Nouvelle théorie économique

Par Jacques Attali, bien sûr, dans une interview
au JDD
:

proposition 1 : la croissance dépend de l’inflation

Les grands pays qui admettent [que l’inflation] peut atteindre sans risque 5 ou 6% affichent une croissance forte : l’Inde, la Chine, la Russie… En Europe comme
au Japon, c’est l’inverse : nous nous arc-boutons sur un seuil maximum de 2%. Et la croissance est presque nulle.

Qu’il puisse y avoir débat en Europe sur le taux d’inflation acceptable, c’est une chose (voir sur ce point
l’interview de Mundell
). Expliquer, en revanche, la croissance indienne, chinoise, ou russe par l’acceptation d’une inflation à 5 ou 6%, c’est du grand n’importe quoi, la causalité est
inverse : les économies en rattrapage observent en général une augmentation des prix interne, en vertu de l’effet
Balassa
. Et ce qui a été remarquable en Chine, ce n’est pas que l’inflation a produit de la croissance, mais que la croissance de ce pays s’est faite longtemps sans inflation (pour des
raisons expliquées en détail par Françoise Lemoine).


proposition 2 : que je ne sais même pas comment la résumer tellement qu’elle est puissante

Aujourd’hui, l’argent placé rapporte plus -4% en moyenne- que l’argent qu’on gagne en travaillant, qui, lui, ne rapporte que 2% en moyenne. 

Non, c’est vrai, c’est pour ça que les gens ne veulent pas travailler, ils préfèrent épargner leur argent, ça leur rapporte plus…

En fait, je crois qu’Attali a deux grandes qualités : il est capable de dire n’importe quoi de manière brillante. Dès lors, ses interlocuteurs doivent se dire que s’ils ne comprennent rien, c’est
qu’il est beaucoup plus intelligent qu’eux, ce qui les conduit à l’admirer encore plus. Il n’hésite pas non plus à dire tout et son contraire (dans la même interview, il affirme ainsi que les
Etats-Unis “vont au devant d’une récession très profonde qui n’épargnera pas l’Europe”, pour dire quelques lignes plus loin que “tout est en place pour une forte croissance de longue durée de
l’économie mondiale”), si bien qu’après coup, il pourra toujours dire qu’il avait prévu l’évolution de l’économie mondiale, quel que soit le scénario.

15 commentaires sur “Nouvelle théorie économique

  1. attali,  c’ est épouvantable… c’est ce genre de “ mec” qui affame les peuples  et  fait  crever de faim les enfants.Mais quelle importance du moment qu’ il peut s’ écouter parler  et se prendre pour un génie ?…Au PS,  il en reste encore quelqu’ uns,  lorsqu’ ils auront rallié sarkosi, je pourrais adhérer. Tout vient doucement.

  2. @ éconoclaste-sm : on s’en sort pas mal, on s’y colle chacun notre tour sans même se concerter (ah, la main invisible…). Là, le prochain rendez-vous, c’est 15 janvier, date de remise du rapport. Pourquoi Optimum-Belgo s’y collerait pas , puisqu’il n’a plus rien à faire ? ;).

  3. Sur le plan de l’argumentation uniquement (c’est-à-dire sans parler d’économie), je comprends la 1ère proposition comme “le fait qu’ils ne cherchent pas à lutter contre l’inflation leur permet de maintenir une croissance forte”. C’est tout de même différent de “la croissance dépend de l’inflation”.

    Pour la récession/forte croissance, j’interprète ses propos comme “le potentiel est là, mais il manque ceci”, ce qui n’est pas contradictoire avec la récession, si le “ceci” en question n’est pas traité.

    Je ne cherche pas à défendre M.Attali, dont j’ignore parfaitement les compétences en matière d’économie; mais n’est-il pas devenu la cible de choix sur la blogosphère spécialisée (que je lis assidûment, merci à vous) ?

    F

  4. @ F : oui, vous avez raison, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. On  aime bien aussi Eric Le Boucher. Mais, Attali à l’économie, c’est un peu comme Djibril Cissé au football, Richard Clayderman à la musique classique, Paolo Coelho à la philosophie, Jean-Marc Morandini au journalisme, Maïté à la gastronomie…

  5. Je vous trouve quand même un peu dur : il faut vraiment comme vous le faites chercher à entendre des relations causales dans les propos d’Attali là où il n’en évoque aucune.Souvenez-vous qu’il y a encore à peine vingt ans, quiconque au lycée parlait de relations causales entre l’évolution des grands indicateurs économiques prenait une belle correction sur sa copie de lycéen.

  6. @ Liberoidal : quand Attali dit que Chine, Inde, etc… acceptent une inflation à 5 ou 6% et ont une croissance forte, tandis qu’Europe et Japon refusent une inflation à plus de 2% et ont une croissance presque nulle, je vois effectivement quelque chose qui ressemble à une causalité… Ce qu’il affirme sur la Chine est par ailleurs totalement faux, puisque jusque récemment, l’inflation en Chine était très faible. Sur la deuxième proposition, il ne s’agit pas d’une relation de causalité, simplement d’une proposition qui ne veut rien dire.

  7. La seconde affirmation même absconse, ne fait-elle pas référence au fait qu’en France, “les salaires n’ayant augmenté que très lentement depuis les années 90, les placements financiers et l’immobilier sont devenus la première source d’enrichissement des ménages” ? (“La fin du capitalisme patrimonial des ménages ?” in Alternatives Economiques, hors série n°75, 1Trim 2008, spécial “La Finance”.) Logique patrimoniale (dette / investissement), plutôt que logique de carrière ?

  8. Je ne suis toujours pas d’accord avec la causalité de la première proposition.

    C’est comme si je disais que trop vouloir lutter contre la fraude fiscale réduit les recettes finales (coût des contrôles), et que vous en concluiez que les recettes fiscales dépendent de la fraude !

    F

  9. Oui par contre, là dessus, entièrement d’accord, c est incroyable ce qu’on peut entendre comme conneries de la part d’un personnage qui fonde la véracité de ses propos uniquement sur sa personne et sur son background. On connaît par ailleurs le succès économique du double septennat de Mitterrand dont Attali fut le plus proche conseiller,  cela forge la crédibilité…

  10. @ F : d’accord sur la critique de la formulation de ma proposition. Les propos d’Attali n’en sont pas moins infondés : pas d’inflation en Chine jusque récemment + ils y a plus d’inflation dans les pays en développement car éco de rattrapage (inflation comme produit de l’économie plus que comme produit des politiques) + la montée de l’inflation en Chine commence à provoquer des réactions en termes de politique économique.  La causalité sous-entendue par Attali serait plutôt “la croissance passe par l’acceptation d’une inflation plus élevée”, avec pour “démonstration” les cas de la Chine, Inde et Russie, ce qui est faux.

  11. Quand j’étais petit, l’enseignement de l’économie était obligatoire au lycée, en filière sciences du moins. Le truc à la mode à l’époque c’était la théorie des ajustements conjoncturels : un gros état bien jacobin avait des manettes (La fiscalité, la politique monétaire, l’inflation, le contrôle des prix, des salaires, etc.) et des cadrans (le taux de chômage, les taux de change, l’inflation, etc.). La question était de savoir quel cadran allait bouger quand on bougeait telle manette : généralement, c’était compliqué.Il y avait aussi l’idée de “lutter” contre un indicateur mauvais : par exemple, “agir” souvent de manière un peu déloyale pour faire redescendre un thermomètre fâcheux.Hé bien pour les gens comme moi qui ont subi ce que leurs profs nommaient un cours de sciences éco au lycée, aussi  bizarre que ça puisse paraître, les propos d’Attali sont limpides. J’ai bien compris que cette boîte à outils là est passée de mode en fac : reste que c’est celle que la plupart de vos concitoyens comprennent.

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