Comment améliorer de 8% la réussite des étudiants sans effort?

Réponse : en espaçant les examens.

C’est ce qui ressort de cette étude sur données américaines de Ian Fillmore et Devin G. Pope, qui s’intéresse au lien entre fatigue cognitive et performance : les étudiants qui passent deux examens à 10 jours d’intervalle ont 8% de chance en plus de les valider que ceux qui les passent à une journée d’intervalle. Je garde cette idée en tête pour l’organisation des examens de fin d’année.

Résumé : In many education and work environments, economic agents must perform several mental tasks in a short period of time. As with physical fatigue, it is likely that cognitive fatigue can occur and affect performance if a series of mental tasks are scheduled close together. In this paper, we identify the impact of time between cognitive tasks on performance in a particular context: the taking of Advanced Placement (AP) exams by high-school students. We exploit the fact that AP exam dates change from year to year, so that students who take two subject exams in one year may have a different number of days between the exams than students who take the same two exams in a different year. We find strong evidence that a shorter amount of time between exams is associated with lower scores, particularly on the second exam. Our estimates suggest that students who take exams with 10 days of separation are 8% more likely to pass both exams than students who take the same two exams with only 1 day of separation.

 

La triste histoire des bacs professionnels : supplément au Monde

L’éditorial du Monde daté de demain nous raconte la triste histoire des bacs professionnels. J’en rajoute une couche, car l’histoire est encore plus triste que ce que nous dit le Monde et j’aime bien faire pleurer dans les chaumières.

Le Monde nous dit que le bac professionnel est en apparence une réussite, 188 000 jeunes l’ont obtenu en 2012, ce qui a permis de tenir l’objectif de 80% d’une classe d’âge au bac. 47% souhaitent poursuivre dans le supérieur, soit en BTS, soit en IUT.

Sauf que, c’est là que l’histoire triste commence, ils ne parviennent que difficilement à accéder à ces formations courtes professionnalisantes, leur route étant barrée par les autres bacheliers (notamment en IUT, c’est moins vrai en BTS). Dépités, ils se tournent donc vers les filières universitaires hors IUT (car je rappelle que les IUT sont des filières universitaires) où ils échouent lamentablement, n’étant pas du tout préparés à ce type d’étude. Deuxième et dernière étape de l’histoire triste contée par le Monde.

Comme promis, je vous raconte le troisième épisode, oublié par le Monde, qui rend l’histoire encore plus triste : les autres bacheliers qui s’inscrivent dans les filières courtes professionnalisantes, qui barrent donc la route aux bacs pro, que font-ils une fois leur diplôme en poche? Ils vont sur le marché du travail? Que nenni! Côté IUT (je n’ai pas les chiffres, sensiblement inférieur je pense pour les BTS), 60 à 80% bifurquent vers les filières longues des universités! On forme donc en IUT des personnes dans l’optique qu’elles aillent rapidement sur le marché du travail, mais elles n’y vont pas. Pendant ce temps, ceux qui voudraient une formation courte du supérieur pour y accéder ne peuvent pas y aller.

On peut poursuivre encore un peu : en plus des bacs pro, les autres bacheliers aux dossiers les plus faibles, qui voudraient aussi accéder aux IUT/BTS pour faire des études courtes et entrer sur le marché du travail, voient tout autant leur route barrée. Ils viennent donc échouer sur les bancs de la fac. D’où le taux d’échec constaté. Plutôt que de remédier à l’organisation calamiteuse du système d’ensemble, on explique aux filières universitaires hors IUT que ça va pas, on injecte de l’argent (plan licence, tout ça), on se désespère un peu partout, côté étudiants qui échouent, côté enseignants-chercheurs qui ne savent pas gérer ce type de public mal préparé et qui n’a pas envie d’être là, côté parents qui s’arrachent les cheveux, etc.

Ce n’est pas la triste histoire des bacs professionnels : c’est la triste histoire de l’organisation du système de l’enseignement supérieur… Et encore, je n’ai pas parlé des classes prépas et des écoles, ni, en amont, de la triste histoire de l’orientation après le collège… J’aime bien faire pleurer dans les chaumières, mais pas trop quand même…

Enseignant, que penses-tu de l’échec de tes élèves?

Reportage intéressant vu hier dans le cadre du journal de France 2, ce qui est plutôt rare. Les deux choses, je veux dire : que je regarde un JT sur France 2, d’une part, que j’y vois un reportage intéressant, d’autre part.

Bon, il faut dire qu’il s’agissait d’un reportage sur les résultats des travaux de deux chercheurs poitevins, Jean-Claude Croizet et Frédérique Autin, membres du CeRCA, laboratoire de psychologie cognitive. Le résultat de leur étude est simple et puissant, je trouve : l’échec est une étape normale du processus d’apprentissage, apprendre prend du temps et nécessite d’avoir des difficultés, si on explique cela aux enfants, autrement dit si on banalise l’échec, leurs résultats s’en trouvent améliorés. Pas sûr que ce genre de résultat soit intégré par les enseignants, quel que soit le niveau d’étude, d’ailleurs…

Dans le reportage, Jean-Claude Croizet développe avec pas mal d’humour, en prenant l’exemple de l’apprentissage du vélo, qui se fait hors cadre scolaire : lorsqu’on apprend à son enfant à faire du vélo, on est tolérant, on ne s’inquiète pas de l’échec, on le considère comme normal, on ne compare pas la vitesse d’apprentissage de son enfant par rapport à celle des autres, etc. Résultat? Tous les enfant apprennent avec succès à faire du vélo. Gageons que si l’apprentissage du vélo se faisait à l’école pas mal d’enfants ne sauraient jamais en faire…

L’article scientifique est disponible ici, je vous mets le résumé ci-dessous. Voir aussi cet article du Figaro qui a inspiré le reportage de France 2, ou encore cet article du Huffington Post, toujours sur la même expérience (merci à Jean-Claude Croizet pour tous ces éléments).

Résumé :

Working memory capacity, our ability to manage incoming information for processing purposes, predicts achievement on a wide range of intellectual abilities. Three randomized experiments (N = 310) tested the effectiveness of a brief psychological intervention designed to boost working memory efficiency (i.e., state working memory capacity) by alleviating concerns about incompetence subtly generated by demanding tasks. Sixth graders either received or did not receive a prior 10-min intervention designed to reframe metacognitive interpretation of difficulty as indicative of learning rather than of self- limitation. The intervention improved children’s working memory span and reading comprehension and also reduced the accessibility of self-related thoughts of incompetence. These findings demonstrate that constructing a psychologically safe environment through reframing metacognitive interpretation of subjective difficulty can allow children to express their full cognitive potential.

Des quotas en classe préparatoire pour les meilleurs élèves…

Je découvre dans le Monde que François Hollande propose de fixer des quotas pour permettre un plus large accès aux classes préparatoires. Extraits :

“Dans tous les lycées de France, quels qu’ils soient, une part des élèves de terminale devront aller dans les classes préparatoires aux grandes écoles sans qu’il y ait de système particulier. Ça peut être 5 à 6 % des élèves”.

(…) Cette mesure est inspirée d’une proposition de loi défendue en 2005 entre autres par le député de l’Essonne Manuel Valls, qui proposait que “les meilleurs élèves de chaque lycée de France auraient un droit d’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles et aux premières années des établissements qui sélectionnent à l’entrée (Instituts d’études politiques ou Dauphine par exemple)”, en fixant le poucentage de ces élèves à 6 %.

Je vous avoue qu’à chaque fois que je lis ce type de propos, les bras m’en tombent… C’est que, vous comprenez, je suis prof à l’Université, alors entendre qu’il faut que les meilleurs élèves aillent dans les grandes écoles ou dans les établissements qui sélectionnent à l’entrée, parce que quand même c’est tellement mieux, c’est à pleurer… Le problème, c’est que notre élite politique, de droite comme de gauche, est issue de ces grandes écoles. Comment, dès lors, attendre qu’ils fassent bouger le système ?

Une suggestion? Lisez les travaux des chercheurs. Sur le sujet évoqué dans l’article, je vous conseille cet article de Marie Duru-Bellat et Annick Kieffer, très complet. Je vais reprendre la conclusion, tiens, car on dirait que c’est une réponse à l’article du Monde…

Promouvoir l’égalité des chances ne peut se limiter à jouer à la marge sur les processus de sélection dans les filières d’« élite » par différents systèmes de discrimination positive (comme les procédures d’admission spéciale pour les élèves des lycées défavorisés) alors que, par définition, celles-ci resteront toujours quantitativement restreintes.

Il conviendrait de jouer bien en amont, sur les inégalités de réussite précoce et donc sur les chances d’accéder aux voies scolaires les mieux adaptées à ces filières (en l’occurrence l’accès aux baccalauréats généraux). De multiples actions en aval sont bien sûr concevables, telles que favoriser les formations tout au long de la vie qui sont, en France, particulièrement rares, ce qui donne encore plus de portée aux inégalités scellées très tôt dans l’éducation initiale.

Dis-moi, l’enseignant, que penses-tu de tes élèves?

Comme un enseignant-chercheur est un enseignant, comme j’utilise intensivement Internet dans mon activité professionnelle, j’ai suivi avec intérêt le débat initié par cet article intitulé “comment j’ai pourri le web”. L’auteur, un enseignant, explique comment il a piégé ses élèves en postant sur internet des documents qu’ils ont ensuite utilisé pour faire leurs devoirs. Il conclut par une dénonciation du web. Les réactions ont été nombreuses et convaincantes, je trouve. Elles sont rassemblées ici.

Grâce à cette polémique, j’ai découvert, via @TotoroInParis sur Twitter, un article intéressant de Vinciane Despret visible ici. J’y ai découvert l’expérience intéressante de Robert Rosenthal relatée en introduction, résumée également sur Wikipédia à la rubrique “effet Pygmalion”.

Je ne résiste pas à l’envie de vous la faire partager. Que tous les profs la lisent. Y compris, et peut-être surtout, dans les Universités françaises…

Au milieu des années 1960, Robert Rosenthal, professeur de psychologie dans une université américaine, demande à ses étudiants de réaliser, dans le cadre de leurs travaux pratiques, une expérimentation portant sur les compétences d’apprentissage de rats. Ces rats, leur annonce-t-il, ne sont pas n’importe quels rats : d’une part, ils sont prêtés par une prestigieuse université, celle de Berkeley ; ils sont, d’autre part, le produit d’un long et minutieux processus de sélection basé sur leurs aptitudes au test du labyrinthe.

Quelques années auparavant, en effet, des scientifiques avaient conduit une recherche sur l’hérédité de l’intelligence : les rats les plus brillants aux tests avaient été soigneusement croisés entre eux, les plus médiocres également, et l’on avait évalué les performances de leurs descendants, au cours de plusieurs générations. Les résultats avaient montré une modification des courbes d’apprentissage au fur et à mesure que le temps passait, jusqu’à un effet de plateau. Cet effet stabilisé, plus personne n’avait continué à travailler avec ces rats, mais l’équipe de chercheurs avait veillé à garder quelques spécimens en continuant le processus de sélection, et ce, en vue d’une éventuelle recherche future. C’est à celle-ci que Rosenthal propose à ses étudiants de s’atteler : il s’agirait alors de remettre ces rats à l’épreuve du labyrinthe, et d’évaluer si les descendants de la lignée brillante peuvent montrer de bonnes performances, et si ceux issus de la souche médiocre le sont encore. Les étudiants sont répartis en groupes de deux et chaque équipe est ainsi invitée à évaluer les performances d’un rat dont ils connaissent, d’avance, l’origine. Le travail consiste donc à vérifier si les performances des rats sont en accord avec ce qu’on peut prédire en fonction de sa lignée originaire. Les prédictions s’avérèrent : les rats descendants de rats intelligents l’étaient encore, les autres présentèrent toutes les difficultés d’apprentissage que l’on pouvait attendre d’eux.

C’était justement là le problème : ces rats ont fait tout ce qu’on pouvait attendre d’eux. Car ces rats intelligents ou idiots n’étaient, ni les uns ni les autres, les descendants de lignées soigneusement sélectionnées pour leurs compétences ; ils n’avaient pas d’ancêtres prestigieux à Berkeley. C’étaient, selon les termes de Rosenthal, des rats « naïfs », achetés pour l’occasion à l’animalerie la plus proche. (source).

quels sujets intéressent les étudiants d’économie? (épisode 2)

Première séance du cours « Problèmes économiques et sociaux contemporains » en première année de Licence lundi dernier. J’en
ai profité pour refaire un petit sondage express auprès des étudiants présents, le même que l’an passé, où je leur demandais de choisir et de hiérarchiser 4 thèmes parmi 5 : crise, développement durable, dette, mondialisation, pouvoir d’achat.

Sur la base des résultats de 2010 et 2011, j’ai fait quelques stats. Sur l’ensemble des choix, d’abord :

ensemble des choix

2010

2011

Total

CRISE

22%

24%

23%

DETTE

20%

19%

20%

DEVELOPPEMENT DURABLE

16%

16%

16%

MONDIALISATION

20%

20%

20%

POUVOIR D’ACHAT

21%

21%

21%

 

Les choix ont peu évolué entre les deux années, l’item « développement durable » est toujours en retrait, la
« crise » est toujours légèrement en tête.

Sur le premier choix, ensuite :

choix 1

2010

2011

Total

CRISE

26%

24%

25%

DETTE

13%

16%

15%

DEVELOPPEMENT DURABLE

15%

13%

14%

MONDIALISATION

17%

33%

25%

POUVOIR D’ACHAT

29%

14%

22%

TOTAL

100%

100%

100%

 

Evolution significative, cette fois : la question du pouvoir d’achat intéresse moins la promotion 2011 que la promotion 2010 et
inversement pour la question de la mondialisation. Les parts des autres thèmes sont plutôt stables.

quels sujets intéressent les étudiants d’économie?

Première séance du cours “Problèmes économiques et sociaux contemporains” en première année de Licence lundi dernier. J’en ai profité
pour faire un petit sondage express auprès des étudiants présents : ayant prévu de traiter cinq thèmes, mais n’étant pas sûr d’avoir le temps de les traiter tous les cinq, je leur ai demandé
de m’indiquer sur une feuille au maximum quatre des cinq thèmes qu’ils aimeraient voir traiter, en les hiérarchisant.

Voici quelques statistiques sur la base de leurs réponses :

Thème

Premier choix

Ensemble des choix

CRISE

22

68

CROISSANCE, DECROISSANCE, DEVELOPPEMENT DURABLE

13

50

DETTE

11

61

MONDIALISATION

15

62

POUVOIR D’ACHAT

25

65

NON REPONSE

0

38

Total général

86

344

 

Je m’attendais plutôt à voir ressortir le thème « croissance, décroissance et développement durable » et/ou le thème
« Mondialisation », mais en fait, il n’en n’est rien : c’est la crise et la question du pouvoir d’achat qui retiennent surtout leur attention. Si l’on regarde l’ensemble des
réponses, le thème « croissance, décroissance et développement durable » est nettement en dessous.

Je leur ai également demandé d’indiquer leur sexe (Homme/Femme), leur série de bac, et s’ils étaient redoublant ou non. Quelques petits
tests statistiques plus tard (tests du Chi²), on observe qu’il n’existe pas d’effet de genre, ni d’effet « série du bac », ni d’effet « redoublant ».

Pouvoir d’achat -mise à jour

mise à jour en fin de message

Retour de vacances. Préparation d’un nouveau cours “Problèmes économiques et sociaux contemporains” pour les premières années de
Licence de Sciences Economiques. Premier thème que je pense aborder : le pouvoir d’achat. Il permet d’introduire pas mal de problématiques (revenu,  inégalités de revenu, croissance,
inflation, redistribution, etc.). Je pense que je vais commencer par présenter cette vidéo :

 

 

Avec, bien sûr, un exercice associé (niveau facile) : cherchez l’erreur dans la chanson (vous justifierez votre réponse, je modère les
commentaires temporairement, pour vous laisser le temps de jouer).

Certains s’impatientent, ils voudraient la réponse, mais je ne peux pas encore la publier : les étudiants de L1 vont devoir
jouer, je ne veux pas qu’ils trichent… Je publie juste les commentaires qui ne contiennent pas la bonne réponse. Beaucoup ont vu juste, résultat des courses d’ici une
quinzaine.

Les jeunes n’aiment pas les entreprises?

C’est une idée assez récurrente, les jeunes n’aiment pas l’entreprise, et c’est une
raison invoquée par Positive Entreprise
pour demander une réforme des programmes d’économie. J’avais indiqué ici qu’une enquête de l’Association Positive Entreprise elle-même montrait pourtant que 74% des
jeunes avaient une opinion positive de l’entreprise. Résultats convergents dans une enquête réalisée en 
juin 2006 par l’IPSOS et l’Association
Jeunesse et entreprises
, auprès d’un millier de jeunes de 16 à 26 ans, pour partie des jeunes actifs, pour partie des étudiants/lycéens (merci à Virginie pour l’info). Voici la diapo :

 



D’autres résultats intéressants dans cette enquête, et d’autres enquêtes intéressantes, sur le site de l’AJE.