il est écrit dans le Dictionnaire de Trévoux (6e édition, 1771), l’emblème est « un symbole fait pour instruire et qui regarde en général tout le monde ». Il a deux fonctions principales, la valeur morale et la mémorative. La structure est presque toujours la suivante : un titre (ou une sentence), parfois appelé motto, qui est difficile à bien comprendre à la première lecture car il est polysémique ; une image, gravée sur bois ou sur métal, qui a un rôle mnémotechnique et est le plus souvent composée d’un attribut, d’un symbole et d’une allégorie ; enfin, une explication, composée en latin ou en langue vernaculaire, faite souvent de vers et de prose, qui décrit l’emblème, puis en donne le sens.
Ce genre naquit avec la publication par Alciat en 1531 de ses Emblemata, mais il correspondait à un goût plus ancien. Il connut un très grand succès aux XVIe et XVIIe siècles.
Les tableaux ou images de platte peinture

Narcisse dans Les images ou Tableaux de platte peinture, de Philostrate ; traduction de Blaise de Vigenère.- Paris : veuve de Mathieu Guillemot et Mathieu Guillemot, 1629 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Supp. Folio 574)
Aux XIVe et XVe siècles en Italie, dans le contexte de la Renaissance, le texte de sophistique grecque de Philostrate (IIe siècle après J.-C.) était souvent lu et très apprécié. Il était composé de descriptions de tableaux fictifs, que l’auteur présentait comme une galerie qu’il avait vue lors d’un voyage à Naples et qu’il commentait pour de jeunes étudiants ; il utilisait beaucoup la prosopopée, figure de style qui donne la parole à un mort, un animal, une chose personnifiée ou une abstraction, et l’hypotypose, qui propose une description réaliste et frappante de la scène.
Une première édition de ce texte fut imprimée en 1578 chez le libraire parisien Nicolas Chesneau ; la traduction et un commentaire de grande qualité en étaient donnés par Blaise de Vigenère, qui contribua grandement à la célébrité de cette œuvre ; il composa une très importante préface pour la première édition de 1578, qui fut également publiée dans le texte de 1597, mais qui ne fut pas placée dans les éditions illustrées.
L’édition de la Veuve l’Angelier de 1614 occupa une place importante dans la tradition imprimée car c’est elle qui ajouta les images figurées, qui imposaient une lecture. Luxueuse, cette édition était l’œuvre de grands artistes, tel Antoine Caron, l’un des organisateurs des fêtes royales du temps, qui réalisa 10 des 68 dessins et était probablement le maître d’œuvre, mais qui mourut avant la fin ; travaillèrent également à ce projet Jaspar Issac, qui réalisa le titre-frontpispice, et les gendres d’Antoine Caron, Thomas de Leu et Léonard Gaultier. À côté des gravures ont été ajoutées des épigrammes composées par Thomas Artus : elles soulignaient le sens moral et aidaient à le retenir. À la suite de l’épigramme, on trouve un argument, qui résume le sujet, et une description de l’image fictive, tandis qu’un commentaire plus long, appelé « annotation », analyse les sources et les passages difficiles.

Les fables dans Les images ou Tableaux de platte peinture, de Philostrate ; traduction de Blaise de Vigenère.- Paris : veuve de Mathieu Guillemot et Mathieu Guillemot, 1629 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Supp. Folio 574)
Postérité et influence
Le succès fut tel que l’ouvrage connut de nombreuses rééditions, en 1620, 1629 (la nôtre), 1630 et 1637. De plus, certains peintres, comme Poussin, en furent particulièrement marqués. Enfin, l’œuvre concurrença les éditions illustrées des Métamorphoses d’Ovide, alors très en vogue également.
Même si l’œuvre est très différente des emblèmes, elle en fut rapprochée à cause de la double présence des images et des textes brefs aux fonctions mémorative et moralisante. En retour, l’influence de ce livre fut telle que les emblèmes s’en trouvèrent changées et empruntèrent à la tradition littéraire des commentaires de tableaux.
Pour en savoir plus
Livres d’emblèmes et de devises : une anthologie, 1531-1735 / Jean-Marc Chatelain.- Paris : Klincksieck, 1993
Les images ou Tableaux de platte-peinture / Philostrate ; trad. et commentaires de Blaise de Vigenère (1578) ; présenté et annoté par Françoise Graziani.- Paris : H. Champion, 1995.- (Textes de la Renaissance ; 3)