Made in France et Made in Monde : de nouveaux chiffres

J’en ai parlé à plusieurs reprises (ici, et ) , la comptabilité traditionnelle des échanges extérieurs masque très largement la tendance croissante à la fragmentation des processus productifs. Petite illustration : une entreprise localisée en France exporte une voiture vers l’Allemagne, d’une valeur de 100. Dans la comptabilité traditionnelle, on comptera +100 pour les exportations françaises vers l’Allemagne dans le secteur automobile. Considérons maintenant la fragmentation des processus productifs : pour fabriquer cette voiture, l’entreprise importe des composants d’autres pays, par exemple des pays d’Europe Centrale et Orientale, disons de Slovaquie. Supposons que ces composants importés soient d’une valeur de 40. Une comptabilité en valeur ajoutée affectera +60 d’exportations de la France vers l’Allemagne et +40 d’exportations de la Slovaquie vers l’Allemagne. Supposons en outre que pour fabriquer cette voiture, l’entreprise achète des services à des entreprises localisées en France (design, recherche, communication, etc.), disons pour une valeur de +20. Dans la comptabilité traditionnelle, on compte +100 d’exportations de la France vers l’Allemagne dans le secteur automobile. Dans la comptabilité en valeur ajoutée, on comptera +60 d’exportations, dont +40 pour le secteur automobile et +20 pour les secteurs des services aux entreprises. On le voit, notre perception de la géographie des échanges et des secteurs exportateurs peut en être sensiblement modifiée.

L’OCDE et l’OMC se sont emparés du sujet depuis quelques temps. Ils viennent de mettre en ligne des données très intéressantes sur le sujet (merci à Xavier Desray pour l’info!), ainsi que des synthèses par pays. Ce document, notamment, montre ce que cela change pour la France : le déficit commercial vis-à-vis des Etats-Unis est sensiblement réduit, passant de 27 à 18 milliards de dollars. Idem, dans une moindre mesure, avec la Chine : le déficit passe de 12,3 milliards de dollars avec la comptabilité traditionnelle à 9,8 milliards avec la comptabilité en valeur ajoutée.

Une analyse non plus géographique mais sectorielle permet de souligner un autre point essentiel, qui ne va pas trop plaire aux obsédés de l’industrie mais que voulez-vous, c’est la vie : la France exporte essentiellement des services, qui sont incorporés dans les biens manufacturés. Dans l’ensemble des exportations brutes, la part des services est de 55%.

S’agissant des Etats-Unis, son déficit vis-à-vis de la Chine est réduit de 25%, au profit de l’Allemagne, du Japon et de la Corée du Sud. Les services pèsent 56% des exportations. Quant à l’Allemagne, son déficit commercial vis-à-vis des Etats-Unis se transforme en excédent avec cette nouvelle comptabilité. Les services pèsent également beaucoup dans leurs exportations, avec une part de 49%.

Ce serait bien que les politiques français, à l’échelle nationale comme à l’échelle régionale, s’emparent de ces chiffres et modifient leurs politiques : plutôt que de prôner à longueur de discours le Made in France et de mettre en place des observatoires des relocalisations qui ne serviront strictement à rien, ils devraient prendre acte de cette fragmentation des processus productifs et s’interroger sur le positionnement des entreprises françaises dans les chaînes de valeur ajoutée déployées à l’échelle mondiale. Quels sont nos avantages comparatifs? Comment les renforcer? Comment se rendre indispensable sur certains créneaux, afin de pérenniser ces avantages? Dans le même sens, je leur conseille d’analyser l’ensemble des secteurs, de regarder d’un oeil neuf le secteur des services, de sortir de leur obsession pour l’industrie.

Je sais : c’est pas gagné…

2 commentaires sur “Made in France et Made in Monde : de nouveaux chiffres

  1. Bonjour,
    Merci pour le billet et le lien.
    N’étant pas du domaine je ne sais pas si ma remarque est pertinente.
    Constat : 55% de services dans les exportations françaises en volume.
    Ne faudrait-il pas plutôt considérer la part dans la valeur ajoutée exportée (au lieu du volume) ?
    Si j’ai compris la base de données présente sur le site, on obtient alors 50,25% en 2009. Ouf on dépasse 50% et comme en 2008, c’est 48,5% il y a peut être une tendance à l’augmentation…

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