Je vous propose aujourd’hui de présenter autrement les chiffres sur les décès en Espagne, en France et en Italie, en calculant des taux de mortalité : il s’agit pour cela de diviser le nombre de décès pour une région ou un pays par le nombre d’habitants de cette même entité. Étant donné que le nombre de décès est très faible par rapport au nombre d’habitants, je ne vais pas raisonner en pourcentage, mais en décès par million d’habitants.
Il ne s’agit que d’une autre façon de présenter les chiffres : jusqu’à présent, je proposais le plus souvent de situer une région en rapportant son poids dans les décès à son poids dans la population. Or, ce ratio est aussi égal au taux de mortalité de la région considérée divisé par le taux de mortalité moyen. Un ratio de 2 par exemple signifie que la région en question pèse deux fois plus dans les décès que dans la population ; il signifie aussi que le taux de mortalité de la région est le double de celui observé dans l’ensemble de référence. Mais je pressens que présenter les taux de mortalité retiendra plus votre attention.
A l’échelle des trois pays de mon échantillon, les différences sont sensibles : à la date du 5 avril, on compte 278 décès par million d’habitant en Espagne, 263 en Italie et “seulement” 88 en France. Attention cependant à ne pas surinterpréter ces résultats : la comptabilité française que j’exploite (la seule qui permette des traitements à la région) se limite aux décès en hôpital. En comptant l’ensemble des décès, les différences sont en partie atténuées. Pour preuve, à l’échelle du pays, si j’ajoute aux chiffres des hôpitaux les décès actuellement recensés dans les Ehpad (un peu plus de 2 000 au 5 avril, ma prévision n’était pas trop mauvaise), le taux de mortalité français passe à 120.
Le point sur lequel je souhaitais insister : les moyennes nationales masquent de très fortes variations régionales. Je vous présente ci-dessous un tableau assez long, qui reprend les taux de mortalité pour les régions espagnoles (en vert), françaises (en bleu) et italienne (en noir) et les valeurs nationales (en rouge). Les régions et pays sont classés des taux de mortalité les plus élevés aux taux les plus faibles.
Seules deux régions ne comptent aucun décès (la Guyane et la Réunion). Les taux varient ensuite de 7 décès par million d’habitants pour Mayotte à 885 décès par million d’habitants pour la Lombardie. Une région comme Grand Est pâtit d’un taux de mortalité proche des moyennes espagnoles et italiennes. En France métropolitaine, la région la moins touchée est la Nouvelle-Aquitaine, dont le taux de mortalité est plus de 13 fois plus faible que celui de Grand Est, région au taux le plus fort. Le ratio entre la région la plus touchée d’Italie (la Lombardie) et celle la moins touchée (la Sicile) est de 38 pour 1. Pour l’Espagne, il est de 32 pour 1 entre la région de Madrid et Melilla.
Pour finir, notons que j’aurais pu intercaler dans ce classement les départements français. Ce qui aurait permis de constater que les départements les plus touchés sont près des taux de mortalité de la Lombardie et de la région de Madrid, avec un taux de 616 pour le Haut-Rhin et de 614 pour le Territoire de Belfort. Les Vosges et la Moselle arrivent ensuite, avec un taux pratiquement deux fois moindre de 325.