Dis-moi, l’enseignant, que penses-tu de tes élèves?

Comme un enseignant-chercheur est un enseignant, comme j’utilise intensivement Internet dans mon activité professionnelle, j’ai suivi avec intérêt le débat initié par cet article intitulé “comment j’ai pourri le web”. L’auteur, un enseignant, explique comment il a piégé ses élèves en postant sur internet des documents qu’ils ont ensuite utilisé pour faire leurs devoirs. Il conclut par une dénonciation du web. Les réactions ont été nombreuses et convaincantes, je trouve. Elles sont rassemblées ici.

Grâce à cette polémique, j’ai découvert, via @TotoroInParis sur Twitter, un article intéressant de Vinciane Despret visible ici. J’y ai découvert l’expérience intéressante de Robert Rosenthal relatée en introduction, résumée également sur Wikipédia à la rubrique “effet Pygmalion”.

Je ne résiste pas à l’envie de vous la faire partager. Que tous les profs la lisent. Y compris, et peut-être surtout, dans les Universités françaises…

Au milieu des années 1960, Robert Rosenthal, professeur de psychologie dans une université américaine, demande à ses étudiants de réaliser, dans le cadre de leurs travaux pratiques, une expérimentation portant sur les compétences d’apprentissage de rats. Ces rats, leur annonce-t-il, ne sont pas n’importe quels rats : d’une part, ils sont prêtés par une prestigieuse université, celle de Berkeley ; ils sont, d’autre part, le produit d’un long et minutieux processus de sélection basé sur leurs aptitudes au test du labyrinthe.

Quelques années auparavant, en effet, des scientifiques avaient conduit une recherche sur l’hérédité de l’intelligence : les rats les plus brillants aux tests avaient été soigneusement croisés entre eux, les plus médiocres également, et l’on avait évalué les performances de leurs descendants, au cours de plusieurs générations. Les résultats avaient montré une modification des courbes d’apprentissage au fur et à mesure que le temps passait, jusqu’à un effet de plateau. Cet effet stabilisé, plus personne n’avait continué à travailler avec ces rats, mais l’équipe de chercheurs avait veillé à garder quelques spécimens en continuant le processus de sélection, et ce, en vue d’une éventuelle recherche future. C’est à celle-ci que Rosenthal propose à ses étudiants de s’atteler : il s’agirait alors de remettre ces rats à l’épreuve du labyrinthe, et d’évaluer si les descendants de la lignée brillante peuvent montrer de bonnes performances, et si ceux issus de la souche médiocre le sont encore. Les étudiants sont répartis en groupes de deux et chaque équipe est ainsi invitée à évaluer les performances d’un rat dont ils connaissent, d’avance, l’origine. Le travail consiste donc à vérifier si les performances des rats sont en accord avec ce qu’on peut prédire en fonction de sa lignée originaire. Les prédictions s’avérèrent : les rats descendants de rats intelligents l’étaient encore, les autres présentèrent toutes les difficultés d’apprentissage que l’on pouvait attendre d’eux.

C’était justement là le problème : ces rats ont fait tout ce qu’on pouvait attendre d’eux. Car ces rats intelligents ou idiots n’étaient, ni les uns ni les autres, les descendants de lignées soigneusement sélectionnées pour leurs compétences ; ils n’avaient pas d’ancêtres prestigieux à Berkeley. C’étaient, selon les termes de Rosenthal, des rats « naïfs », achetés pour l’occasion à l’animalerie la plus proche. (source).

6 commentaires sur “Dis-moi, l’enseignant, que penses-tu de tes élèves?

  1. Pour compléter, cet article sur le même sujet…
    Je viens de réaliser que c’est justement l’expérience de Rosenthal qui y est décrite, cela s’appliquerait donc autant aux managers qu’aux enseignants qu’aux étudiants avec des rats ! 😉

  2. J’ai souvenir d’avoir lu (peut être dans Freakonomics de Dubner et Levitt ou dans Nos phobies économiques des éconoclastes) que l’expérience a été tentée aussi sur des humains.

    Je résume :
    Prenez une classe au hasard, faites passer un test aux élèves et jetez les copies à la poubelle. Répartissez les notes au hasard en disant que ceux qui ont eu d’excellentes notes sont des génies ignorés jusque là.

    Revenez quelques mois plus tard et refaites passer un test analogue mais cette fois vous corrigez les copies. Bingo, les bonnes notes sont pour ceux qui s’étaient vus attribuer les bonnes notes de façon aléatoire.

    Ça rejoint aussi un peu la problématique des prophéties auto-réalisatrices notamment pour les évaluations de performances en entreprise : quand une personne est appréciée on oublie ses erreurs et on sur-valorise ses succès, et inversement pour une personne peu appréciée. La personne appréciée finira par perdre toute motivation puisque quoi qu’elle fasse, elle sera discriminée même si c’est inconscient de la part de celui qui va l’évaluer…

    • Il fallait bien sûr lire :

      La personne *peu* appréciée finira par perdre toute motivation puisque quoi qu’elle fasse, elle sera discriminée même si c’est inconscient de la part de celui qui va l’évaluer…

      • Et si j’avais lu l’article de wikipedia donné en lien, j’aurais pu voir que ce que je raconte au sujet de l’expérience sur des humains était mentionné dans wikipedia.

        Effacez donc mes commentaires sans vergogne, ils n’apportent rien de pertinent comme info à votre billet.

  3. Ping : Incertitudes du plagiat, édition Web | Polit’bistro : des politiques, du café

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