Accroître la dégressivité des indemnités chômage

La question de la dégressivité des indemnités chômage refait surface, avec ce rapport de la Cour des Comptes : le système français est peu dégressif, du fait du plafond d’indemnisation très élevé du chômage, plus de 6000€ en France, contre autour de 2000€ en Belgique et en Allemagne.

J’avais évoqué cette question lors de l’affaire Domenech, qui se retrouvait à toucher, après l’épopée glorieuse de l’équipe de France, autour de 5600€ nets mensuels d’indemnités chômage. Les Econoclastes s’interrogent sur la pertinence d’une baisse du plafond, en renvoyant notamment à cet article de la Tribune : la baisse du plafond devrait s’accompagner d’une baisse des cotisations des cadres, or ils contribuent beaucoup et bénéficient peu des indemnités car is sont très peu exposés au chômage. Par sûr que l’on y gagne, nous dit le journaliste…

Comme toujours sur ce sujet, je renvoie à l’excellent article des Ecopublix, qui montrait qu’une proportion non négligeable des personnes à très haut salaire attendaient le dernier moment pour reprendre un emploi, contrairement aux personnes à salaire plus faible. Logique : ces personnes à très haut salaire peuvent très vite retrouver un emploi, elles peuvent s’accorder entre deux jobs une bonne pause en vivant d’allocations généreuses et retouner à l’emploi lorsque l’allocation s’arrête (je force le trait, je ne dis pas que 100% de ces personnes font ça). Ce rapport du CERC, datant de 2005, évoquait déjà cette question. A l’époque, une baisse du plafond à 1500€ aurait concerné 14,6% des allocataires ; une baisse du plafond à 1800€ en aurait concerné 8%.  A 3000€, on tombait à une proportion de 2,3%. A l’époque toujours, le passage à un plafond de 1500€ aurait conduit à une économie pour l’Unedic de 2,75 milliards d’euros par an. Somme non négligeable, potentiellement mobilisable pour accompagner les personnes à l’inverse très exposées au risque de chômage.

Bref, compte-tenu de ces éléments, une baisse du plafond d’indemnisation en France me semble une mesure plutôt adaptée. Ni miraculeuse, ni révolutionnaire, mais plutôt adaptée : bien calibrée, elle permettrait de réduire ces comportements opportunistes et de se doter de moyens financiers supplémentaires pour former les personnes les moins qualifiées par exemple.

Mesure plutôt adaptée qui ne sera pas prise, bien sûr, car comme le dit le député socialiste Jean-Jacques Germain cité par Le Monde : “Surtout en temps de crise, il n’y aurait rien de pire que de toucher aux droits des chômeurs. (…) S’il y a un déficit qu’il faut accepter, c’est celui-là.” Je me demande ce que Jean-Jacques Germain pensait du montant des indemnités perçues par Raymond Domenech, il y a deux ans…

10 commentaires sur “Accroître la dégressivité des indemnités chômage

  1. Votre raisonnement me parait un peu court en faisant l’impasse sur les coûts d’opportunité. Tout d’abord il faut bien comprendre qu’on ne parle pas en l’occurrence de cadres moyens mais de cadre supérieurs (d’après les chiffres de salaires et les pourcentages cités). On parle donc de personnes avec une expérience significative de responsabilité dans un domaine précis. Leur valeur ajouté dans l’économie est lié à cette expérience rare et pour laquelle le marché est très étroit.

    Leur temps de recherche plus long que la moyenne est en grande partie lié à l’étroitesse de leur marché du travail – un poste de directeur marketing dans le secteur du logiciel de conception industriel par exemple, ça ne se libère pas tous les jours. Si on leur donne une forte incitation à sortir rapidement du chômage il vont certes probablement réagir à cette incitation mais en acceptant un poste moins rémunéré et pour lequel ils seront surqualifés. Cela a à mon avis des coût externes non négligeables:
    – pertes de qualification progressive de la personne => perte de capital humain
    – perte de valeur ajouté pour l’ensemble de la société car à ce nouveau poste sa valeur ajouté sera inférieure
    – Les effets pervers de la substituabilité asymétrique: perte d’opportunité pour une autre personne dont il occupe le poste et donc potentiellement surqualification en chaine: un cadre supérieur prend un poste de cadre moyen, du coup le cadre moyen qui aurait pu prendre ce poste prend un poste de cadre débutant, le cadre débutant prend un poste de technicien, le technicien un poste d’ouvrier qualifié etc. jusqu’à une personne sans qualification qui se retrouve au chômage.
    – baisse de la qualité globale de management puisque les cadres supérieurs ont une expérience correspondant moins bien à leur fonction.

    Bref, cette mesure aura pour conséquence de réduire la qualité de l’appariement sur le marché des cadres supérieurs ce qui peut avoir des coûts de long terme non négligeables.

    Bien sûr on pourra objecter que le cadre peut accepter un poste temporaire pour maintenir une rémunération supérieure à son indemnité tout en continuant à rechercher ailleurs… Sauf que dans la réalité ça se passe pas toujours comme ça, certaines décision sont difficilement réversibles (mobilité géographique) et que les entreprises n’aiment pas beaucoup recruter des cadres versatiles donc une expérience courte dans un cv est un très mauvais signal.

    • L’un des résultats de l’étude citée par Ecopublix plaide plutôt pour mon interprétation : les très hauts salaires sortent du chômage juste au moment de la fin de leurs droits (voir le pic sur la courbe).

  2. “Leur temps de recherche plus long que la moyenne est en grande partie lié à l’étroitesse de leur marché du travail ”

    Ouaf ouaf.

    Sérieux, laisser le temps à l’appariement de se faire, c’est un bon calcul; mais des compétences de haut niveau pour lesquelles on a vraiment besoin de deux ans pour retrouver un poste pertinent, y en a sûrement, mais je doute que ça soit très significatif.

  3. Compte tenu de leurs salaires qu’ils se prennent nue assurance privee ou qu’ils fassent un peu d’economies….
    Et ne baissons pas leurs cotisations.
    On ne veut pas capper les salaires pour des raisons ideoligues (parler de confiscation…quand il reste a la personne le salaire d’une vie d’un smicard..me donne des envies de meurtre). cappons au moins leurs revenus de ‘solidarite’.
    Vu qu’ils n’en ont aucune a moins de les forcer.
    Et qu’ils partent si ils trouvent ailleurs, personne n’est irremplacable, et certainement pas des capitaines d’insdustrie du vent genre publicite ou luxe.

  4. @Stephane : il faut lire les articles et se servir de son cerveau : le plafond de l’indemnité chômage est d’environs 6000€ d’après l’article, ceux qui gagnent l’équivalent d’une vie de SMIC en un an ne sont pas vraiment concernés…

    Par contre, vous avez tout à fait identifié les effets qu’une baisse des indemnités aura sur les cadres : même les gens qui gagnent 5000€ par mois dépensent la majeure partie de leur salaire en dépenses “incompressibles” (logement, factures, impôts, etc). Donc fixer un maximum à 1800€/mois signifie qu’en cas de chômage, s’ils n’ont que leurs indemnités, leur niveau de vie sera très affecté (devoir changer de logement quand on est au chômage n’est pas plus acceptable pour un cadre que pour un ouvrier). Et pour s’en prémunir, ils se tourneront vers la seule solution : épargner encore plus pour se mettre à l’abri du besoin.

    Ca ne serait pas totalement aberrant si nous n’étions pas en pleine crise économique, dont l’une des causes est que tout le monde cherche à épargner en même temps, freinant ainsi lourdement la consommation !

    Il n’y a pas si longtemps, le FMI a reconnu s’être planté en encourageant l’austérité, parce qu’ils avaient sous-évalué l’effet multiplicateur de la chute des dépenses publiques sur les dépenses privées (si, quand l’état ne dépense pas 1 milliard, le privé cesse de dépenser 3 milliards, alors l’effet est désastreux pour l’économie). Je pense que cette mesure du plafond sur les indemnités des cadres peut avoir un très fort effet multiplicatif : comme cela a été dit, les cadres sont peu touchés par le chômage et donc ne coûtent pas très cher à l’assurance chômage, mais s’ils augmentent leur taux d’épargne par peur du lendemain ça peut avoir un impact non négligeable.

    Un deuxième effet pervers peut aussi se produire quand les assurances d’état sont utilisées pour faire de la redistribution à outrance (alors que ce n’est pas leur rôle…) : au lieu de simplement les compléter avec des assurances privées, certains les abandonnent pour passer complètement au privé. Tous les ingénieurs freelance en informatique que je connais ont fait domicilier leur activité au Luxembourg, car pour les freelance cotiser au régime de retraite français coûte très cher et rapporte très peu (beaucoup moins qu’à un salarié à cotisations égales), et le seul moyen de cotiser à un régime privé est de se domicilier ailleurs.

    • Il me semble quand même que 1) l’argument sur le faible taux de chômage des cadres trouve réponse dans l’article et que 2) changer de logement est souvent, quand même, sensiblement plus acceptable pour un cadre que pour un ouvrier. C’est pas agréable, c’est sûr, mais passer de 100m2 à 60 pour une famille de 4, par exemple, c’est quand même plus jouable que passer de 60 à 40. Ou plutôt, quitter le centre-ville pour la proche banlieue ou un quartier moins chic, c’est moins pénalisant que quitter la proche banlieue pour la lointaine banlieue.

      • 1) Cet article dit que ce n’est pas parce que les cadres ont un faible taux de chômage, et coûtent peu cher, qu’il ne faut pas chercher à faire des économies en évitant les effets d’aubaines dont quelques-uns semblent profiter. C’est une position tout à fait louable, mais j’ai juste l’impression qu’en supprimant un effet d’aubaine (certes pas très moral) qui ne concerne que quelques profiteurs, on va :
        – faire augmenter en réaction le taux d’épargne de la totalité des cadres, ce qui peut causer un manque à gagner important pour l’état et l’économie, préjudiciable en ce moment où la demande globale des ménages est atone,
        – mettre dans des situations très délicates ceux qui se retrouvent au chômage et ont réellement du mal à retrouver un emploi (spécialistes techniques notamment). Ca rejoint le point 2) : vous trouvez ça normal, pour un chômeur quel qu’il soit, de devoir consacrer son énergie à changer de logement (procédure de vente, déménagement, changement d’école des enfants, etc) en même temps qu’il cherche un nouvel emploi ? Le but d’une assurance chômage n’est elle pas justement de maintenir le niveau de rémunération nécessaire au chômeur pour qu’il puisse se consacrer à sa recherche d’emploi ou sa formation ? (une fois encore, qu’on gagne 2000 ou 5000€/mois, perdre 20% de son salaire permet de conserver son cadre de vie en taillant dans le “superflu” genre les vacances, mais perdre 60% non…)

        Une fois encore, mon propos n’est absolument pas de justifier les enf**** qui se prennent une année sabbatique aux frais de la princesse, mais de demander si le remède proposé n’est pas pire que le mal.

  5. > : il faut lire les articles et se servir de son cerveau : le plafond de l’indemnité chômage est d’environs 6000€ d’après l’article, ceux qui gagnent l’équivalent d’une vie de SMIC en un an ne sont pas vraiment concernés…

    6000euros au chomage.
    Soit 12000 euros par mois de revenus.
    144000 euros par an.

    Ok juste 8 ans de smig…. pas concernes vous dites…la bonne blague

  6. à Olivier Bouba Olga
    Plutôt que de jeter l’opprobre sur l’encadrement car il n’est JAMAIS agréable de se retrouver chômeur, c’est une épreuve que j’ai rencontrée et mal vécue.
    L’analyse purement comptable que vous faite est beaucoup trop réductrice pour déboucher sur votre conclusion aux conséquences sociales économiques et politiques désastreuses.
    Il serait sans doute plus intéressant de penser financement des fonds sociaux par les entreprises plutôt que nouvelle réduction des droits des chômeurs.

  7. Un faux problème.

    Un demandeur d’emploi qui refuse 2 offres “raisonnables” successives est radié et ne perçoit plus l’indemnisation du chômage. Le problème de ceux qui ne chercheraient pas de travail parce qu’ils préfèreraient d’abord épuiser leurs droits à indemnisation est donc un faux problème.

    ils ne peuvent se permettre cela que parce que Pôle Emploi ne leur propose rien. Et si Pôle Emploi ne leur propose rien c’est parce que les entreprises n’ont aucun mal à recruter. Il n’y a donc aucune perte en création de richesses pour l’économie. Aucun emploi ne peut rester vacant parce que les chômeurs qui ont la chance d’être indemnisés préfèreraient d’abord épuiser leurs droits à indemnisation.

    L’armée des chômeurs non indemnisés est d’ailleurs, de notoriété publique, suffisamment nombreuse pour pourvoir toutes les offres plutôt deux fois qu’une. Et les 18-25 ans, de loin la tranche d’âge la plus massivement frappée par le fléau, ne sont pas en position de refuser une offre quelle qu’elle soit car ils n’ont droit à rien, même pas au RSA.

    Oui mais alors pourquoi les cadres supérieurs retrouvent-ils aussi vite du travail quand ils arrivent en fin de droit ? Je ne vois que deux explications possibles :

    1) certains disparaissent des statistiques du chômage non pas parce qu’ils ont retrouvé du travail mais parce qu’ils ont cessé de pointer, vu que cela ne leur sert plus à rien.

    2) Ils sont obligés de “rabaisser leurs exigences” comme Pôle Emploi leur serine sans cesse de le faire. Autrement dit ils ne parviennent à retrouver du travail qu’aux dépends des chômeurs issus des catègories socio-professionnelles inférieures.

    Dans les deux cas, ce n’est ni en raccourcissant encore la durée d’indemnisation ni en réintroduisant la dégressivité qu’on va améliorer les choses.

    D’ailleurs on pourrait faire le bilan de la dégressivité, qui a déjà existé. Je ne me souviens pas que les promesses de baisse du chômage que nous avaient faites ses initiateurs aient été tenues.

Répondre à Anonyme Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *