Médiatique, la guerre économique se retrouve très rarement dans les revues académiques. Or, pour comprendre un phénomène et proposer des pistes de réflexion et d’action, l’analyse scientifique s’avère rapidement indispensable. C’est pourquoi avec mon collègue Olivier Coussi, nous nous sommes attelés à éclairer un cas récent qui aura défrayé la chronique – la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric – par la théorie de la prédation. Une analyse acceptée par la Revue Française de Sciences de Gestion dirigée par le Pr. Jean-Philippe Denis dans le cadre d’un numéro spécial consacré à la Recherche en Stratégie et Management : Exit, voice or Loyalty ?
Dans leur article introductif, les Professeurs Alain Charles Martinet (Université Lyon III) et Pierre-Michel Menger (Collège de France) présentent ainsi notre contribution :
« Enfin, ce numéro s’achève sur l’article d’Olivier Coussi et Nicolas Moinet, « Extension du domaine de la prédation. La vente d’Alstom à General Electric », cas qui a fait l’actualité récente, et dont les instructions ne sont pas closes, mais qui sollicite d’ores et déjà la recherche en stratégie, notamment sur les relations entre pouvoirs économiques, pouvoirs politiques, pouvoir discrétionnaire du dirigeant et extraterritorialité du droit américain. Les auteurs se livrent à une relecture de ce cas, via la boucle « Observation-Orientation-Décision-Action » issue du combat aérien, qu’ils replacent dans un contexte général de guerre économique. Ils situent au centre de leur analyse le rapport asymétrique de forces entre l’agilité des autorités américaines, qui font de leur droit et de leurs pratiques juridiques le bras efficace de stratégies de prédation, et le comportement des pouvoirs français, dont les réseaux restreints et l’entre-soi pétri d’arrogance produisent la paralysie. Ce cas pourrait devenir emblématique de l’absolue nécessité, pour la recherche en stratégie sur les grands groupes, de (re)devenir politique générale d’entreprise. Les dimensions politiques et juridiques de l’action, et les menées personnelles des dirigeants sont souvent plus éclairantes que le calcul économique, avec sa rationalisation ex-post, pour comprendre des décisions stratégiques étonnantes. »
Pour lire l’article sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-8-page-211.htm
A voir et revoir sur l’affaire : http://www.lcp.fr/emissions/283558-guerre-fantome-la-vente-dalstom-general-electric
Extension of the predation domain, The sale of Alstom to General Electric
In 2014, the energy branch of the Alstom group is sold to General Electric, causing a number of tribulations at the highest level of French institutional spheres to the point of triggering a parliamentary commission of inquiry as well as a judicial inquiry. This case invites an analysis of the events through the theoretical prism of the agility/strategic paralysis couple. An in-depth study of the mechanisms at work reveals a new mode of economic predation, the armed arm of which is the extraterritoriality of American law, combined with persistent cultural behaviour linked to arrogance.