Produire en France : quel rôle pour les collectivités territoriales ?

Le CNER organisait le 20 mars dernier un colloque sur ce thème d’actualité nationale et tentait ainsi d’apporter des réponses locales afin de résoudre les problèmes de la réindustrialisation, de l’amélioration de la balance commerciale et de la résorbtion du chômage (vaste programme !). L’idée sous-jacente pour ce faire serait alors de plaider pour une plus grande décentralisation de la politique économique (en s’inspirant là-encore du modèle allemand) afin d’améliorer la compétitivité nationale.

Outre Jean-Louis LEVET (Economiste et Conseiller auprès du CGI) qui a plaidé pour une nouvelle fiscalité de l’investissement et de la transition écologique, de nombreux exemples ont été présentés mettant en exergue les réussites locales : la Cosmétic Valley (qui existait bien avant la création de la politique des Pôles de Compétitivité), le cluster aéronautique autour de TURBOMECA prés de Pau ou bien encore le « modèle » Vendéen de développement économique principalement basé sur des réussites de PME/PMI fortement densifiées sur un territoire rural où l’emploi agricole représente encore 7 % du total.

On a pû entendre aussi lors de ce colloque Alain ROUSSET (Président de la Région Aquitaine et Président de l’ARF) plaider pour une suppression des départements et des sous-préfecture ainsi que pour un renforcement du pouvoir des régions et des Agglomérations et Métropoles.

Mais c’est sans conteste l’intervention de Pierre VELTZ (Economiste et PDG de l’Etablissement public de Paris-Saclay) qui fût la plus remarquable. En effet, non sans une légère ironie il relevait quelques élèments du paradoxe français : la morosité ambiante de notre pays vivant une mutation profonde de relève générationnelle impliquant pourtant une forte activité, une société Unitaire (versus l’Allemagne) par nature jacobine mais fortement décentralisée et dotée d’un système Métropolitain dont Paris serait le Hub, une classe politique à la fois nationale et locale, et enfin une économie fondée sur les grands groupes mais composée à plus de 90 % de PME/PMI.

Pour Pierre VELTZ le maintien d’une industrie manufacturière en France est vitale et se fera par une transition du modèle national colbertiste vers un modèle territoriale darwinien. Les enjeux généraux de l’économie seront tournés vers l’innovation et la qualité par une différenciation au niveau mondial induit par un bon positionnement dans la chaîne de valeur (ce qui veut dire d’accepter de « délocaliser » parfois …) et donc par l’acception de la nécessaire concentration d’activités. Dès lors le « jeu » territorial sera d’accepter d’être à la fois Unitaire et Décentralisé !

Il terminait son intervention par 4 raisons de jouer la décentralisation :

  1. nous évoluons dans un contexte de restructuration et de transition permanente ou tout territoire, tout acteur, est placé dans un processus extrêmement mouvant ou l’anticipation serait le maître-mot.
  2. on note de plus en plus l’importance cruciale du cadre de vie et de la qualité de vie des activités nomades pour … « bien vivre » et donc se pose la question de l’économie résidentielle versus le développement économique.
  3. l’économie n’est pas que de l’économie : c’est aussi de la sociologie, de la politique, ce sont aussi des externalités. Afin de maximiser la performance collective et la capacité de projet du territoire il faut prendre en compte 2 types d’écologie :
    • l’écologie des savoirs qui circulent au milieu des territoires
    • l’écologie des relations à l’interieur et entre les firmes
  4. les territoires sont les grands laboratoires de l’économie redoublée ou les secteurs qui « montent » sont anthropocentrés : mobilité, santé, habitat, éducation, …

Si la croissance des 30 glorieuses était fortement liée à l’urbanisation, notre croissance future passera trés certainement par le couple Métropole/Région. Sans dénier la structure Unitaire de notre pays, Pierre VELTZ plaide pour la fin des oppositions stériles entre le national et les territoires. Chiche !

A lire : la Fondation Jean Jaurès vient de publier  un ouvrage collectif coordonnée par Jean-Louis LEVET et qui est disponible depuis le 25 mars : Réindustrialisation, j’écris ton nom