La prime de beauté…



Document de travail plutôt intéressant de Belot, Bhaskar et Van de Ven (CEPR
Discussion Paper n°6276, une version est disponible ici) intitulé « Insidious
Discrimination ? Disentangling the Beauty Premium on a Game Show ». Les auteurs ont travaillé sur les données collectées suite à la diffusion de 69 épisodes du jeu Shafted aux Pays-Bas en 2002. Pour gagner à ce jeu, qui n’est pas sans rapport avec le Maillon Faible, il faut :

1. répondre correctement et rapidement à un ensemble de questions

2. être capable de coopérer avec les autres joueurs (la dernier partie du jeu consiste en un dilemme du
prisonnier
)

3. ne pas être éliminé par les autres joueurs

 Les auteurs s’interrogent sur le rôle de l’apparence physique. Ils montrent que les personnes attrayantes ne répondent pas mieux, en moyenne, aux questions posées, qu’ils
n’ont pas une aptitude supérieure à la coopération, mais qu’ils sont moins souvent éliminés par les autres. Il existe donc une prime à la beauté, qui assure en moyenne des gains multipliés par
deux aux joueurs considérés comme attrayants.

 Cette prime à la beauté n’existe pas seulement dans ce jeu : Hamermesh et Biddle, dans une étude de 1994, montrent qu’une prime d’environ 15% récompense les personnes
physiquement attrayantes sur le marché du travail… Certains ont tenté de rationaliser ce résultat : i) les personnes attrayantes ont plus confiance en elles, elles parviennent mieux à
développer leurs compétences sociales sur leur lieu de travail, ii) causalité inverse : les personnes qui réussissent bien sur le marché du travail ont la possibilité et sont plus incitées à
investir dans leur apparence (plus grande estime de soi), iii) les clients, les autres employés, les responsables aiment “consommer” (consciemment ou inconsciemment) de la beauté, ce qui
expliquerait l’existence d’une telle prime. L’intérêt principal du document de travail cité consiste précisément à montrer que seul le dernier élément semble jouer, d’où l’expression de
“discrimination insidieuse”.

Extrapolation de circonstance : les deux finalistes de dimanche soir ne sont peut-être pas ceux qui ont produit les meilleures réponses aux problèmes que la France doit
régler, ni ceux qui sont le mieux à même de coopérer au sein de l’arène politique, mais seulement ceux que les français ont jugé le plus attrayant…

5 commentaires sur “La prime de beauté…

  1. cette après midi j’ai participé avec une classe de trente élèves de 2nde a un petit débat sur la question “Sommes nous prisonniers de notre apparence ?” chacun devait se ranger dans un des deux camps -oui   ou  -non ; c’était environ 50/50 .
    qu’en penser ?
    dans les arguments avancés pour jusitifier sa position, aucun élève n’a parlé du délit dit “de sale gueule ” dont souffrent tous ceux qui doivent montrer leurs papiers 10 fois par jour, qui n’entrent pas dans certains endroits gardés par des videurs, qui ont moins de réussite aux entretiens d’embauche … pas plus que n’a été vraiment reconnu que chez les jeunes, l’allure et la tenue vestimentaire pouvaient être des critères de ralliement à un groupe.
    très souvent est revenu dans leurs propos le fait que “si on est effectivement plus attiré par certaines personnes d’apparence agréable, on ne fait pas attention qu’à ça et ce qui est au fond de nous, c’est important aussi”   …
    effectivement, ces jeunes n’ont donc pas conscience qu’ils seront eux aussi victimes d’une discrimination vraiment  insidious
     
     

  2. En psychologie, ils l’ont déjà étudié y’a un bail, me semble t’il, avec leurs expériences louches.

    Il faudrait que je demande des détails à une copine qui étudie la psycho, le nom des psychologues… mais en gros :
    – on donne des photos à chaque personne,
    – cette photo est celle d’individus avec qui ils parleront au téléphone, sans les voir, avec qui ils devront avec des conversations,
    – ces photos n’ont strictement rien à voir avec l’apparence véritable de la personne étant au bout du fil.

    Résultat : non seulement les gens sont plus agréables avec les personnes “belles”, mais elles les considèrent comme plus intelligentes, vont plus loin dans les conversations, etc.

    Il est rare de trouver également des individus qui fourniront des traitements égaux malgré l’apparence.
    Si un canon demande à un type du feu ou un renseignement, celui-ci aura largement plus de chance d’être plus serviable, gentil, etc.
    Tandis qu’un laideron total (Sur tous les plans, cumulant tout ce qui peut être considéré comme “laid” dans la société : trop gros, avec une peau affreuse, des yeux de poisson mort, etc.) ne provoquera pas nécessairement la même réaction.

    On attribue également des qualités ou défauts selon les physiques…

    Enfin bref c’est pas nouveau tout ça, mais c’est bien que des économistes découvrent la chose et quantifient un peu les répercussions sur le marché du travail. :oD

    AJC

  3. L’expérience évoquée par AJC est celle de Snyder et Haugen. On peut en trouver la présentation dans le très bon bouquin “Mauvaises réputations” de Croizet et Leyens (A. Colin) p.74-75 et probablement dans de nombreux manuels de psycho.
    Par ailleurs je suis également d’accord pour dire qu’il est bien venu que les économistes s’intéressent aux travaux des psychologues; çà leur permettrait d’abandonner la “psychologie de convention” en vigueur depuis un siècle. Le problème c’est que çà risque de saper les bases du courant dominant . Les psychologues et les sociologues ont beaucoup travaillé sur la capacité à s’accrocher à des idées “fausses” (ou pas si justes que çà).

  4. Merci ROGEL pour la référence… (Je note ça. De retour en France, je pense me pencher un peu plus sur la psycho.)

    Les économistes, depuis Aristote jusqu’à aujourd’hui, furent toujours très diversifiés. (Même s’il y a eu et qu’il y a des périodes où un type d’économie est dominant.)

    Concernant la psychologie, c’est comme pour la sociologie ou l’économie : cela va dépendre également des écoles et théories qui seront utilisées par les économistes afin d’améliorer leurs raisonnements. (Je pense à la psychologie comportementaliste anglo-saxonne qui, si j’ai bien compris, fait des ravages au niveau de cette science “molle”.)

    ‘fin bref. Hayek avait affirmé, si l’on peut croire la Wikipedia là-dessus, qu’un économiste se devait de toucher à tout. Plus précisément :
    “Personne ne saurait être un grand économiste en étant seulement économiste et je suis même tenté d’ajouter qu’un économiste qui n’est qu’économiste peut devenir une gêne, si ce n’est un danger.”

    Contrairement à ce qui est resté de lui dans l’imagerie de beaucoup de gens, il a pas dit que des conneries, Hayek… :oD

    AJC

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