Stock options

Les sociétés de capitaux se caractérisent par une dissociation croissante entre le collectif des actionnaires, propriétaires du capital social de l’entreprise, et le
collectif des dirigeants, qui gèrent l’entreprise au quotidien.

 

On sait depuis Berle et Means (1932) que cette dissociation pose
problème : i) actionnaires et dirigeants ont des objectifs divergents (les actionnaires ont un objectif de profit pendant que les dirigeants ont, prioritairement, un objectif de haut
revenu), ii) les dirigeants, qui sont quotidiennement dans l’entreprise, bénéficient d’asymétrie d’information ; iii) ils peuvent donc prendre les décisions leur permettant d’atteindre leurs
propres objectifs plutôt que ceux des actionnaires.

 

 Pour réduire ce problème, certains préconisent l’instauration de stock-options. Il s’agit d’attribuer aux dirigeants une option sur un certain nombre de titres
de l’entreprise, option que l’on peut exercer ou non après une date donnée. Si le cours de l’action de l’entreprise augmente, le dirigeant a intérêt à exercer son option, sinon, il ne l’exerce
pas. Cette solution semble pertinente : en octroyant des stock-options aux dirigeants, on réconcilie leur objectif de haut revenu à l’objectif de profit des actionnaires, la divergence
d’intérêt initiale disparaît.

 

 Ce système de stock options pose cependant de sérieux problèmes (voir par exemple ici pour une recension des problèmes, p. 17 et 18). Il s’apparente notamment à un jeu asymétrique potentiellement dévastateur « pile je gagne, face je ne
perds rien ». En effet, si le cours de l’action n’augmente pas, le détenteur de stock options n’exerce pas son option, il ne perd rien ; si le cours de l’action augmente, il exerce
l’option et peut gagner beaucoup. Ce petit jeu incite donc surtout à prendre beaucoup de risques, parfois des risques inconsidérés.

 

 A la
vue des déboires EADS
, il semble qu’il existe une autre limite de taille à ce système, que je n’avais pas encore repéré dans les papiers sur la question : la diffusion croissante de
stock options auprès de ceux qui bénéficient nécessairement d’asymétrie d’information risque d’augmenter significativement la probabilité de délits d’initié, à plus ou moins grande échelle (je ne
connais pas d’étude sur le sujet, si quelqu’un a des références en stock…).

 

 Dans un éditorial pour les Echos du 4 octobre 2007, Patrick Lamm pose le
problème en ces termes : « comment veiller à ce que les informations données par les sociétés ne soient pas utilisées par certains tant que l’ensemble des intéressés n’ont pas été
prévenus ? ». Et il propose : « des déontologues devraient pouvoir s’assurer, au sein des conseils d’administration, de l’égalité de traitement non seulement entre les actionnaires
mais également entre toutes les parties prenantes de l’entreprise. Un devoir de transparence indispensable si l’on veut moraliser la vie des affaires. »

 

 Je doute un peu, car le problème n’est pas fondamentalement un problème de moralité : demander plus de transparence permettrait sans doute de limiter les
délits d’initiés, mais cela priverait dans le même temps l’entreprise d’une de ses ressources les plus stratégiques, l’information dont elle dispose et dont ne dispose pas encore ses concurrents.
Problème difficile à résoudre me semble-t-il…

7 commentaires sur “Stock options

  1. A quand des masters pro de déontologie ? Sur le même sujet les dénommés Lucian A. Bebchuk, Yaniv Grinstein et  Urs Peyer ont fait une étude amusante sur les “lucky ceo’s” à savoir ceux qui ont eu des options spécialement avantageuses et qui étaient selon toute probabilité antidatées. Leur abstract sur le NBER dit précisément :We study the relation between corporate governance and opportunistic timing of CEO option grants via backdating or otherwise. Our methodology focuses on how grant date prices rank within the price distribution of the grant month. During 1996-2005, about 12% of firms provided one or more lucky grant — defined as grants given at the lowest price of the month — due to opportunistic timing. Lucky grants were more likely when the board did not have a majority of independent directors and/or the CEO had longer tenure — factors associated with increased influence of the CEO on pay-setting. We find no evidence that gains from manipulated grants served as a substitute for compensation paid through other sources; total reported compensation from such sources was higher in firms providing lucky grants. Finally, opportunistic timing has been widespread throughout the economy, with a significant presence in each of the economy’s twelve (Fama-French) industries.Bon ça n’a rien à voir avec le problème que vous évoquez mais c’est une dimension intéressante aussi, je ne sais pas si la même étude a été réalisée en France.

  2. De tout temps, les personnels des banques, de la COFACE, d’innombrables administrations en charge de divers contrôles, voire, les familles des cadres supérieurs de l’entreprise, ont disposé d’informations sur les sociétés cotées dont ne disposent même pas la plupart des actionnaires. Et ça n’a jamais empêché le capitalisme coté de fonctionner : croit-on vraiment qu’un investisseur individuel a une chance de faire quelque profit que ce soit en bourse s’il ne dispose pas d’informations privilégiées sur les entreprises dans lesquelles il investit ?EADS ne pose guère qu’un seul problème : on a voulu cacher un grave problème industriel au delà du raisonnable pour des raisons purement politiques. Lagardère avait tout à fait raison de vouloir vendre : mais les politiciens ont tout fait pour éviter que cela se voit : mais ils n’avaient pas compris que s’ils pouvaient cacher la vérité à une presse incompétente, fénéeante et aux ordres, ils ne pouvaient pas empêcher les salariés d’EADS de réfléchir.Maintenant, que cela serve de leçons aux amateurs de meccano industriel : lorsque l’état entre au capital d’une société cotée, il doit renoncer de fait à une bonne partie de ses méthodes, les sanctions de ce système de prix qu’est le marché lui interdisant de trop vouloir noyer le poisson.

  3. Il me semble irréaliste de considérer que les stocks options sont une source de prise de risque inconsidérée pour les dirigeants car ceux-ci sont quand meme susceptibles d’etre débarqués rapidement en cas de résultats non satisfaisants. Et vu le peu de places de dirigeants, on pourrait au contraire argumenter que ceux qui le sont preferent limiter les risques pour s’assurer leur salaire et leur pouvoir (deux élements moteurs bien disctincts)

    Vu le discours ambiant, on finit par oublier que l’objectif des stock options est avant tout de permettre à des petites sociétés qui n’en ont pas les moyens d’attirer des cadres sup de grosses boites qu perdent leur sécurité en l’echange de potentiel de gains s’ils sont efficaces. c’est donc tout à fait louable, et bien moins couteux pour l’etat que les mesures de defiscalisation de l’IS ou des emprunts qu’on a vu recemment

  4. Il apparait de plus en plus clairement que l’attribution de stock-options comporte beaucoup d’effet pervers.Les dirigeants sont ainsi incites a utiliser a leur profit les leviers suivants:1) l’influence qu’ils ont sur le Board ou le Conseil d’Administration pour se faire attribuer d’enormes quantites de stock-options2) leur pouvoir interne pour manipuler les dates d’attribution de ces options (voir les scandale actuels aux US mentionnes plus haut)3) leur acces a l’information interne pour exercer les options au meilleur moment (EADS)4) leur pouvoir sur les ressources financieres de l’entreprise pour mettre en place des programmes de rachats d’action qui viennent soutenir les cours aux moments opportuns pour eux (Ce dernier point est une pure speculation de ma part, un fort soupcon que je nourris) au detriment du versement de dividendes.On le voit, le probleme demeure d’aligner les interets des dirigeants avec ceux des actionnaires et d’interesser les dirigeants a la reussite a long terme de l’entreprise.A mon sens, une piste de reflexion serait d’allonger la duree pendant laquelle les stocks-options (ou les actions) seraient immobilisees.On pourrait par exemple imaginer que les stock-options ou les actions attribuees aux dirigants soient assorties de conditions restrictives: elles ne devraient etre negociables qu’a partir d’une date tres eloignee (15 ans ou 20 ans) et en tout etat de cause ne pas pouvoir etre negociables, ni avoir de droit de vote, tant que le dirigeant est en poste.

  5. A propos des stock-options y’a un bon petit échange de points de vue dans le supplément “economie” du Monde de Mardi entre Bouzou et Palier.Je trouve les arguments de Bouzou plus percutants que ceux de Palier même si je suis plus proche de la position d’un Palier …

  6. On pourrait faire dépendre le prix obtenu pour les stocks options du prix des actions dans l’année qui suit l’exercice de l’options par exemple. Le montant effectif ne serait obtenu qu’au terme du délai. A nombre d’action égal, en cas de hausse, c’est (un peu) pénalisant pour le dirigeant mais bon. Au niveau ou ils sont….Pour etre complet il faudrait bloquer l’argent en attendant l’écoulement du délai de prescription pour tout déli d’initié, ou autres colblantterie:)

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