Guide de l’Intelligence Economique pour la Recherche

La Délégation Interministérielle à l’Intelligence Economique (D2IE), sous la direction d’ Olivier Buquen (Délégué interministériel à l’Intelligence Economique) vient de publier un 1er Guide de l’Intelligence Economique pour la Recherche (télécharger ici).

Depuis de nombreuses années, le monde de l’entreprise intègre l’IE dans sa stratégie de développement (les grands groupes principalement et  moins les PME reconnaissons le), celui de la recherche publique y restait relativement peu ou pas sensibilisée.

Ce guide part du constat que si l’innovation est source de croissance et si on admet que la Recherche est à la source de l’innovation (ce qui reste à démontrer mais n’engageons pas le débat ici !), le patrimoine intellectuel produit par nos chercheurs doit être protégé et valorisé comme toute autre patrimoine économique et au bénéfice du développement économique et du tissu industriel national.

Ce guide incite les responsables des établissements d’enseignement supérieur et de recherche à s’appuyer sur les recommandations proposées dans 5 fiches thématiques. Après un rappel des fondamentaux de mise en oeuvre d’une politique d’intelligence économique, les différentes propositions sont illustrées d’exemples qui visent à contribuer à la mise en place d’une politique réfléchie, cohérente et concrète  de valorisation de la recherche publique :

  • Veille Stratégique : types de besoins en information, les sources, les outils de veille, la structure organisationnelle de la veille stratégique au sein de l’établissement ;
  • Gestion du Patrimoine Immatériel : gestion et protection des informations, politique de propriété intellectuelle, normalisation ;
  • Politique de sécurité des systèmes d’information : les référentiels, les spécificités du monde de la recherche, les éléments à intégrer dans un établissement de recherche ;
  • Développement de l’interface entre la recherche et le milieu socioéconomique : les modes de coopération recherche-industrie, la valorisation des applications dormantes ;
  • Politique internationale : stratégie internationale, le chercheur français à l’international, conseils pratiques.

Cette première démarche ne sera pleinement efficace que si tous les acteurs du système d’enseignement supérieur et de recherche se l’approprient et que si les réflexions qui se lanceront aboutissent à une véritable stratégie, y compris dans l’orientation de la recherche publique, afin de vivre une « Intelligence Scientifique » en France, pilier des futurs succés économiques, sociaux et sociétaux.

Une Villa Médicis de la Science … en Inde !

C’est à Bangalore, capitale de l’état du Karnataka en Inde, où nous étions en mission début avril avec les Directeurs de l’ISAE ENSMA et de PPRIME, que nous avons découvert une petite pépite de la Recherche (avec un grand R) : le Jawaharlal Nehru Centre for Advanced Research JNCASR.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce centre de recherche pluridisciplinaire qui vient de fêter son 23ème anniversaire échappe quelque peu à tous les standards d’organisation de la Recherche publique que l’on voudrait nous imposer et auxquels il faudrait croire pour atteindre l’excellence scientifique et la reconnaissance mondiale, non sans être en interactions avec le monde économique.

3 domaines scientifiques sont explorés (les sciences des matériaux, la mécanique des fluides et la biologie) mais en collaborations, interactions et croisement disciplinaires permanents aux différentes échelles d’études de la matière et du vivant, du nano au macro, de la théorie à la pratique, de la science théorique et fondamentale à l’ingénierie.

Ici, ce n’est pas la masse critique du nombre de chercheurs qui compte, mais la qualité et l’excellence scientifique ! Au maximum 50 chercheurs auront le droit de cité dans un
environnement protégé sur plus de 40 ha et un cadre de vie à l’abri des tumultes des villes indiennes. Le temps est laissé au résident pour approfondir leur recherche, développer les collaborations avec les autres centres d’excellence indiens et mondiaux et aussi transmettre leur savoir aux étudiants en Master et Doctorat qui au terme d’un processus de sélection drastique ne seront qu’au maximum 200 à fréquenter le campus, soit donc un ratio Professeur/étudiants de 1 pour 4 qui laissera rêveur bon nombre de chercheurs dans de nombreux pays. Cerise sur le gâteau : une résidence permet l’accueil de visiteurs étrangers permettant ainsi de nombreuses collaborations internationales.

Ainsi on trouvera au NCASR le meilleur des chercheurs indiens en Chimie Physique des Matériaux, Sciences pour l’Ingénieur, Biologie, Chimie, Biologie Moléculaire, Génétique, Théorie de la matière condensée, Nanoscience, … Mais ces thématique de recherche ne sont pas figées dans le marbre : elles peuvent changer au gré des découvertes, des centres d’intérêts des chercheurs et des opportunités de collaboration. La créativité semble être une valeur, voire un art de vivre, dans ces lieux …

Outre la participation à de nombreuses conférences internationales cette véritable Villa Médicis de la Recherche affiche plus de 600 publications dans des revues scientifiques internationales sur la période 2009-2010 et 65 demandes de brevets sur la même période dont 12 sont d’ores et déjà acceptées et quelques une font déjà l’objet de valorisation économique au travers de collaborations industrielles avec les entreprises indiennes, américaines ou suisses.

Nous avons la preuve par l’exemple que « small can be beautiful » pour autant que le projet de départ soit respecté, que les cloisonnements n’existent pas et que les échanges interdisciplinaires soit valorisés. Un exemple à suivre à n’en pas douter : alors pourquoi pas une telle expérience en France ? Et puisque Poitiers n’apparaît pas dans la carte des « Campus d’excellence » où la concentration est érigée en exemple pour la qualité, pourquoi ne pas proposer de bâtir un tel centre à Poitiers ?

Note : cet article a été co-écrit avec Francis COTTET, Directeur de l’ISAE-ENSMA