La déstructuration de la recherche française

Je suis atterré par la lecture de cet
article
, où sont repris certains des propos de Jean-François Dhainaut, président de l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (Aeres). Notamment ce passage :

« Pour un certain nombre de régions hors des grandes métropoles, des collaborations serrées seront indispensables pour
atteindre la masse critique qui leur permettra de travailler à armes égales », a prévenu Jean-François Dhainaut, situant un seuil minimum de 500 chercheurs classés A + en dessous
duquel se situent nombre de régions.

Atterré qu’on nous ressorte cet argument de la taillle critique, qui n’a aucun fondement empirique, j’en ai parlé à plusieurs reprises
(voir ici par exemple). Atterré que cet argument soit avancé par le président de l’Aeres,
car compte tenu du rôle de plus en plus important de cette agence, il risque d’avoir de lourdes conséquences. Les acteurs, en effet, réagissent aux incitations. Dès lors que l’agence d’évaluation
affirme que l’avenir passe par des organisations constituées à minima de 500 chercheurs classés A+
, les acteurs vont s’organiser
en conséquence. Je prédis que, dans la plupart des cas, les performances en termes de recherche ne vont pas s’améliorer, mais que les coûts d’organisation interne vont exploser (proposition qui
sera difficile à valider ou à invalider, puisqu’on ne se pose même pas la question du coût des transformations en cours (coût de la mise en place des PRES par exemple), des gains liés à ces
transformations, ni du bilan avantage/coût).

Le gouvernement défend cette ligne stratégique depuis plusieurs années. Les conclusions du rapport Juppé-Rocard semblent indiquer qu’elle fait consensus au sein des partis
de gouvernement (UMP et PS), au moins chez leurs principaux leaders. Il serait bon que certains politiques se réveillent rapidement, par exemple ceux issus des régions disparues de cette carte…

7 commentaires sur “La déstructuration de la recherche française

  1. Mille fois d’accord. et, si je peux me permettre, c’est quand je lis ce genre d’articles que je me félicite de ta position de chargé de mission à la vice-préisidence scientifique de l’Université.

  2. Donc l’éminent Jean-François Dhainaut, président de l’Agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (Aeres), penses que il faut une « taille critique » (comme dans
    les guerres du XVIII il fallait on grand nombre de soldats) dans la recherche.

    Cette opinion savante me réconforte, en effet Albert EINSTEIN, seul dans son petit bureau du service des brevets suisse n’avait pas la taille
    critique
     ! Donc sa théorie de la relativité est sans intérêt (CQFD).

    Heureusement que nous avons en France des « savants » qui nous remette les pendules « relativistes » à l’heure 

    Au fait pour quoi on ne créerait pas une « Agence d’Evaluation du Niveau d’Intelligence Critique » pour être président d’une agence.
    Cette agence là aurait du travail : AERES, AFSSAPS (Médiator l’a tuer) et sûrement bien d’autres !

  3. Ce qui est également atterrant, c’est qu’à la différence des rapports d’établissements, les rapports par académie, consultables ici, n’ont fait
    l’objet d’aucun dialogue contradictoire avec les établissements. Pour l’académie d’Orléans-Tours que je connais bien (),
    on peut lire ainsi page 31 du  rapport (qui porte sur la période 2007-2010, et en réalité sur l’évaluation menée en 2007, je le rappelle) :

    “Au cours de la période 2012-2016, tous les doctorants de la région sont regroupés au sein d’une même école doctorale qui est intitulée Santé, sciences et technologie et qui est portée par
    l’Université de Tours. Il s’agit d’une école
    multidisciplinaire avec dominante sciences du vivant.”

    Ce qui fait de ce rapport un étonnant ouvrage de science fiction .

    Tout à fait d’accord avec Olivier sur les stratégies absurdes auxquelles ces discours béats sur la taille peuvent conduire (pour rappel MIT = environ 10 000 étudiants à peu près répartis 4 000 en
    licence et 6 000 en master/doctorat ; soit une université plus petite que Orléans ; et je pense que Harvard = 25 000 étudiants, doit être de même taille que l’U de Poitiers). Qu’est-ce que,
    concrêtement, signifie la fusion de deux laboratoires distants de 100 km ? La seule chose qui peut rassurer (mais c’est aussi une stratégie absurde) : l’ Etat a transféré aux établissements
    l’attribution de la Prime d’Excellence Scientifique. Cette prime est accordée aux meilleurs chercheurs et enseignants-chercheurs, par l’université (ou l’organisme) dans lequel ils exercent :
    résultat, un bénéficiaire de la PES dans une université X, et bénéficiaire de la PES dans cette université X, qui mute dans une université Y où il y a plus de laboratoires notés A+, risque de
    perdre sa PES (rien ne garantit que l’université Y lui accordera la PES, surtout s’il rentre en concurrence avec de meilleurs chercheurs que lui…). Bref, en l’état, la PES est un frein à la
    mobilité : elle garantit (jusqu’à quand ?) qu’il vaut mieux être premier dans son village que second à Rome.

  4. Cette dictature du A+ est certainement un peu malsaine, d’autant plus qu’il existe de fort différentiels de notations en disciplines. Voir par exemple : http://www.aeres-evaluation.fr/Publications/Analyse-des-evaluations-etudes/Notation-des-unites-de-recherche2/Repartition-des-notes-en-sciences-dures-Vague-D-2010-2103

    J’avais fait aussi une analyse région par région de la production scientifique comparée au potentiels (humain et moyens) de recherche. Il apparait que la correlation est assez bonne, et
    excellente en ce qui concerne les moyens humains. 

    http://rachelgliese.wordpress.com/2010/02/08/les-regions-qui-publient/

    Cela suggère que l’affirmation de Monsieur Dhainaut est très discutable. En réalité la carte des A+ correspond surtout à la carte des organismes de recherche sur le territoire, répartition qui
    est très inégale. Rien à voir avec l’excelelnce scientifique.

  5. On peut prédire l’explosion des coûts, en effet. De mon côté je prédis que cette politique, qui ne vise qu’à améliorer la position de la france dans le classement de Shangai ne va
    rien changer car la France est à sa place (6eme). C’est d’ailleurs bien décrit dans le site du classement qui montre que le pourcentage d’institutions dans le top 500 est presque
    parfaitement corrélé au classement en PIB (% du PIB mondial) : http://www.arwu.org/ARWUAnalysis2009.jsp. Une aussi bonne corrélation (R² de
    0,75 soit un Rho de 0,87) montre que les différences d’organisation de la recherche et ou de l’université entre les pays jouent finalement assez peu.

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