Quel conte d’hiver pour Ophélie?

Dans « Hamlet en montagne » (L’heure présente), Yves Bonnefoy rend hommage à la frêle Ophélie. Quand l’être délaissé se dessaisit de lui-même et se jette en avant. Extrait d’un conte d’hiver sans retrouvailles, sans renaissance.

« C’est Ophélie. Elle est assise sur une pierre, son parapluie auprès d’elle, la tête penchée sur une sorte de sac à main dans lequel elle cherche, avec une visible inquiétude. Bien peu vêtue, presque nue, cette jeune fille, une pauvre robe trouée de laine noire comme prise au hasard à quelque réveil dans un trop grand rêve. Va-t-elle tirer de son sac, abîmés, flétris, le fenouil, le romarin, l’ancolie que le poète a voulu qu’elle offre au monde qui n’entend rien et ne comprend pas? Mais non, tout brusquement elle se relève et la tête toujours penchée, le sac et le parapluie serrés maintenant contre son corps, se jette en avant, un peu titubante. Où va-t-elle? Qu’a-t-elle dit? Où dois-je aller, désormais? »

Yves Bonnefoy, « Hamlet en montagne », dans L’heure présente (Mercure de France, 2011).