le Poitou-Charentes au prisme des élections présidentielles

LE PAYSAGE POLITIQUE EN POITOU-CHARENTES AU SOIR DU 22 AVRIL 2012

Les évolutions observées sur le plan national se retrouvent dans le Poitou-Charentes avec des variantes propres à cette région.

Le Poitou-Charentes « hollandiste »

On a plus voté  dans cette région (82,54) que dans le reste de la France, ce qui est supérieur de 3,07 à l’ensemble du pays, mais on a moins voté qu’en 2007 ce qui traduit un recul de 2,95% . Comme toujours, ce sont les Deux-Sèvres qui ont fait preuve du plus grand esprit civique avec 83,34% et la Charente-Maritime le moins avec 81,88%, ce qui là encore est tout à fait classique. L’ordre d’arrivée est presque le même qu’au niveau national avec une exception cependant. On note que Nicolas Dupont-Aignan devance Eva Joly.

François Hollande est largement en tête, réalisant même un résultat meilleur que Ségolène Royal qui pourtant, en 2007 bénéficiait de sa qualité de présidente du Conseil régional. François Hollande obtient 2,54% de plus que son résultat national. La région Poitou-Charentes est devenue une zone de force du Parti socialiste. Les quatre chefs-lieux de département, le conseil  régional, deux des quatre conseils généraux et 13 députés sur 17 sont socialistes.  Nicolas Sarkozy est à 1,57% au-dessous de son résultat national. S’il a été soutenu par Jean-Pierre Raffarin cela ne lui a malgré tout pas permis de s’imposer dans cette région. C’est la Charente-Maritime qui lui est la plus favorable (28,10) et la Charente la plus hostile (23,06).

Un Front national ruralisé

Marine Le Pen est à 1,45% au-dessous de son résultat national. Sa progression par rapport au résultat de son père en 2007 est pourtant, là aussi,  très forte (+8,27) et, comme dans le reste de la France on observe une « ruralisation » du vote pour le Front national. Alors que ses zones de force étaient la côté atlantique autour de Royan, ce courant s’installe maintenant dans des zones rurales en souffrance, comme le nord de la Vienne (Les Trois-Moutiers, Lencloître), la Charente (Mansle, Saint-Amant-de-Boixe) où il obtient son meilleur résultat (17,72), la Charente-Maritime (Montguyon). La réforme territoriale a certainement contribué à renforcer l’inquiétude des zones rurales où les communes craignent de perdre leur identité au sein d’une intercommunalité parfois forcée. Il est assez curieux que ce débat sur la réforme territoriale ait été totalement passé sous silence pendant cette campagne électorale. La disparition des services publics a aggravé ce sentiment d’abandon.  Les Deux-Sèvres résistent malgré tout ce qui s’explique par l’influence catholique dans le nord du département et protestante dans le sud. A Niort Marine Le Pen n’atteint pas les 10%.

Que font les autres candidats ?

Jean-Luc Mélenchon  est en retard de 0,42% mais la région n’a jamais été très favorable au parti communiste sauf dans le sud de la Vienne et la Charente Limousine. C’est la Charente qui lui donne son meilleur résultat. François Bayrou est à 0,42 au-dessus de son résultat national, dans une région qui a été marquée par la démocratie chrétienne, dans les Deux-Sèvres et le nord de la Vienne avec Pierre Abelin dont le fils est député-maire de Châtellerault. Il n’en reste pas moins que le recul de François Bayrou est très fort, perdant 8,4%. Nicolas Dupont-Aignan est à 0,31 au-dessus de son résultat national. On peut peut-être y voir un transfert des voix de Philippe de Villiers en 2007.  Eva Joly est en retard de 0,22% ce qui est certainement un échec dans cette région où les écologistes reculent de 0,7%, les meilleurs résultats étant en Charente-Maritime, avec La Rochelle. Philippe Poutou a un résultat supérieur de 0,30, Nathalie Arthaud a 0,10 de plus et enfin Jacques Cheminade est en retard de 0,01.

Une Charente peu sarkozyste

Si on examine chaque département, là encore on trouve certaines différences. En Charente, François Hollande devance Nicolas Sarkozy de près de dix points dans un département où le Front national poursuit sa percée. Nicolas Sarkozy ne l’emporte dans aucune ville et il ne gagne qu’un seul canton (Segonzac). C’est dans ce département que les deux votes protestataires sont les plus forts de la région. Le Front national est en tête dans 27 communes.

Droite et gauche en Charente-Maritime

En Charente-Maritime, François Hollande est en tête dans les villes sauf à Lagord, Royan et Saujon, mais si le parti socialiste est fort dans l’agglomération rochelaise et à Saintes, en revanche, la droite est plus dominante dans le reste du département et elle l’emporte à Saint-Georges-de-Didonne chez le président du conseil général et ancien ministre, Dominique Bussereau. Mais Nicolas Sarkozy souffre de la percée du Front national. Dans le canton de Montguyon, si François Hollande est en tête avec 27,41%, c’est Marine Le Pen qui a la deuxième place devant Nicolas Sarkozy. Seule La Rochelle résiste au Front national où celui-ci dépasse tout juste les 10%.  Dans cette ville, Eva Joly fait plus que Dominique Voynet et José Bové réunis en 2007.

De Royal à Hollande en Deux-Sèvres

Les  Deux-Sèvres sont toujours un département intéressant. François Hollande obtient un résultat inférieur à celui de Ségolène Royal en 2007, accusant un retard de 0,55%. Cela ne l’empêche pas d’être en tête et avec 33,36% de réaliser le meilleur résultat de la région. De plus le département, à cet égard, n’a pas le même comportement. Dans le nord, (Thouars, Parthenay, Bressuire, Mauléon, Nueil-les-Aubiers), François Hollande fait mieux que Ségolène Royal. Il n’en est pas de même dans le sud (sauf à Chauray) ce qui se comprend très bien quand on sait que c’est – ou c’était – le lieu d’implantation de Ségolène Royal. Ainsi à Melle, François Hollande est en recul de sept points par rapport à la présidente de la région. Nicolas Sarkozy n’est en tête que dans cinq cantons (Thénezay, Mauléon, Ménigoute, Argenton-les-Vallées et Secondigny) ce qui témoigne d’un recul de la droite qui a perdu le conseil général et , très symbolique, a été battue en 2007 dans  la circonscription de Bressuire-Thouars qui n’avait pas connu de député de gauche depuis 1879… dans des circonstances douteuses et pour deux ans seulement. Enfin on soulignera que dans ce département, François Bayrou devance Jean-Luc Mélenchon, la démocratie chrétienne y ayant des bases bien plus solides que le parti communiste.

Une visite contre-productive

Dans le département de la Vienne, François Hollande est là aussi très largement en tête, atteignant 32% contre 24,5% à Nicolas Sarkozy. Symbole, le candidat socialiste est en tête à Chasseneuil-du-Poitou, commune de Jean-Pierre Raffarin.  Le président-candidat  n’est en tête qu’à Loudun qui fut la ville de René Monory. Il l’emporte dans 9 cantons (Saint-Savin, La Trimouille, Châtellerault-Nord, Loudun, Moncontour, Monts-sur-Guesnes, Les Trois Moutiers, Saint-Gervais-les-Trois Clochers et Pleumartin). Dans ce département qui a un député du  Nouveau Centre, François Bayrou s‘effondre.

Mais c’est surtout la percée de Marine Le Pen qu’on remarque. Elle atteint 16,4% et dans les cantons de Dange-Saint-Romain, Lencloître et Les Trois Moutiers dépasse 24% atteignant 25,46 dans ce dernier canton. Si elle progresse dans le monde rural, elle conforte ses positions dans les zones ouvrières du Châtelleraudais. A Naintré, elle devance Nicolas Sarkozy. Mais la situation la plus emblématique est certainement celle d’Ingrandes. Dans cette commune, Nicolas Sarkozy était venu visiter le 16 avril la Fonderie du Poitou et annoncer le sauvetage de l’entreprise. Cette visite a été contre-productive. La participation a été exceptionnelle avec 93,43% et c’est François Hollande qui est arrivé en tête avec 29,80% et 6 points de plus que Ségolène Royal en 2007. Mais on a noté surtout que c’est Marine Le Pen qui est arrivée en deuxième position avec 25,93%, gagnant 11 points par rapport à son père il y a 5 ans. Nicolas Sarkozy ne recueille que 21,53% et perd 4 points.

Enfin, devancée par Nicolas Dupont-Aignan, Eva Joly obtient un résultat médiocre avec 2,17%. Or, dans ce département, les accords PS-EE-LV ont réservé la circonscription de Châtellerault aux écologistes suscitant une candidature dissidente du maire socialiste de Naintré, Christian Michaud. On suivra avec intérêt ici les élections législatives de juin.

Ce premier tour des élections présidentielles a montré des évolutions très sensibles de la carte électorale de la région.

Sources images : Ministère de l’intérieur et France 3 Poitou-Charentes

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