Liberté, inégalité, austérité. La politique de l’éducation en Angleterre entre 2010 et 2020

Vient de paraître un chapitre sur la politique de l’éducation en Angleterre 2010-2022 dans Le Parti conservateur britannique au pouvoir (2010-2020) Édité par Louise Dalingwater et Stéphane Porion, Presses Universitaires du Septentrion, 2023. Broché. 478 p.ISBN-10 2757438816    ISBN-13 978-2-7574-3881-7

Résumé :

Depuis l’ère Thatcher, l’objectif des gouvernements conservateurs a été de réduire la dépense publique. Pour ce faire, la stratégie éducative des gouvernements entre 2010 et 2020 a été de limiter puis de diminuer le budget de l’éducation et d’en confier une partie croissante au secteur privé. Cela s’est fait par l’intermédiaire d’une politique dite d’ « académisation ». Contrairement aux autres nations, en Angleterre, qui n’a pas de parlement spécifique[1], c’est le gouvernement du Royaume-Uni qui décide des politiques éducatives pour les 8,82 millions d’élèves fréquentant les 24 300 établissements scolaires en Angleterre, soit 85,6% de la population scolaire du Royaume-Uni[2]. Il sera ici exclusivement question de l’enseignement obligatoire en Angleterre qui est au cœur du système éducatif[3]. Dans un premier temps nous examinerons les programmes électoraux du Parti conservateur. La mise en œuvre de ces programmes politiques sera examinée dans une seconde partie. Les effets de ces politiques sur le terrain feront l’objet de la troisième partie.

[1] Au Royaume Uni, si le financement global est décidé par le gouvernement central à Londres, il revient aux nations (l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du nord) d’élaborer leur propre politique et d’ajouter d’autres financements. Voir par exemple, pour le pays de Galles : https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/funding-education-96_en.

[2] Department for Education, Schools, pupils and their characteristics: January 2019, 27 juin 2019. À titre de comparaison, l’Écosse totalise 6,8% des élèves britanniques, le pays de Galles 4,5% et l’Irlande du nord 3,3%. Scottish Government, Summary statistics for schools in Scotland, no.10, 2019 ; Welsh Government, Schools’ Census Results : as at January 2019, Statistical First Release 57/2019 ; Northern Ireland direct, Schools and pupils in Northern Ireland 1991/2 to 2018/19, 30 avril 2019.

[3] La préscolarisation, qui relève autant des services sociaux que de l’enseignement au Royaume-Uni et les formations post-obligatoires ou alternatives (université et instituts d’enseignement supérieur – colleges of further education) mériteraient chacune un chapitre. Il ne sera pas non plus question de l’enseignement privé (8% des élèves), par définition, exclu des politiques publiques.

Liberté, inégalité, austérité. La politique de l’éducation en Angleterre entre 2010 et 2020   

Résumé du chapitre à paraître dans l’ouvrage Le Parti Conservateur au pouvoir : politiques, enjeux et bilan (2010-2020), Louise Dalingwater, Stéphane Porion (dir.), Villeneuve d’Ascq, Septentrion, 2023.

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(Photo Creative Commons :Educators.co.uk. 

Depuis l’ère Thatcher, l’objectif des gouvernements conservateurs a été de réduire la dépense publique. Pour ce faire, la stratégie éducative des gouvernements entre 2010 et 2020 a été de limiter puis de diminuer le budget de l’éducation et d’en confier une partie croissante au secteur privé. Cela s’est fait par l’intermédiaire d’une politique dite d’ « académisation ». Contrairement aux autres nations, en Angleterre, qui n’a pas de parlement spécifique [1], c’est le gouvernement du Royaume-Uni qui décide des politiques éducatives pour les 8,82 millions d’élèves fréquentant les 24 300 établissements scolaires en Angleterre, soit 85,6% de la population scolaire du Royaume-Uni [2]. Il sera ici exclusivement question de l’enseignement obligatoire en Angleterre qui est au cœur du système éducatif [3]. Dans un premier temps nous examinerons les programmes électoraux du Parti conservateur. La mise en œuvre de ces programmes politiques sera examinée dans une seconde partie. Les effets de ces politiques sur le terrain feront l’objet de la troisième partie.

[1] Au Royaume Uni, si le financement global est décidé par le gouvernement central à Londres, il revient aux nations (l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du nord) d’élaborer leur propre politique et d’ajouter d’autres financements. Voir par exemple, pour le pays de Galles : https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/funding-education-96_en.

[2] Department for Education, Schools, pupils and their characteristics: January 2019, 27 juin 2019. À titre de comparaison, l’Écosse totalise 6,8% des élèves britanniques, le pays de Galles 4,5% et l’Irlande du nord 3,3%. Scottish Government, Summary statistics for schools in Scotland, no.10, 2019 ; Welsh Government, Schools’ Census Results : as at January 2019, Statistical First Release 57/2019 ; Northern Ireland direct, Schools and pupils in Northern Ireland 1991/2 to 2018/19, 30 avril 2019.

[3] La préscolarisation, qui relève autant des services sociaux que de l’enseignement au Royaume-Uni et les formations post-obligatoires ou alternatives (université et instituts d’enseignement supérieur – colleges of further education) mériteraient chacune un chapitre. Il ne sera pas non plus question de l’enseignement privé (8% des élèves), par définition, exclu des politiques publiques.

L’histoire de la Première guerre mondiale en France : une histoire partagée

Au début de l’automne, il m’a été donné de participer à une cérémonie de remise d’une carte d’état-major, ayant appartenu à un sous-officier britannique de la 62e Division, à un musée de la Grande guerre dans le Pas de Calais (« La famille d’un soldat anglais remet une carte de la bataille de 1917 au musée », La Voix du Nord, samedi 17 septembre 2022).

Carte d’état-major, secteur Bullecourt, ordre de bataille du 3 mai 2017 du 2/6th Bataillon Duke of Wellington’s.

La carte montre les tranchées allemandes lors des batailles de Bullecourt en avril et en mai 1917, et, marquées au crayon bleu – sans doute par le soldat –, les positions de départ et les lignes d’attaque planifiées qui avaient été signifiées à son détachement.

L’accueil réservé aux petits-enfants de ce soldat britannique par les responsables du musée et par les instances politiques locales – le maire de Bullecourt, le président de la Communauté des communes du Sud-Artois, – témoigne de la mémoire encore vive des combats qui ont eu lieu sur ce territoire français.

Sam Mendès s’est inspiré des ces mêmes faits pour son film 1917 où Ecoust et Croisilles sont mentionnées. (Voir l’article très complet de FR3 Hauts de France « 1917 » favori des Oscars : on vous raconte l’histoire de la Bataille de Bullecourt qui a inspiré le film de Sam Mendes).

Lors des commémorations du centenaire de la fin de la guerre 14-18, une grande collecte de souvenirs de ‘poilus’ a été initiée, plusieurs manifestations ont été organisées et la Mission Centenaire 14-18 créée pour impulser l’ensemble. Ces contributions ont mis en avant l’impact de la guerre sur les français, combattants et civils.

Après la stabilisation du front, fin 1914, la plupart des combats auxquels les soldats français ont participé se sont déroulés au sud d’Amiens (voir la Cartographie des lignes de front) tandis que les armées alliées (composées de divisions britanniques, australiennes, canadiennes, sud-africaines, mais aussi indiennes) étaient concentrées au nord de cette zone.

Il est donc naturel que les commémorations, les souvenirs, les regards concernant les français, combattants et civils, se soient focalisés sur le vaste front (en longueur, ce front occupait les quatre cinquièmes des lignes tenues) allant d’Amiens à Saint Dié dans les Vosges, en passant par Soissons, l’Aisne, Reims et Verdun.

Le front tenu par les alliés au nord s’étendait d’Amiens à au-delà d’Ypres en Belgique, à travers quatre départements français fortement touchés par les combats et la présence militaire alliée ou ennemie, la Somme (Amiens, Albert), l’Aisne (St. Quentin), le Pas-de-Calais (Arras, Vimy, St Quentin, Cambrai), et le Nord (Lens, Lille).

Malgré les efforts des musées, l’histoire de ce secteur, une histoire partagée entre les français, les alliés et les soldats du camp opposé, et avec les descendants de ces combattants, de ces civils, reste moins connue en France.

L’Historial de Péronne et de Thiepval, musées de référence, se sont efforcés à représenter

« le premier conflit mondial dans toute son ampleur : culturelle, sociale et militaire. Les visions des trois principales nations européennes combattantes (France, Allemagne, Royaume-Uni) se croisent au fil des empreintes de la guerre vécues sur le front et à l’arrière.

Le musée a été conçu pour être un musée d’histoire culturelle, ce qui se traduit par une scénographie plaçant au centre de la présentation les individus : les soldats comme les civils, les prisonniers, les populations occupées, déplacées… Cette approche anthropologique vise à montrer l’humanité en guerre, dans une guerre totale affectant la société dans son ensemble. »

Sur le plan local, les Archives départementales du Pas-de-Calais ont ouvert les Chroniques de la Grande Guerre, avec de nombreux articles en ligne sur des sujets très larges comprenant les faits d’armes, les bombardements des villes (Arras), l’industrie locale, l’impact de la présence des troupes dans les zones à l’arrière, le brassage des populations, l’occupation allemande, parmi tant d’autres.

Le Musée Jean & Denise Letaille – Bullecourt 1917 honore la mémoire des troupes australiennes, britanniques et allemandes, qui se sont battus dans et autour de ce village en 1917.

C’est ici que sont rassemblés des artefacts trouvés sur place et assemblés patiemment par les époux Letaille.

 

Sont ainsi évoqués les combats et la vie dans les tranchées, l’histoire individuelle de quelques-uns des milliers de combattants envoyés dans ce lieu, qui, également par milliers, rien que sur cette commune du Pas-de-Calais, y ont laissé leur vie, leur sang et leur âme.

C’est ici, à Bullecourt, que le sous-officier britannique de la 62e Division a combattu au printemps 1917, avant d’être envoyé sur d’autres fronts, proches et plus lointains. Une de ses petites-filles a rappelé cette histoire partagée lors de la cérémonie de remise de la carte en ces termes :

« Au nom de notre père, Kenneth Finding, nous sommes extrêmement fiers de pouvoir confier cette carte au Musée Jean et Denise Letaille à Bullecourt aujourd’hui, 13 septembre 2022.

Le projet est né il y a quatre ans. Présente lors des commémorations du centenaire de la dernière offensive alliée à la Cathédrale d’Amiens, en août 2018, j’ai fait un pèlerinage dans les villages où je savais que notre grand-père avait été envoyé et je suis venue au musée.

Rendant compte de ma visite à mon père, aujourd’hui âgé de 97 ans, il s’est souvenu que plusieurs années auparavant, il était venu à Bullecourt avec la carte pour reconnaître les lieux. Quelqu’un l’ayant vu avec sa carte à la main lui a indiqué qu’il fallait s’adresser à M. Letaille et notre père a pu ainsi voir la collection dans la grange. Il était très heureux de voir les photos que j’avais prises du nouveau musée.

Peu de temps après, notre père a décidé qu’il souhaitait faire don de la carte au musée. Ce projet a pris quelques années pour se réaliser à cause des interdictions de voyage liées au Covid, mais nous sommes très heureux qu’il se concrétise aujourd’hui. Notre père, empêché par son âge, vous transmet son bon souvenir.

Quelques mots sur notre grand-père vous donneront une idée de sa trajectoire et sa présence en 1917 à Bullecourt et des actions auxquelles il a participé.

Né en 1878, il s’engagea dans l’armée britannique en septembre 1897 à l’âge de 19 ans. Il a passé huit ans en Inde et rentre au Royaume-Uni en 1905. Il gravit les grades de sous-officier, et lorsqu’il se marie en 1909, il est sergent. Au début de la guerre, à trente-cinq ans, il est nommé sergent major d’une compagnie, formant les recrues.

R.S.M. George Finding, 2/6th Duke of Wellington’s.

Il est promu Sergent-major du régiment, le plus haut gradé des sous-officiers, chargé de s’occuper de l’ensemble des sous-officiers et des hommes, en 1915. Son régiment de l’armée territoriale, régiment de réserve, le 2/6 Bataillon du Duke of Wellington’s, est envoyé en France début 1917.

Le régiment arrive au Havre le 6 février 1917 et atteint les lignes arrières de l’armée britannique, attaché à la 62e division britannique. Son bataillon est devant Bullecourt en avril 1917 comme troupes de seconde ligne d’attaque et, dans les jours suivant la première bataille (14-15 avril), participe aux tentatives pour percer les barbelés et ainsi faciliter toute attaque future mais son unité n’est pas engagée dans la bataille du 11 avril, qui ne tourne pas en faveur des alliés, comme vous le savez.

Le bataillon est utilisé lors de la seconde attaque le 3 mai, et le plan d’attaque de son secteur est marqué au crayon bleu sur la carte qu’il a gardé. Pour vous le situer, cela se trouve à l’ouest du village, depuis Écoust St Mein, le QG opérationnel, et la ligne de départ se situait au carrefour où se trouvent aujourd’hui les éoliennes, les menant au-delà de la route qui mène à Fontaine-les-Croisilles, exposés non seulement de front au tir des troupes en face dans les tranchées attaquées mais également sur le flanc droit, depuis le village tenu par les allemands.

A 3h40, le 3 mai, son bataillon fut engagé parmi d’autres. Les pertes furent importantes. En un jour, le bataillon perd un quart de ses effectifs. 267 sur les mille hommes du bataillon furent blessés, tués ou portés disparus. Ils sont relevés le soir même à 22h et bivouaquent à Mory. Le lendemain, le 4 mai, ils sont à nouveau envoyés pour occuper et tenir la 1ère ligne pendant 48h sous des bombardements allemands.

Ils sont ensuite envoyés dans des camps à Mory, Courcelles, Achiet le Petit, et Favreuil, participant aux travaux d’ingénierie et de logistique, avant d’être renvoyés dans les tranchées à Noreuil, et, à nouveau, à Bullecourt, du 21 au 29 août 2017. Par la suite, le bataillon participa à l’attaque à Havrincourt (bataille de Cambrai) fin novembre 1917.

En février 1918, son bataillon ayant été dissout, il est rattaché au 5e bataillon King’s Own Yorkshire Light Infantry, qui avait également participé aux opérations à Bullecourt, au printemps 1917. Ce bataillon s’est distingué pendant la bataille de Bapaume à Bucquoy et à Rossignol Wood en mars 1918.

En juillet 1918 ils sont envoyés dans la Marne où le bataillon a subi des pertes au Bois de Courton au sud-ouest de Reims. Ils reviennent à Mory, le 25 août 1918, à Havrincourt le 12 septembre, puis ont participé à l’action pour prendre le Canal du Nord (Ribécourt), le 27 sept. [Informations obtenues dans les histoires des régiments et des journaux de bord officiels tenus par chaque bataillon aux National Archives, Royaume-Uni, ainsi que dans les livres d’histoire sur ces épisodes].

La veille de l’Armistice, ils reprenaient Maubeuge. Notre grand-père, après avoir été envoyé à Cologne avec l’armée d’occupation en Allemagne en 1919, a terminé sa carrière militaire comme Commandant de camp de démobilisation au pays de Galles. Il quitte l’armée en 1920, à 42 ans, sa santé ne lui permettant pas de se réengager. Cela ne l’a pas empêché d’atteindre ses 90 ans. Il est décédé en janvier 1967, pensionnaire de la Royal Chelsea Hospital de Londres, prestigieux hospice pour anciens combattants.

Nous sommes très heureux de pouvoir faire don de cette carte au Musée Jean & Denise Letaille et de commémorer les hommes avec qui notre grand-père a combattu ici même. Au nom de Kenneth Finding, son fils, et ses cinq petits-enfants : Judith Burgin, Anthony Finding, Susan Finding (Poitiers), Andy Finding, Kate Poore. »

Le lecteur aura compris pourquoi cette histoire partagée me semble doublement importante.

Des poids et des mesures – où l’on parle du retour du système impérial d’unités (SI)

L’information fait le tour des rédactions britanniques. Le Premier ministre, Boris Johnson, aurait le projet de revenir au système de poids et de mesures anglo-saxon millénaire, projet annoncé la veille du Jubilé de la Reine, qui donnera lieu à quatre jours de jouissances du 2 au 5 juin 2022. On ne peut qu’y voir le souhait d’un bond en arrière de 70 ans, pour revenir au temps de l’Empire britannique.

Cette annonce est la dernière en date en lien avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE, qui promettait, parmi d’autre bénéfices, de ‘libérer’ le peuple britannique du joug étranger, dont le système métrique, qui aurait été imposé par les diktats de Bruxelles. L’histoire confirme la nature politique des décisions en matière des mesures.

Imperial Standards of Length, Trafalgar Square - detail

Imperial Standards of Length, Trafalgar Square Copyright Mike Quinn. Creative Commons Licence.

Verra-t-on les livres et les onces, les pieds et les pouces, les yards et les perches, les pintes et les gallons, les degrés Fahrenheit, les shilling et les pennies faire leur retour? Les calculs mentaux et les recettes de cuisine risquent de se compliquer.

Au Royaume-Uni, seules les personnes qui ont plus de soixante ans se souviennent qu’une livre égale 16 onces, qu’un pied fait 12 pouces, ou des prix exprimés en demi-couronnes (2/- 6d). Pour tout avouer, j’ai encore en tête le prix du premier album 33 tours que j’ai pu acheter avec l’argent gagné en distribuant les journaux : 17/6d, soit les trois-quarts d’une livre sterling.

Il semble opportun de republier le début de l’introduction du numéro de l’Observatoire de la société britannique 24 | 2019 : L’économie britannique et le Brexit

Depuis l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne en janvier 1973, un certain nombre de britanniques n’ont cessé de penser que l’entrée dans la CEE a eu un impact négatif sur l’économie du pays. Le passage au système métrique, décidé dès 1965, n’a fait que renforcer l’idée que l’économie de la première nation industrielle, son système impérial de poids et de mesures, tous deux séculaires, sont menacés par cette participation. Dans l’esprit de nombreux britanniques la décimalisation de la monnaie, à partir de février 1971, a contribué à la vision négative de l’impact, notamment sur la flambée des prix. Voir par exemple, Dominic Sandbrook, dans le quotidien conservateur, le Daily Mail, 31 janvier 2011, « The day Britain lost its soul. How decimalisation signalled the demise of a proudly independent nation ». La demande – il y a quarante ans – d’une renégociation de la contribution britannique au budget européen par le nouveau Premier ministre, Margaret Thatcher, et ses déclarations péremptoires concernant le déficit démocratique des institutions européennes, reflétaient et entretiennent encore ce sentiment. En 2016, la contribution budgétaire britannique à l’Union européenne a été utilisée comme l’un des principaux arguments de la campagne en faveur du Brexit, ses partisans prétendant que les 350 millions de livres sterling hebdomadaires versés à l’UE – chiffre contesté – seraient consacrés au système public de santé (NHS), institution emblématique du système social britannique. Si l’entrée du Royaume-Uni dans l’union douanière, puis dans l’union politique et sociale, a posé problème aux britanniques, sa sortie, près de cinquante ans plus tard, ne pose pas moins de questions, notamment à propos son impact sur l’économie.

 

Collectionneurs de livres rares d’histoire économique, contemporains d’Auguste Dubois et leurs collections

Billet publié sur le site consacré au

Fonds Dubois / Dubois Collection

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle la vente de bibliothèques privées anciennes réunies par des gentilshommes britanniques a permis aux collectionneurs connaisseurs, érudits ou amateurs, d’acquérir des oeuvres rares d’histoire économique auprès des libraires spécialisés dans le marché du livre ancien ayant pignon sur rue à Londres.

Les recherches menées autour des livres rares d’histoire économique de langue anglaise dans le Fonds Dubois ont mis à jour un réseau restreint de cinq collectionneurs de raretés dans ce domaine à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle : Auguste Dubois, Herbert Somerton Foxwell, E.R.A. Seligman, Henry Raup Wagner et Leon Kashnor.

Le corpus collectif réuni par ces cinq collectionneurs éminents actifs pendant la période 1880 à 1930 constitue les plus grandes collections d’oeuvres dans le domaine de l’histoire des débuts de la science économique en dehors des bibliothèques de dépot légal ou des bibliothèques nationales telles que la British Library et la National Library of Australia.

Ces cinq collectionneurs comprennent un Français, deux Anglais et deux Américains. Trois d’entre eux furent professeurs d’économie :  Auguste Dubois (1866-1935) à l’Université de Poitiers ; Edwin Seligman (1861-1939) à l’Université de Columbia (New York)  ; et Henry S. Foxwell (1849-1936) à l’Université de Cambridge, puis professeur à l’Université de Londres. Ces trois hommes ont tous contribué à l’émergence de leur discipline, fondé des associations et des périodiques pour promouvoir l’étude de l’économie, et, réuni et préservé ce corpus ancien, à l’époque mal estimé.

 

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Brexit, souveraineté nationale et mondialisation

Il y a un an, nous annoncions la sortie d’un numéro de l’Observatoire de la société britannique consacré à la question de l’Economie britannique et le Brexit.

concept créateur d'illustration de brexit, ballon volant avec l'ue de l'union européenne et le drapeau britannique du royaume-uni sur le fond blanc. - brexit photos et images de collection

La finalité de la décision acquise depuis quelques semaines, la mise en ligne du numéro de décembre 2019, et la sortie du numéro de décembre 2020 de la revue, dédié à nouveau à la question, BREXIT AND ITS DISCONTENTS/ LE BREXIT, UN MALAISE SANS FIN ? sous la direction de Margaret Gillespie, Philippe Laplace & Michel Savaric, nous incite à republier l’introduction du numéro rédigé il y a douze mois.

Brexit, souveraineté nationale et mondialisation, Susan Finding, Observatoire de la société britannique, 24 | 2019 : L’économie britannique et le Brexit, p. 15-28  https://doi.org/10.4000/osb.3146

Depuis l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne en janvier 1973, un certain nombre de britanniques n’ont cessé de penser que l’entrée dans la CEE a eu un impact négatif sur l’économie du pays. Le passage au système métrique, décidé dès 1965, n’a fait que renforcer l’idée que l’économie de la première nation industrielle, son système impérial de poids et de mesures, tous deux séculaires, sont menacés par cette participation. Dans l’esprit de nombreux britanniques la décimalisation de la monnaie, à partir de février 1971, a contribué à la vision négative de l’impact, notamment sur la flambée des prix1. La demande – il y a quarante ans – d’une renégociation de la contribution britannique au budget européen par le nouveau Premier ministre, Margaret Thatcher, et ses déclarations péremptoires concernant le déficit démocratique des institutions européennes, reflétaient et entretiennent encore ce sentiment. En 2016, la contribution budgétaire britannique à l’Union européenne a été utilisée comme l’un des principaux arguments de la campagne en faveur du Brexit, ses partisans prétendant que les 350 millions de livres sterling hebdomadaires versés à l’UE – chiffre contesté – seraient consacrés au système public de santé (NHS), institution emblématique du système social britannique. Si l’entrée du Royaume-Uni dans l’union douanière, puis dans l’union politique et sociale, a posé problème aux britanniques, sa sortie, près de cinquante ans plus tard, ne pose pas moins de questions, notamment à propos son impact sur l’économie.

  • 2 Timothy Whitton (dir.), Le Royaume-Uni de Theresa May, Observatoire de la société britannique, 21, (…)
  • 3 Les coordinateurs de ce numéro adressent leurs remerciements aux laboratoires MIMMOC (EA 3812) et C (…)

Après un numéro de l’Observatoire de la société britannique consacré aux défis auxquels Theresa May devait faire face en accédant à la tête de l’exécutif en juin 2016, et deux numéros de la Revue française de civilisation britanniques sur le référendum de juin 2016 et les élections législatives de 20172, élections dont le Premier ministre espérait qu’elles lui donneraient une plus grande majorité et les coudées franches – mais qui en réalité ont produit un parlement sans majorité, incapable de dégager un consensus sur la difficile négociation des conditions du départ –, le numéro présent se penche sur l’économie britannique avant et après le Brexit et sur certaines questions épineuses qui se sont posées depuis le 23 juin 20163. L’éventuel impact de la sortie de l’UE sur l’économie britannique a peu joué dans la décision les électeurs de voter en faveur du Brexit, si ce n’est la fameuse contribution du Royaume-Uni à l’Union européenne, largement utilisée par les partisans du départ. Le gouvernement ne semble pas davantage avoir mesuré les conséquences économiques en déclenchant l’Article 50.­­­ Il semble toutefois que les conséquences économiques de cette décision politique soient multiples et profondes.

  • 4 Les auteurs des articles dans ce numéro se trouvent dans la même position – bien moins grave certes (…)

À l’aune d’une nouvelle ère de relations internationales pour la Grande-Bretagne, une ère de reconfigurations politiques, sociales et économiques, sont réunis dans ce numéro des articles qui analysent l’impact du « Brexit ». Depuis le résultat-surprise du référendum de juin 2016, une épée de Damoclès est suspendue au-dessus du Royaume-Uni. Les articles ont été rédigés pendant l’hiver 2018-2019, et révisés entre le moment où le parlement britannique a rejeté l’accord négocié entre le gouvernement britannique et l’Union européenne, le 15 janvier 2019, et la fin du délai imposé par l’activation de l’Article 50 par le Premier ministre, initialement le 29 mars 2019 (‘B-Day’). Ce délai se prolonge, prorogé jusqu’au 12 avril à cause de l’impasse à Westminster, et de nouveau, début avril, jusqu’au 30 octobre 2019. Ne souhaitant pas attendre le dénouement de la crise politique, constitutionnelle et existentielle que le résultat du referendum a déclenchée4, — ces lignes ont été rédigées en mars 2019, avant les atermoiements du départ de Theresa May et le choix de son successeur à la tête du Parti conservateur, et par conséquent du gouvernement — le présent numéro fait le point sur les débats autour de certaines questions économiques soulevées par la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le Brexit, quel que soit son format, — même si l’accord négocié est finalement voté, et même si le processus est arrêté ou si un délai supplémentaire pour aboutir à une sortie est demandé, et accordé — ne manquera pas d’avoir des répercussions sur un certain nombre d’institutions, de politiques et de méthodes de fonctionnement européens. En attendant de savoir l’accord négocié, signé par le Royaume-Uni et l’Union européenne, est avalisé par le parlement (Deal ou No Deal ?), ou si une deuxième consultation du peuple sous forme de référendum ou d’élections législatives s’avère nécessaire, les acteurs de tous les secteurs économiques ont conduit des analyses prospectives, évalué les ajustements nécessaires et élaboré des plans pour faire face aux difficultés constatées : indisponibilité de main d’œuvre immigrée, délais de livraison prolongés, formalités administratives accrues, tarifs douaniers entraînant des coûts supplémentaires, valeur de la livre sterling incertaine, subventions agricoles évaporées… Les stratégies envisagées vont du déménagement du siège social dans un pays européen (secteur bancaire) où ailleurs (Dyson à Singapour ; Honda ; BMW pour la Mini) à la négociation bilatérale avec les autorités du pays concerné (Eurostar), de la création de stocks supplémentaires (fournitures, médicaments) à la création de filières de transport et de stockage dédiées (NHS, ferrys trans Manche)5. Devant les incertitudes quant au dénouement de la crise et sur la durée des négociations et des tractations parlementaires, de nombreux représentants de l’industrie et du commerce sont intervenus publiquement pour avertir le gouvernement des conséquences négatives qui se faisaient déjà sentir6.

Les articles dans ce numéro se classent dans trois catégories principales : le Royaume-Uni dans son ensemble ; le devenir de l’économie des régions à gouvernance autonome (Écosse et Irlande du nord) ; et le secteur financier. Les contributions font ressortir des questions fondamentales sur les prémices et le fonctionnement de la société britannique : la philosophie politique qui la sous-tend, la place des services et le poids de la finance dans l’économie britannique, les relations internes au Royaume entre les régions, et les relations extérieures du pays, sur le plan politique et économique. L’impact sur les relations extérieures ne se limite pas aux relations avec l’UE, mais aussi, conséquence du poids du secteur de la finance, avec les États-Unis.

Le Brexit et le Royaume-Uni : questions de philosophie politique

Les trois premiers articles envisagent le Royaume-Uni dans son ensemble et traitent de questions relevant de la philosophie politique et sociale. Céline Lageot retrace le processus constitutionnel de sortie de l’UE du Royaume-Uni. Ce faisant elle rappelle l’importance constitutionnel du principe de souveraineté parlementaire :

Alors que le Gouvernement a cru pouvoir passer outre le consentement du Parlement pour la sortie définitive du Royaume-Uni de l’Union européenne, les juges de la Cour suprême sont venus arbitrer le conflit dans l’affaire Miller en janvier 2017, en rappelant la plénitude du principe de souveraineté parlementaire. Non seulement, et nonobstant le résultat du référendum de juin 2016, le Parlement a dû donner son approbation au déclenchement de la procédure de sortie, mais il devra en définitive autoriser la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Ce principe a mené, tant bien que mal, aux votes indicatifs du 26 mars 2019 censés faire connaître ce que le parlement, souverain, après avoir rejeté à plusieurs reprises l’accord ramené de Bruxelles par le Premier ministre, Theresa May, accepterait comme solution. Cette consultation a révélé surtout les profonds désaccords au sein des deux principaux partis politiques, et, par conséquent, n’a pu dégager une majorité en faveur d’aucune des propositions alternatives.

Dans sa contribution, Emma Bell souligne les principes qui prévalent chez les tenants du Brexit et les conséquences qui en découlent :

Bien que le Brexit soit parfois considéré par la gauche comme une opportunité de tirer un trait sur le néolibéralisme, notamment en facilitant la renationalisation des services publics, la droite du parti conservateur britannique le voit comme une vraie occasion de montrer la voie en matière de déréglementation afin de créer une utopie néolibérale au Royaume-Uni. […] Cependant, bien que la création d’une utopie néolibérale après le Brexit soit irréalisable, « le néolibéralisme réellement existant » devrait perdurer, les incertitudes économiques du Brexit plaçant les grandes entreprises dans une position de force vis-à-vis du gouvernement britannique.

L’expansion du secteur des services dans les quarante années précédant la crise de 2007, quasiment depuis l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, a été significative. Si on ne peut imputer ce développement à l’adhésion au marché commun, la transformation de l’économie britannique suite au déclin industriel, accompagne l’expansion des échanges commerciaux avec l’Europe. Aujourd’hui, les services dominent l’économie et la vie des britanniques – les chiffres de 2016 montrent que 80 % des emplois sont dans les services publics et privés et seulement 12 % dans l’industrie, 1.5 % l’agriculture7. La place des services privés, et en particulier des services financiers, sera examinée dans des articles de la troisième partie. Louise Dalingwater analyse un aspect de l’impact du Brexit sur un pan du secteur public, le service public de santé :

L’un des défis les plus importants du post-Brexit est celui de la capacité du système britannique de santé publique (National Health Service) à retenir du personnel de santé qualifié. Le NHS a recours à des travailleurs étrangers pour combler le déficit chronique en personnel. Cet article montre pourquoi le NHS connaît actuellement une crise de recrutement et souligne comment la sortie du Royaume-Uni de l’UE pourrait aggraver le problème. Il examine ensuite l’impact potentiel du Brexit sur la présence de personnel européen dans le NHS. L’article examine pourquoi une évaluation de l’effet du Brexit sur cette crise de recrutement est difficile à effectuer. Enfin, il analyse les politiques mises en place par le Gouvernement britannique pour tenter de limiter les départs du personnel et pour remédier à la crise de recrutement.

La politique d’immigration du gouvernement conservateur aurait un effet négatif important sur l’économie, d’après des rapports officiels qu’on a tenté de garder secrets8. Si les politiques d’immigration ne sont pas directement liées à la sortie de l’UE, la perception du public et du personnel du NHS provenant de l’UE font ce lien entre les deux. Mieux contrôler ses frontières et l’immigration, on se le rappellera, fut un des arguments brandis par la campagne en faveur du Brexit.

Le Brexit et les régions à gouvernance autonome : les cas de l’Écosse et de l’Irlande du nord

  • 9 Ian Jack, « North to south, the seeds of division in Brexit Britain were sown long ago », The Guard (…)
  • 10  Sur Londres, voir Berbéri, C., « Londres : une ville plus favorable à l’euro que les autres villes (…)

Le résultat du référendum a souligné les faiblesses des relations inégales entre les différentes parties – régions et nations – du Royaume-Uni. Le décalage entre les régions anglaises ayant voté en faveur de l’UE – méridionales, prospères, cosmopolites – et les régions anglaises ayant voté en faveur du Brexit – au nord, au taux de chômage et de pauvreté élevé – reprend la division centenaire entre le nord industriel et le sud, centre administratif9, entre les régions et nations ‘périphériques’ et le centre du pouvoir, le cœur du Royaume – l’Angleterre et Londres10. Le résultat souligne également les attentes très différentes des nations composant l’Union et fait écho à l’évolution des vingt dernières années vers une autonomie plus grande de l’Écosse, mais aussi, dans une certaine mesure, du pays de Galles, et de l’Irlande du nord.

  • 11 Site officiel de l’exécutif gallois : What impact will Brexit have on the Welsh economy? 13 April 2 (…)

On s’attend à ce que l’économie galloise soit touchée par le Brexit : au niveau de son PNB, du commerce, de l’investissement et des emplois. Entre trois scénarios possibles évoqués en 2018, le plus couteux pour l’économie serait une économie sans accord avec l’UE entièrement livrée aux règlementations de l’Organisation mondiale du commerce. Le moins couteux serait le statut quo (pas de Brexit), avec un accord type CETA comme solution intermédiaire11. En accord avec ces estimations, le 4 décembre 2018, l’Assemblée galloise s’est positionnée en adoptant une motion qui rejetait l’accord obtenu par le Premier ministre britannique, et proposait que le Royaume-Uni reste au sein de l’Union douanière et du marché commun. Ce vote n’a de valeur que symbolique, mais indique, une fois de plus, l’écart entre le gouvernement britannique – Tory – et les gouvernements autonomes de ces nations, ici, l’exécutif gallois travailliste.

En Écosse, on est tout aussi préoccupé par les retombés économiques de la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Selon Gilles Leydier :

Le débat autour des enjeux économiques résultant du Brexit s’est déroulé en Écosse dans un contexte politique particulier, en raison notamment du vote largement majoritaire exprimé par les Écossais en faveur du « Remain » ; mais aussi de la revendication exprimée par le gouvernement nationaliste d’un traitement spécifique du cas écossais dans le cadre des négociations engagées avec les institutions européennes ; et, enfin, de la question posée par le rapatriement des compétences exercées conjointement par l’UE et les institutions décentralisées vers le territoire britannique.

Sa contribution « analyse comment les enjeux économiques ont alimenté le débat politique autour de l’autonomie écossaise au sein du Royaume-Uni et de la perspective indépendantiste, dans un climat général d’incertitude et d’inquiétudes multiples face aux conséquences attendues du Brexit. »

  • 12 Marie-Claire Considère-Charon, « Brexit à l’irlandaise : vers la remilitarisation de la frontière ? (…)

En Irlande du nord, la situation est compliquée par d’autres facteurs. Philippe Cauvet analyse les retombées constitutionnelles et politiques du résultat du référendum britannique dans ce territoire en des termes qui replacent le débat dans la longue durée. La frontière entre le Royaume-Uni et l’Irlande, seule frontière terrestre de chacun des deux pays, pose des difficultés qui ne sont pas seulement économiques et administratives. Elle reste une question fondamentale depuis l’indépendance de l’Irlande, il y a un siècle. Le Brexit aura des conséquences du Brexit sur les relations entre les communautés en présence, conséquences qui pourraient même aller jusqu’au retour d’un contrôle militaire de la zone frontalière12. Selon Philippe Cauvet, le problème que pose la frontière est dû aux failles inhérentes à l’accord de paix. Ces failles seraient de deux ordres, l’une étant la nature du partage des pouvoirs, qui, au lieu de contribuer à la construction de relations de confiance et d’un consensus, a renforcé la polarisation sectaire en Irlande du nord ; l’autre faille se situant au niveau de la définition constitutionnelle incomplète des rôles du Royaume-Uni et de l’Irlande comme co-garants de l’Accord du Vendredi Saint.

  • 13 European Committee of the Regions, Assessing the exposure of EU27 regions and cities to the UK’s wi (…)

En élargissant la perspective au-delà des régions britanniques, le Brexit ne sera pas sans conséquences pour plusieurs régions européennes ayant un fort niveau d’échanges commerciaux avec le Royaume-Uni. Selon un rapport de mars 2018 par le Conseil européen des régions, à part les régions irlandaises, qui seraient impactées au même niveau que le Royaume-Uni, en raison de leur forte intégration économique, des régions néerlandaises, belges, françaises (la Bretagne et les Hauts-de-France particulièrement dans le domaine de la pêche), mais aussi italiennes et espagnoles, seraient particulièrement exposées aux conséquences économiques du retrait du Royaume-Uni de l’UE. Le rapport détaille les secteurs économiques qui seraient les plus touchées : les secteurs de l’automobile, l’agriculture, l’alimentaire, la chimie et l’industrie13.

Le Brexit et le secteur de la finance

Un secteur en particulier au Royaume-Uni, celui de la finance, a été un des premiers à se soucier des effets du Brexit sur les échanges. C’est ainsi que trois articles se penchent sur les questions financières – en examinant tour à tour l’impact sur la prédominance de la « City » dans la finance mondiale, sur les relations trilatérales Royaume-Uni – Europe – États-Unis, et sur les conséquences monétaires pour l’ensemble.

  • ‘Next Steps in the “Special Relationship” – Impact of a US-UK Free Trade Agreement’, Testimony by D (…)
  • La ville globale – New York – Londres – Tokyo, chez Descartes, 1996. Voir le résumé de son parcours (…)

 « Depuis des décennies, le Royaume-Uni a été le portail stratégique vers l’UE pour les entreprises et institutions financières américaines14 » selon Daniel S. Hamilton, professeur à John Hopkins University, specialiste des relations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis. C’est ainsi que les relations entre les Londres et New York, centres financiers historiques, villes « bi-moteurs de l’économie mondiale » selon l’expression de Saskia Sassen15, sont l’objet de l’article de Martine Azuelos :

Alors que le danger que représente le Brexit pour Londres en tant que place tournante de la finance mondiale a suscité beaucoup d’inquiétudes, ses effets potentiels sur les liens étroits existant entre Londres et New York, et que suggère la création du néologisme « NY-LON », ont fait couler beaucoup moins d’encre. C’est de cette deuxième question que traite cet article, en la replaçant dans le contexte plus large des débats sur la « relation spéciale » entre l’économie du Royaume-Uni et celle des Etats-Unis et sur le rôle des places financières dans le processus de mondialisation. La première partie met l’accent sur la centralité des investissements directs étrangers (IDE) et de la finance dans la relation entre les deux économies nationales et sur le rôle qu’ont joué les deux places de Londres et de New York dans la mondialisation. La deuxième partie définit « l’espace de flux » constitué par les deux villes globales jumelles et les fondements institutionnels qui sous-tendent ces flux en s’attachant à démontrer que la mondialisation est « enchâssée » dans l’espace que constitue NY-LON et dans les institutions qui s’y sont développées. En se fondant sur ce cadre d’analyse, la troisième partie fournit quelques pistes permettant de comprendre quels pourraient être les effets du Brexit sur NY-LON et sur la mondialisation.

Se centrant plutôt sur Londres, l’article de Nicolas Sowels souligne les principaux défis posés par le Brexit aux services financiers basés au Royaume-Uni et les défis qui existent également pour l’Union européenne. Il soutient que :

« les institutions financières ayant anticipé la possibilité d’un Brexit sans accord, les risques les plus graves d’instabilité financière sont moindres. Cependant, à long terme, le Brexit soulève des problèmes réglementaires importants, car l’accès au marché européen fondé sur « l’équivalence » sera beaucoup plus difficile que l’accès automatique actuel fondé sur la reconnaissance mutuelle et les « droits de passeport ». Ce processus engendrera des côuts pour le Royaume-Uni comme pour l’UE. »

Les risques d’instabilité économique pourraient être évitées par la planification, pour l’instant, laissée aux bons soins des entreprises, mais peu assurée par le gouvernement, préoccupé par l’obtention d’un accord sur les conditions de sortie.

  • 16 Report by the Comptroller General and Auditor General. Cabinet Office: Civil Contingencies Secretar (…)

À partir de juin 2018 – certains diront tardivement – le gouvernement a affecté un nombre important de fonctionnaires (6,000) à cette tâche, nommée ‘Operation Yellowhammer’, à laquelle 1.5 milliard de livres sterling ont été alloués. Devant la possibilité grandissante d’une sortie sans accord avec l’UE, un rapport établi par les services d’audit, publié en mars 2019, fait état des zones de risques de perturbation pour lesquels des plans devaient être mis en œuvre : les transports, les frontières (personnes et marchandises), la santé, l’énergie (et autres industries « critiques », dont les télécommunications), l’alimentation et l’eau, les britanniques dans l’UE, le droit, la finance, l’Irlande du nord, les territoires outre-mer et dépendances britanniques (y compris Gibraltar), la sécurité nationale16. On notera que plusieurs de ces domaines (droit, santé, finance, Irlande du nord) font l’objet d’analyses dans ce numéro.

Adoptant encore cette double perspective d’analyse des conséquences intérieures et extérieures de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, Christian Aubin et Ibrahima Diouf analysent « Les conséquences monétaires du Brexit » pour le Royaume-Uni, pour l’Union européenne, et pour la zone euro :

« Même si le Royaume-Uni n’appartient pas à la zone euro, le Brexit a des conséquences monétaires qui ne doivent pas être ignorées. Les inquiétudes liées à la sortie de l’UE ont fortement affecté la monnaie britannique. L’impact prévisible du Brexit sur l’activité économique conduit la Banque d’Angleterre à adapter sa politique monétaire pour arbitrer entre stabilité monétaire et stabilité réelle. Enfin, la fragmentation financière induite par le Brexit peut entraîner un dysfonctionnement de la zone euro. »

Dans cette perspective, peut-on encore parler d’une économie « nationale » ? Le discours politique concernant la question de souveraineté nationale semble bien faible lorsqu’on se rend compte de cette imbrication des économies. Le paradoxe réel que l’ensemble de ces contributions souligne est celui de la difficile réconciliation entre, d’une part, l’indépendance et la souveraineté nationale, et, d’autre part, l’interdépendance et les échanges commerciaux dans l’économie mondialisée, et, en fin de compte, entre le politique et l’économique.

Notes:

1 Voir par exemple, Dominic Sandbrook, dans le quotidien conservateur, le Daily Mail, 31 janvier 2011, « The day Britain lost its soul. How decimalisation signalled the demise of a proudly independent nation ».

2 Timothy Whitton (dir.), Le Royaume-Uni de Theresa May, Observatoire de la société britannique, 21, 2018. Signalons également deux numéros de la Revue française de civilsation britannique : Karine Tournier-Sol (dir.) Le Référendum sur le Brexit du 23 juin 2016, Revue française de civilisation britannique, XXII-2, 2017 ; Stéphanie Bory, Fiona Simpkins, Le Brexit et les élections législatives britanniques de 2017, Revue française de civilisation britannique, XXIII-2, 2018.

3 Les coordinateurs de ce numéro adressent leurs remerciements aux laboratoires MIMMOC (EA 3812) et CECOJI (EA 7353) de l’Université de Poitiers, au Centre de recherches en civilisation britannique (CRECIB) et aux collègues qui ont participé à la journée d’études tenue à la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Poitiers (USR 3565).

4 Les auteurs des articles dans ce numéro se trouvent dans la même position – bien moins grave certes – que les britanniques, chefs d’entreprise, simples citoyens, vacanciers, qui ont dû remettre sans cesse des décisions importantes devant l’impossibilité de prédire l’avenir ou de savoir quelle réglementation sera en vigueur à court ou à moyen terme.

5 https://www.theguardian.com/politics/2018/dec/30/food-prices-to-finance-what-a-no-deal-brexit-could-mean-for-britain.

6 Mike Hawes, président de la Society of Motor Manufacturers and Traders, Colin Stanbridge, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Londres, The Guardian, 15 janvier 2019 ; Tom Enders, Airbus CEO urges UK decision makers to avoid no-deal Brexit, Airbus, 24 January 2019, https://www.airbus.com/search.video.html?page=3&lang=en&newsroom=true.

7 https://www.bls.gov/emp/ep_table_201.htm.

8 Peter Walker and Anushka Asthana, « Second Brexit analysis leak shows harm of tighter migration rules », The Guardian, 31 janvier 2018.

9 Ian Jack, « North to south, the seeds of division in Brexit Britain were sown long ago », The Guardian, 2 février 2019.

10  Sur Londres, voir Berbéri, C., « Londres : une ville plus favorable à l’euro que les autres villes du Royaume-Uni ? », Observatoire de la société britannique [En ligne], 11 | 2011, http://journals.openedition.org/osb/1187 ; DOI : 10.4000/osb.1187.

11 Site officiel de l’exécutif gallois : What impact will Brexit have on the Welsh economy? 13 April 2018, https://seneddresearch.blog/2018/04/13/what-impact-will-brexit-have-on-the-welsh-economy/. ″The scenario simulations reveal that Brexit will lead to the imposition of costs, either through the imposition of tariffs or the loss of preferential access to the single market. The impact on the Welsh economy will be felt via reductions in GDP, GDP per capita, trade, investment and employment. The least costly outcome for Wales is if the status quo can be held to for as long as possible. The next best or next least worst is the conclusion of a CETA type agreement by the EU. The most costly is a Brexit based on WTO rules.

12 Marie-Claire Considère-Charon, « Brexit à l’irlandaise : vers la remilitarisation de la frontière ? », Observatoire de la société britannique [En ligne], 22 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2019, consulté le 02 mars 2019. URL : http://journals.openedition.org/osb/2721; DOI : 10.4000/osb.2721.

13 European Committee of the Regions, Assessing the exposure of EU27 regions and cities to the UK’s withdrawal from the European Union, ECON Commission, 14 March 2018.

14 ‘Next Steps in the “Special Relationship” – Impact of a US-UK Free Trade Agreement’, Testimony by Dr. Daniel S. Hamilton, U.S. House of Representatives, Joint Hearing by the Subcommittee on Terrorism, Non-Proliferation and Trade Subcommittee on Europe, Eurasia and Emerging Threats of the Committee on Foreign Affairs, February 1, 2017, p. 4.

15 La ville globale – New York – Londres – Tokyo, chez Descartes, 1996. Voir le résumé de son parcours dans l’éloge prononcé lors de l’attribution du Doctorat honoris causa à l’Université de Poitiers : https://journals.openedition.org/mimmoc/585.

16 Report by the Comptroller General and Auditor General. Cabinet Office: Civil Contingencies Secretariat. Contingency preparations for exiting the EU with no deal. National Audit Office, HC 2058, 12 March 2019. Suivant le report, en avril 2019, de la date de sortie de l’UE au 1er novembre, les fonctionnaires detaches à la planification des mesures d’urgence ont été renvoyés à leur ministères d’origine, et la planification d’urgence abandonnée. Richard Johnstone, ‘Brexit: Whitehall churn means government may never be as ready again for no deal, says IfG’, Civil Service World, 5 juin 2019.

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Pour citer cet article

Référence papier

Susan Finding, « Introduction
Brexit, souveraineté nationale et mondialisation », Observatoire de la société britannique, 24 | 2019, 15-28.

Référence électronique

Susan Finding, « Introduction
Brexit, souveraineté nationale et mondialisation », Observatoire de la société britannique [En ligne], 24 | 2019, mis en ligne le 01 mai 2020, consulté le 15 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/osb/3146 ; DOI : https://doi.org/10.4000/osb.3146

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Festival of Britain 1951 Journée d’études Bordeaux 8 novembre 2018

Il est des fois que l’actualité rejoint la programmation scientifique. Fin septembre, le Premier ministre, Theresa May, annonçait un Festival qui mettrait en avant les atouts du Royaume-Uni de l’après-Brexit, faisant référence à la Grande Exposition de 1851 et le Festival of Britain de 1951. Or, depuis près d’un an, des collègues de l’Université Bordeaux-Montaigne prépare une journée d’étude réunissant des collègues historiens et anglicistes autour du Festival de 1951.

Londres et le « Festival of Britain »  1951, le jeudi 8 novembre 2018, a l’ Université Bordeaux-Montaigne (9h30-12h30 : salle G 101; 14h30-16h30 : amphi Cirot), organisée par Moya Jones (Dept. d’Anglais) et Philippe Chassaigne (Dept. d’Histoire) avec le soutien de l’EA 2958, CEMMC.
Festival of Britain (pdf du programme).
Les communications feront l’objet d’une publication en 2019 dans un prochain numéro des Cahiers du MIMMOC (revue open.édition).

Bristol politics & national politics

Observatoire de la société britannique, n°20, janvier 2018, has just come out.It contains the papers that were first presented at the CRECIB workshop S52 “Leadership politics in the United Kingdom’s local government” at the ESSE Galway Conference in Galway in August 2016. (Please scroll down to find my contribution).

Le Royaume-Uni et le monde (sous la direction de Flavien Bardet)

Flavien Bardet Présentation

Trevor Harris Foreign policy in an age of austerity: ‘soft power’, hard choices

Agnès Détourbe Les universités britanniques et leur rapport au monde : les enjeux de l’internationalisation de la population étudiante Flavien Bardet 1914-2014 : Europe-monde arabe, cent ans de choc des civilisations ?

Leadership politics in the United Kingdom’s local government (sous la direction de Stéphanie Bory & Timothy Whitton) Stéphanie Bory & Timothy Whitton  Introduction

Susan Finding Bristol fashion?  Leadership and local politics in England and the power of democratically-elected mayors: an epiphenomenon or a national trend?

Timothy Whitton Leadership in London: from government to governance

Stéphanie Bory From Rhodri Morgan to Carwyn Jones, two different styles of leadership  

Varia  Domenico Maria Bruni A leader at war: Margaret Thatcher and the Falklands crisis of 1982

Pour recevoir directement ce numéro, merci d’adresser un courrier accompagné d’un chèque de 12 euros (prix au numéro, frais de port compris), libellé à l’ordre de l’Agent comptable de l’Université de Toulon, à l’adresse ci-dessous Gilles Leydier, Directeur de la publication Revue « L’Observatoire de la société britannique », UFR Lettres, langues & Sciences Humaines, Université de Toulon, 83041 Toulon cédex 9 ****************************** Les précédents numéros de « L’Observatoire de la société britannique » sont disponibles en ligne sur le portail revues.org à l’adresse http://osb.revues.org

________________________________________________________________

In it is to be found the article I first gave as a paper in Galway : ‘Bristol fashion?  Leadership and local politics in England and the power of democratically-elected mayors: an epiphenomenon or a national trend?’

 

In 2012 Bristol, one of the top English cities, on a par with Manchester in terms of population, elected its first democratically-elected mayor. To lead its council, Bristol elected not a member of one of the traditional politcal parties, but George Ferguson, local businessman and political novice, leader and sole member of Bristol First, the localist party he founded.

 

 

 

This paper will examine how local politics in Bristol have been influenced by the introduction of direct democracy in mayoral elections in England and whether the Bristol case is a blueprint demonstrating how local politics are independent from the national level and new leadership styles and issues or whether Bristol merely reflects the general trend in the sixteen remaining directly-elected city mayoralties.

(2016 Local elections)

This article follows a previous one on the instigation and early history of the directly-elected mayor in Britain : Susan FINDING, « Who governs Britain – Democracy in action? Directly Elected Mayors in England », Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain [En ligne], 14 | 2015, mis en ligne le 28 août 2015, consulté le 29 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/mimmoc/2288 ; DOI : 10.4000/mimmoc.2288

Approches historiques comparées de la précarité (France/Angleterre)

Colloque international Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers (CECOJI et IDP) & University of Cambridge

 

Approches franco-britanniques de la précarité :principe(s)  droit(s)  pratique(s)
Franco-British Perspectives on Precariousness :Principle(s) – Law(s) – Practice(s)
4 et 5 décembre 2014 Salle de conférences MSHS – Bâtiment A55, rue Théodore LEFEBVRE 86000 POITIERS
Introduction : Approches historiques comparées de la précarité (France/Angleterre)
Michel BOUDOT ERDP (EA, 1230) Equipe de recherche en droit privé, Université de Poitiers
Susan FINDING   MIMMOC (EA 3812) Mémoires, Identités, Marginalités dans le Monde Occidental Contemporain, Université de Poitiers
Le but de nos interventions était de déterminer les usages linguistiques des termes “précaire”,“précarité”, “précairement” en France, “precarious”, “precariousness”, “precarity” au Royaume – Uni. Dans la première partie de cette communication, nous nous intéresserons à l’évolution historique du précaire à la précarité en droit français, quand dans une seconde partie, nous montrerons que le couple precariousness / precarity s’est chargé d’une dimension politique, de moins en moins technique, par laquelle l’usage du terme n’est pas seulement qualificatif d’une situation donnée, mais prescriptif des moyens pour y remédier au risque de confondre analyse scientifique et diatribe politique. Il est remarquable de constater que dans nos deux langues, la précarité / precariouness (et vérification faite, il en va aussi de la precarietà italienne) ont connu des trajectoires très semblables, et ce que nous pouvons dire d’une langue vaut très largement pour l’autre depuis le droit romain.

« Quatre mariages et un enterrement » – La politique familiale et la théorie du genre au Royaume-Uni

Après une brève intervention sur LCI le 4 février 2014 dans l’émission de Michel Field dédiée aux politiques familiales en France et ailleurs, après le report par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault du projet de loi sur la famille, un rappel des principaux points concernant les questions de l’égalité des sexes, de l’éducation sexuelle, de la procréation médicalement assistée et du mariage gay au Royaume-Uni semble utile.

Depuis la loi de 1967, l’IVG est permise jusqu’à 24 semaines de grossesse, mais il est conseillé de le pratiquer avant 12 semaines. La suggestion de baisser la durée de la grossesse à 12 semaines en 2012, faite par le ministre de la santé, Jeremy Hunt, fut rejetée par la profession médicale et par ses propres collègues femmes au sein du gouvernement conservateur, y compris la ministre de l’Intérieur, Teresa May.

La loi de 1967 a été votée lors des réformes sociales initiées par le gouvernement travailliste sous Harold Wilson, en même temps que d’autres lois anti-discriminatoires promouvant l’égalité quel que soit le genre, l’orientation sexuelle, ou l’origine ethnique. En même temps la censure de la production artistique et les lois sur le divorce furent également repensées. Des lois pour promouvoir l’égalité des chances dans l’éducation, de salaire, de protection de l’emploi, ont progressivement été introduites et une commission parlementaire permanente pour l’égalité et les droits de l’homme (2006), veille à l’application de ces droits et à l’extension des domaines réglementés. Les lois anti-discriminatoires furent étendus à la religion et aux croyances, et à l’orientation sexuelle en 2006-2007.

Á peine dix ans après les réformes sociales des années soixante, la première bébé éprouvette au monde, Louise Brown, est née au nord de l’Angleterre (1978) et la procréation médicalement assistée devient possible dans le système de santé publique britannique. Toutefois elle reste moins pratiquée qu’en France, où deux fois plus de procédures sont lancées. L’utilisation de cellules humaines (cellules souches) dans la recherche médicale, et éventuellement pour la reproduction (cloning ou PMA) à des fins médicaux, a été débattu par la chambre des Lords en 2002.

Ce fut le gouvernement travailliste de Tony Blair qui introduit le PACS (loi de 2005, application depuis 2006) mais le gouvernement de David Cameron qui présida au vote sur le mariage gay en 2013, et ce, malgré une rébellion de nombre des députés conservateurs qui ont voté contre ce projet de loi et une pétition signée par 600000 personnes de confession chrétienne. Alors que la société britannique évolue, le parti conservateur a dû se moderniser en acceptant les nouvelles formes de famille (couples hétérosexuels non-mariés, familles recomposées, familles monoparentales, familles d’homosexuels, familles peu nombreuses ).

Ces questions sont devenues tellement pertinentes que les séries de télévision populaires les ont intégrées à leur storyboard – la mort en janvier 2014, d’un caractère de Coronation Street (ITV, 10 millions de spectateurs par émission), bien que centrée sur la question du droit de mourir, concerne le premier personnage transsexuel permanente dans l’histoire de la télévision (Hayley Cropper, née Harold Paterson) apparue sur les écrans en 1998.

La procréation assistée et les mères porteuses sont juridiquement protégées – et l’adoption par les couples du même sexe est devenue possible depuis la loi de 2002, loi qui permettait aux agences d’adoption catholique de ne pas l’offrir. Un des homosexuels les plus en vue au Royaume-Uni, anobli par la Reine, participe à toutes les célébrations royales : Sir Elton John, marié et père de deux enfants adoptés, nés d’une mère porteuse, a fait son coming out dès 1976.

L’orientation sexuelle et l’enseignement avait déjà fait débat dans les années quatre-vingt lorsque le gouvernement de Margaret Thatcher avait interdit la « promotion de l’homosexualité » dans les établissements scolaires publiques (1988). L’article de loi en question (Section 28 du Local Government Act) fut annulée en 2000 en Écosse, et en 2003 dans le reste du Royaume-Uni. Aujourd’hui, on reconnaît l’existence et la part des homosexuels dans la société britannique.

L’éducation sexuelle obligatoire fut l’objet de débats au parlement britannique en janvier 2014 avant d’être rejetée par la Chambre des Lords. L’éducation sexuelle fait partie de l’enseignement optionnel dans le cursus secondaire, mais devant le nombre élévé de grossesses d’adolescentes (45 conceptions pour 1000 filles de moins de 18 ans, la plus forte en Europe), et des cas qui ont fait la une des journaux à sensation (Baby-faced Alfie Patten is father at 13), de nombreuses mesures sont prises pour essayer d’endiguer ce problème de santé publique (dangers pour la mère et l’enfant) dont l’impact sur la vie des jeunes mères (scolarisation interrompue, pauvreté et exclusion sociale) (voir à ce propos l’ouvrage de Fabienne Portier-Lecoq, Sexualité et maternité des adolescentes : voix anglaises et écossaises, Rennes, PUR, Collection des Sociétés, novembre 2009, 329 p.)

Mais les opinions varient sur l’âge à laquelle un enfant doit recevoir de tels enseignements, si cela ne relève pas du domaine privé, si l’enfant ne doit pas rester ‘innocent’, ou encore, comment protéger les enfants de sites internet pornographiques. La presse écrite, notamment The Daily Telegraph et The Guardian, a relayé et parfois initié ces débats non-partisans.