L’insolente pertinence d’un article du Monde…

Via Ceteris Paribus, je découvre, dans un article du Monde, un morceau d’anthologie journalistique. Titre de l’article : “selon une étude, le pouvoir d’achat des allemands est intact depuis vingt ans”. Début de l’article :

Comme si l’insolente santé du marché de l’emploi, de l’industrie et des comptes publics allemands ne suffisait déjà pas, une étude enfonce le clou mardi 24 juillet en soulignant que l’introduction de l’euro n’a pas entamé le pouvoir d’achat outre-Rhin. Aujourd’hui comme il y a vingt ans, une bière vaut trois minutes de travail en Allemagne.

 Je signale au journaliste du Monde qui s’est fendu de ce passage qu’un objectif économique essentiel n’est pas que le pouvoir d’achat “soit intact”, autrement dit qu’il stagne, mais plutôt qu’il augmente! Faire de cette stagnation un signe supplémentaire de “l’insolente santé” de l’économie allemande est… impressionnant…

Petit complément : je suis allé regarder rapidement sur le site d’Eurostat, pour chercher de l’info sur le pouvoir d’achat dans quelques pays, pouvoir d’achat traditionnellement mesuré par le PIB réel par habitant. Le pouvoir d’achat d’un indice 100 en 1995 en Allemagne est passé à un indice de 124 en 2011, soit une hausse de 24% sur la période. Pendant ce temps, la France a connu une croissance de 18% et l’UE à 15 de 23%. Le graphique ci-dessous permet de se faire une meilleure idée de ces évolutions :

Conclusion : i) le pouvoir d’achat allemand ne stagne pas sur la période, mais il augmente, et c’est heureux pour les allemands, ii) cette évolution allemande n’a rien d’insolente, elle est en deçà de la moyenne de l’UE à 15 sauf en toute fin de période.

10 commentaires sur “L’insolente pertinence d’un article du Monde…

  1. On peut tire d’autres informations du graphique présenté :
    1) le PIB réel à baissé pour tous après le début de la crise des subprimes.
    2) à partir de 2009 le PIB a augmenté presque 2 fois plus vite (à vue d’oeil) que pour les autres, tout ceci grâce un excédent d’exportation massif et un gestion budgétaire stricte.

    On peut se demander si les augmentations de PIB des autres pays ne sont pas liés à un usage immodéré du déficit budgétaire (cf nos “amis” grecs et maintenant espagnols et leurs folles dépenses), d’où la situation actuelle des PIGS, acronyme auquel il conviendra bientôt d’ajouter un F.

    Morale de l’histoire: la rigueur de gestion et le sérieux ne sont pas ennemis de la croissance du PIB (et du pouvoir d’achat, si j’ai bien suivi le sens de l’article).
    Mais surtout ne parlons pas de “rigueur”, le mot est banni sous nos latitudes 🙂

  2. A la décharge du Monde, vous ne citez pas un “article” du Monde, mais une brève (220 mots) paru sur lemonde.fr, signée : lemonde.fr avec AFP. Ceci signifie qu’il s’agit d’une brève reprise d’une dépèche d’agence. On peut déplorer l’absence de recul et d’analyse, mais en l’occurence, ce type de brève sert à répercuter rapidement sur le site Internet une nouvelle du fil AFP, en l’occurence, tout le monde (tout Le Monde ?) sera d’accord avec vous, très peu pertinente.
    La charge contre les journalistes (“anthologie journalistique”) me paraît donc, dans le cas présent, un peu excessive. ;-))

    • disons donc que c’est l’AFP qui dit n’importe quoi et Le Monde relaie ce n’importe quoi sans se poser de question… pas très glorieux tout ça!

  3. Que d’une manière général PIB et pouvoir d’achat soit équivalent se défend tout à fait : Dans toute économie qui redistribue aux salariés les gains économiques, c’est vrai. Mais là on parle de l’Allemagne, et il est communément admis il me semble, que l’Allemagne a depuis 10 ans renforcé sa compétitivité en réduisant les salaires/le coût du travail ce qui a été fort efficace, et est la raison principal de l’augmentation de ses exportations. Il me semble qu’il est communément admis aussi que l’Allemagne n’a pas lâché prise sur les salaires sur cette période pour éviter de remettre en cause ce gain de compétitivité. En particulier les stats les plus récentes sont celle d’un dérapage du coût du travail en France, et justement pas en Allemagne.
    Donc, le graph plus haut me semble parfaitement refléter l’évolution des exportations allemandes à travers leur influence sur le PIB, augmentation, récession en 2009, rebond fort ensuite. Mais pas le pouvoir d’achat des Allemands, beaucoup plus en berne. Je peux me tromper, mais dans ce cas, je suis tout à fait preneur de l’explication du pourquoi et de qui exactement dans la population allemande a été gagnant de la période récente en pouvoir d’achat.

    • En support à mon commentaire, ci-dessous un lien où Krugman commente l’évolution des coûts du travail en Europe sur 2009-2011, et constate qu’il a moins augmenté en Allemagne que la moyenne de la zone euro (EA17 dans le tableau) :
      http://krugman.blogs.nytimes.com/2012/04/25/the-unbearable-slowness-of-internal-devaluation/
      Par contre, c’est la France qui décroche la première place pour leur augmentation, alors même que le PIB a beaucoup moins progressé que l’Allemagne.

    • Petite précision : Il est possible qu’entre France et Allemagne un facteur important de différence de coût du travail soit l’écart de niveau des prélèvements. Mais, les prélèvements sont rapidement redistribués sous la forme de prestations sociales et de salaire des fonctionnaires, donc c’est toujours du salaire, et du pouvoir d’achat.

    • oui, il faudrait compléter avec des stats sur l’évolution des inégalités de revenu en Allemagne, intuitivement, elles ont dû augmentées. Je regarde à l’occasion!

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