ILS SERONT DONC 10 CANDIDATS LES 22 AVRIL ET 6 MAI 2012

Le Conseil constitutionnel a proclamé le 19 mars la liste des candidats à l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai  2012. Ils seront 10. Cela correspond à la moyenne du nombre des candidatures depuis 1965, date de la première application sous la Vème République de l’élection au suffrage universel direct. Le pic de 2002 avec 16 candidatures qui avait été un record et donné un résultat inattendu a sans doute conduit à une plus grande prudence de la part des personnes habilitées à présenter une candidature. Elles  ont sans doute ont voulu éviter une trop grande dispersion. Cette année, le Conseil constitutionnel a reçu 15 047 présentations. Depuis qu’un nombre de 500 présentations est exigé, seule l’année 1995 avait enregistré un nombre plus faible avec 14 462.

Il n’en reste pas moins que cette question de la présentation des candidatures a soulevé plusieurs problèmes et la réglementation n’a pas permis de jouer son rôle efficace de tri puisqu’un ancien Premier ministre n’a pu recueillir les 500 signatures, pas plus qu’une ancienne candidate de 2002 tandis qu’un ancien candidat de 1995 qui n’avait recueilli que 0,28% a réussi à surmonter l’obstacle. Il y a eu des présentations pour 39 personnes dont 17 en obtenant plus de 10.

 

  1. 1.       LE PRINCIPE DES PRESENTATIONS EN QUESTION :

On peut s’interroger sur le principe même des présentations. Un idéal démocratique pourrait laisser complètement libres les candidatures sans aucune espèce de présentation ou de parrainage.

Puisque l’éligibilité à l’élection présidentielle  a été abaissée à 18 ans en 2011, on pourrait même imaginer que chaque Français soit candidat et s’il advenait que chacun vote pour soi on ne pourrait sélectionner deux candidats pour le second tour…  C’est pourquoi un système de sélection a été mis en place. Il tend malgré tout à favoriser les candidats des partis « installés », c’est-à-dire ayant de nombreux élus locaux.

a)      les systèmes possibles :

A cet égard deux grands systèmes existent si on observe ce qui se passe à l’étranger. Soit ce sont des élus qui peuvent présenter les candidats soit ce sont les citoyens eux-mêmes, soit le système est mixte.

• Le choix de la France est celui de la présentation par des élus dont la grande masse est constituée par  les maires des communes. Il y a 47 426 mandats permettant de présenter un candidat, mais compte tenu du cumul des mandats, cela réduit à 42 000 le nombre de présentateurs réels dont 36 702 maires soit 77% de l’ensemble.

• D’autres pays proposent les signatures d’un certain nombre d’électeurs. Ainsi en Pologne, il faut 100 000 signatures de soutien.

• Le système russe est mixte. Les candidats dont le parti ne dispose pas de siège à la Douma doivent déposer deux millions de signatures de soutien.

• Le système américain est encore plus complexe puisqu’il peut y avoir des candidats indépendants autres que le candidat démocrate ou républicain. Mais chaque candidat doit  faire enregistrer sa candidature dans chacun des cinquante États et les procédures d’enregistrement sont différentes puisque chaque Etat s’organise comme il l’entend. Fédéralisme oblige. Ceci fait que des petits candidats ne sont pas candidats dans tous les Etats … En 2008 il y a eu 24 candidats mais 2 seulement  étaient présents dans tous les Etats.

b)      Quel système choisir ?

On peut estimer plus démocratique le système polonais puisqu’il évite aux partis installés de confisquer la possibilité de présenter un candidat. Il s’inscrit dans l’esprit d’une élection au suffrage universel direct.  Mais cela pose le problème d’une élection survenant par exemple après le décès d’un président. Rappelons que la désignation du successeur  doit avoir lieu dans un délai de 20 à 35 jours…  Imaginons un président décédant subitement le 14 juillet. Il serait difficile de réunir le nombre de signatures nécessaire dans un délai aussi bref. Mais le système français poserait des difficultés du même type.

  1. 2.       LE PRINCIPE DE LA PUBLICITE DES NOMS DES PRESENTATEURS EN QUESTION

a)      Le tournant de 1976

Depuis 1976, le nom des personnes ayant présenté un candidat est rendu public. En réalité, un tirage au sort est fait afin de ne retenir que 500 présentations. On ne connait donc pas le nom de tous ceux qui ont utilisé ce droit de présentation. Le caractère de publicité a été souvent critiqué, certains considérant que cela aliénait la liberté des présentateurs potentiels en permettant les pressions émanant notamment de leur formation politique. En outre certains considèrent qu’un maire n’a pas été désigné pour exercer cette fonction.  Une question prioritaire de constitutionnalité a permis au Conseil constitutionnel de se prononcer le 21 février 2012. Il a écarté le grief d’inconstitutionnalité en considérant que cela ne pouvait porter atteinte aux principes d’égalité et de secret du suffrage puisque la présentation d’un candidat n’était pas « l’expression d’un suffrage ». Pour le Conseil le législateur a entendu ainsi « favoriser la transparence de la procédure de présentation des candidats ».

b)      Le retour à l’anonymat

On peut  souhaiter que le législateur modifie la loi organique en revenant au principe de secret des présentateurs, qui était la règle avant 1976. La liberté des présentateurs n’en serait que renforcée. Un tel secret ne serait certainement pas plus contraire à la constitution que la publicité.

  1. 3.        LE NOMBRE DES PRESENTATEURS EN QUESTION

a)      L’augmentation de 1976

Le nombre des présentateurs a été élevé en 1976,  suite à l’inquiétude du nombre de candidats en 1974. On est passé de   100 dans 10 départements ou territoires différents à 500 dans 30 départements ou collectivités assimilés différents sans que plus de 50 ne puissent venir d’un même département ou collectivité. La finalité »était à la fois de limiter le nombre des candidatures et d’éviter les candidatures à caractère local ou régional.

On peut estimer que le nombre est devenu trop élevé. Des voix se sont élevées pour revoir ce mécanisme.

b)      Les propositions du Comité Balladur

Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République dit Comité Balladur qui a servi de support à la révision constitutionnelle de 2008 avait fait une suggestion qui n’a pas retenu l’attention. Il proposait que les cnadidatures résultent

d’un «  collège de quelque cent mille élus (soit plus du double du nombre des personnes susceptibles, dans le système actuel, de parrainer des candidatures) composé des parlementaires, conseillers régionaux, conseillers généraux, maires et délégués des conseils municipaux qui, sélectionnés à proportion de la population qu’ils représentent et soumis à l’obligation de voter, seraient appelés, au chef-lieu du département, à désigner, à bulletin secret, le candidat qu’ils souhaitent voir concourir à la présidence de la République ». Il suggérait aussi  un « seuil en deçà duquel les candidats ne pourraient être retenus » et «  l’exigence de franchir la barre d’un minimum de voix dans un nombre donné de départements ».

Sans doute on a toujours affaire à un système de notables qui donne un petit côté scrutin sénatorial à ce mécanisme. Mais  le caractère secret du choix de ces notables est respecté. En revanche, là encore, le citoyen se trouve écarté.

IV. L’ELECTION PRESIDENTIELLE AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT EN QUESTION

Mais est-ce que cette question des candidatures  qui n’est guère résolue de façon satisfaisante ne remet pas en cause le principe même de l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct. Celle-ci  n’est peut-être qu’en apparence un système démocratique. Les Etats, comme par exemple l’Allemagne,  qui n’y ont pas recours, ce pays  ayant malheureusement fait à cet égard de catastrophiques expériences, en ayant  un chef de l’Etat élu autrement comme nous venons de le voir  le 18 mars avec l’élection de Joachim Gauck,  n’en sont pas moins de très belles démocraties.

Malheureusement on n’imagine pas en France une remise en cause de ce système qui apparaitrait aux yeux de l’opinion comme un retour en arrière.

On peut se demander si le retour dans le passé ne pourrait pourtant pas être le retour à la Grèce antique. Les fonctions étaient attribuées par le sort. Et il ne pouvait pas y avoir de mauvais choix puisque à travers le sort, c’était les dieux qui décidaient…

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