Vive la faible technologie!



Tous les économistes (moi y compris) ou presque vous le diront : l’avenir économique d’un pays comme la France passe par l’innovation. Là  où je commence  à être moins d’accord, c’est lorsqu’on transforme  la proposition pour nous dire l’avenir d’un pays comme la France passe par  la haute technologie (c’est par exemple ce que préconise explicitement le rapport Beffa, cf. la section p. 18 et s.).

Car les deux propositions ne sont pas identiques : parler de haute technologie, c’est partir d’une approche sectorielle, en retenant comme secteurs clés ceux dont l’intensité technologique (rapport entre les dépenses de R&D et la valeur ajoutée ou la production) est élevée. Il y a donc au moins deux biais liés à l’assimilation innovation – haute technologie :

* l’innovation ne se réduit pas à la recherche : certaines entreprises dans certains secteurs de moyenne ou faible technologie sont très innovantes, sans s’engager pour autant dans des activités amont de R&D. Elles s’appuient sur leur expérience, bénéficient d’effets d’apprentissage, etc… (entreprises des districts industriels, je renvoie pour une illustration à Ma Mondialisation),

* l’entrée sectorielle est réductrice : certaines entreprises bien qu’appartenant à des secteurs de faible ou moyenne technologie s’appuient sur les avancées de la recherche (elles peuvent effectuer elles-mêmes des dépenses importantes de R&D ou nouer des partenariats avec des laboratoires privés/publics de recherche) et se positionnent sur des niches prometteuses. Pour illustrer ce point, je prends souvent l’exemple des textiles techniques, autrement dit d’entreprises d’un secteur de faible technologie (le textile-habillement) pourtant très innovantes (j’en parle un peu dans L’économie de l’entreprise (p. 127-128) pour illustrer la notion de diversification cohérente).

 Or, Le Monde  reprend cette idée dans un article daté du 02/01/07 intitulé "Le textile technique, vecteur de croissance dans un secteur sinistré". On y apprend que l’on fabrique des sièges de bus à partir de  Basalte (roche résistante au feu)  ou encore des coussins-réveil qui s’éclairent progressivement. Dans d’autres documents, j’avais lu que l’on pouvait fabriquer des nez d’avion et des pare-chocs de voiture à partir de textiles techniques ; ainsi que tout type de vêtement intelligent (combinaison  de pompier, vulcanologue,  vêtements sportifs, …) et bien d’autres choses encore (cf. ce document du Sessi sur la filière textile-technique en France qui contient de nombreuses illustrations).

On apprend également dans l’article du Monde que …

… Contrairement à l’industrie du textile, en totale déliquescence depuis plus de dix ans – près de 60 000 emplois perdus -, le textile technique est en plein essor. Il enregistre une croissance de 4 % par an, selon le ministère de l’industrie. Et représente aujourd’hui 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 20 000 salariés, et 1 043 entreprises de plus de 20 salariés. L’activité du textile technique représente 17 % de l’industrie du textile, hissant ainsi la France au deuxième rang des pays européens derrière l’Allemagne.

Bien sûr, le développement des textiles techniques ne permettra pas de créer autant d’emplois que ceux détruits dans le textile-habillement. Les qualifications demandées sont également plus importantes, ce qui pose la question de la formation des personnes. Mais c’est une voie des plus intéressantes pour lutter contre la concurrence des pays low cost dans ce secteur. Plus intéressante que la tentation protectionniste défendue par certains..

14 commentaires sur “Vive la faible technologie!

  1. On a aussi des innovations dans les services, voir dans les services publics :   – modernisation de la relation usager    – création de http://www.legifrance.gouv.fr    – dans un domaine plus contestable car limité à un secteur http://www.prix-carburants.fr (pourquoi ne pas faire la même chose sur la téléphonie mobile, secteur notoire peu concurrentiel, dont les offres sont volontairement peu comparables et qui est sujet à des ententes ???)       – mise en place d’organisation à flux tendu (lean management), de controle de la qualité (six sigma)Pous d’autres exemples voir ici : http://creeretrepartir.blogspot.com/2006/11/les-nouveaux-dfis-du-secteur-public.htmlou icihttp://creeretrepartir.blogspot.com/2006/08/innovation-et-recherche-parlons-en.htmlBonne année et meilleur voeuxV

  2. Vous avez raison mais vous allez contre un biais culturel qui vient de loin. 
    Le libre echange nécessite une reallocation des facteurs de production vers de nouveaux secteurs.  Meme dans une societé particulierement fluide cela n’est pas aisé dans la mesure ou (a) le poids de l’adaptation retombe sur un nombre limité de personne et qu’il faut donc mettre en place des mecanismes intelligents pour qu’elles ne soient pas sacrifiés et (b) il faut que la collectivité se projette vers l’avenir, comprenne que le travail n’est pas fini, que beaucoup est a faire, que l’on peut constamment innover, etc., tout ceci sans garantie de succes. 
    Tant que le pays continuera a ne pas avoir confiance en lui et en ses atouts, les appels a la protection se feront plus stridents.

  3. Eh bien moi je me réjouis que le mirage libre-échangiste auquel les bourgeois protégés par des statuts sociaux en béton armé sont tellement sensibles, d’honnêtes bourgeois grassement payés par la collectivité pour quelques heures de cours par semaine et quelques activités de recherche (dont le produit est, comme il se doit, vendu avec droits d’auteur à la clé, ce qui relève de l’extorsion de fonds pure et simple puisque le lecteur qui achète l’ouvrage publié par l’enseignant-chercheur avait déjà subventionné à cent pour cent la recherche qui est à l’origine de l’ouvrage); je me réjouis que ce libre-échangisme (qui vaut surtout pour les autres bien sûr) dont j’entends dire par de grands experts et esprits depuis 33 ans que je suis né que c’est plus mieux que le protectionnisme, que c’est gagnant-gagnant (gagnant pour les actionnaires et pour les experts indépendants qu’ils stipendient) et que grâce à ses effets magiques la pauvreté et la précarité et tout et tout disparaîtront partout sur la Terre. Le libre-échange ne profite qu’aux classes supérieures, voilà la réalité et voilà pourquoi la propagande libre-échangiste a été omniprésente dans les médias durant ces 20 dernières années. Le problème c’est que la meilleure propagande du monde ne peut masquer la réalité indéfiniment et la réalité c’est tout simplement que la situation sociale, les conditions de travail et de rémunération des classes moyennes et populaires n’ont cessé de se dégrader depuis 20 ans qu’on ouvre en grand les frontières (enfin sauf pour les enseignants-chercheurs) mais c’est sans doute un effet de la "transition", un épisode nécessaire (pour les bourgeois) mais douloureux (pour les autres), des sacrifices qu’il faut consentir pour l’avenir.
    Il est vrai que M. Bouba-Olga est sans doute un homme très responsable, avec une vision globale et à long terme des choses et s’il enjoint à ceux qui subissent une dégradation de leurs conditions d’existence de s’adapter à une "réalité" contre laquelle on ne peut rien c’est sans doute pour leur bien, à long terme. De même que c’est pour leur bien à long terme que M. Bouba-Olga fait l’apologie de l’exploitation des travailleurs chinois dans un autre post. Et c’était encore pour leur bien à long terme que des centaines de milliers d’ouvriers furent exposés à l’amiante pendant des décennies, c’était sans doute nécessaire pour l’enrichissement des patrons et actionnaires en effet. Moi je propose qu’on applique aux profs d’économie leurs grands principes: suppression de cet odieux statut universitaire et embauche à la journée ou à la tâche avec ouverture totale des frontières en application du principe du pays d’origine; d’ailleurs avec les technologies modernes une présence physique dans les amphythéâtres n’est plus nécessaire, pourquoi ne pas embaucher dans leurs pays des enseignants-chercheurs haïtiens ou congolais et ainsi réaliser des économies d’échelle? Je suis persuadé que M. Bouba-Olga sera ravi lui aussi de s’adapter à la transition même si ça veut dire pour lui une baisse de revenus et une dégradation sociale de ses conditions d’existence. 

  4. Autre exemple: l’entreprise qui a pensé à utiliser une substance chimique qui mutipliait par mille le pouvoir d’absorbtion de l’eau par des tissus a tué tous les fabricants de couches pour enfant (ou autres!) qui n’ont pas pu ou voulu suivre: c’était une véritable innovation qui apportait un réel plus à un produit dont on admettra que, s’il est une marque des pays développés, il ne représente pas le nec plus ultra de la haute technologie!Beffa est porteur de la conception technienne et centralisatrice du corps des mines, malheureusement !

  5. Vous avez bien raisons de souligner les nombreux glissements sémantiques qu’on peut être tenté de faire subir au mot innovation…. dans l’espoir d’éviter d’innover.Par exemple, réduire l’innovation à l’introduction de nouvelles technologies de gestion ou de communication revient souvent à prétendre innover en ne changeant surtout rien aux organisations, aux procédés, aux produits…. et aux structures de pouvoir en place tout en rajoutant quelques innoffensifs gadgets technologiques (intranets, tableaux de bord, informatique de pilotage) et leur prêtrise dans un coin au fond de la pièce.Comme le montre assez bien Dilbert, informatiser des incapables ne les rend pas capables. Mais peut-on réellement reprocher aux membres en place des organisations de refuser d’être auteurs, acteurs, et moteurs d’une innovation dont ils seront très probablement les premières victimes ?C’est ainsi que, paradoxalement, ce sont ceux qui parlent le moins d’innovation qui en font souvent le plus, en réfléchissant à la valeur de chaque élément de leur organisation et à la manière de le valoriser.

  6. *****************************************Eh bien moi je me réjouis que le mirage libre-échangiste auquel les bourgeois protégés par des statuts sociaux en béton armé sont tellement sensibles, d\\\’honnêtes bourgeois grassement payés par la collectivité pour quelques heures de cours par semaine et quelques activités de recherche*****************************************Alors là on en tient un bon :)Un specialiste des phrases a rallonge qui commencent et terminent par qques mots assassins rageusement balancés à la face du bouc emissaire rencontré au hasard sur la toile … du grand art :)Soit le monsieur a le comprenoir bouché (car j\\\’ai du mal a voir en Bouba-Olga un ardent defenseur du libre echangisme) soit il fait preuve d\\\’une mauvaise foi a toute epreuve …J\\\’aurais aimé avoir autant d\\\’ardeur a défendre les chercheurs qui trouvent encore le temps d\\\’écrire des choses pertinentes sur la toile, que le sieur Vincent à épingler les méchants, mais helas ca n\\\’est pas le cas et en tant que chercheur j\\\’ai quand meme un peu de travail (entre deux pauses café bien sur).Alors je me permet juste d\\\’encourager Olivier à écrire toutes ces choses interessantes et originales, qui nous rappellent que la recherche c\\\’est surtout se poser des questions, et douter, toujours douter, des vérités semblant bien établies.Guillaume.

  7. @ Verel : je garde en stock l’exemple des couches culottes pour un prochain cours!@ Guillaume : merci pour les encouragements!@ Liberoidal : ce que vous dites pose plus généralement la question des liens complexes entre innovation technologique et innovation organisationnelle@ V : d’accord sur l’importance des innovations dans les services. Le comparatif prix des carburants relève cependant plutôt du gadget me semble-t-il, mais bon…

  8. Peut-on savoir en quoi la voie protectionniste est moins intéressante? Et moins intéressante pour qui? Pas pour ceux qui risquent de perdre leur job ou sont obligés de se battre pour le garder à cause de concurrents à bas prix, c’est-à-dire en gros la classe basse et moyenne. Eux, ils sont prêts à perdre quelques points de croissance pour garder leur situation.Donc, je ne vois que les classes les mieux formées intellectuellement et déjà les plus riches à profiter du libre-échange.

  9. @ Vulgos : bon, il y aurait beaucoup à dire… quelques éléments : * la Chine pourra elle aussi être protectionniste, en décidant par exemple d’acheter moins de produits des pays développés. En protégeant une industrie, on peut en léser une autre. L’effet sera d’autant plus fort que la demande chinoise est importante et croissante* le protectionnisme aurait des effets macro plutôt négatifs :— plus faible croissance mondiale lié à un moindre approfondissement de la division du travail— prix des produits plus élevés pour les consommateurs, puisqu’on ne peut pas bénéficier des produits fabriqués à moindre coût— moindre développement des pays les plus pauvres, alors qu’ils en auraient bien besoin…* l’enjeu, je suis d’accord, est de savoir comment protéger les personnes les moins qualifiées, qui sont les plus exposées. Deux solutions :— on protège les emplois (interdiction des déloc, protectionnisme, etc…)— on protège les salariésla deuxième solution, qui renvoie à la thématique de la sécurisation des parcours professionnels, me semble autrement plus prometteuse.* comprenez bien qu’il ne s’agit pas de vanter béatement les vertues du libre-échange, mais plutôt d’insister sur les effets positifs de la mondialisation (plus de création de richesses et d’emplois) et sur ses effets négatifs (accroissement des inégalités sociales et spatiales). Un bon compromis consiste à ne pas s’opposer à la mondialisation, mais à travailler à l’adaptation des économies aux mutations en cours. En passant, Stiglitz, qu’on ne peut guère taxer de libéral-libre-échangiste béat,  ne dit rien d’autre…* enfin, quand vous dites que les personnes peu qualifiées sont prêtes à perdre quelque points de croissance… je doute : ce sont elles qui voient leurs revenus stagnés voire décroître…* si j’ai un peu de temps, j’essaie de compléter dans un prochain billet en réponse aux propos de Todd.

  10. Merci pour votre réponse. Laissons de côté les effets négatifs du protectionnisme que vous citez. Je crois qu’ils peuvent être discutés (par exemple le développement des pays pauvres doit-il dépendre des exportations? Le coût des produits dépend-il uniquement du coût de la main d’oeuvre? etc) mais là n’est pas l’important ici. Le débat porte effectivement sur la protection des moins qualifiés. Et je ne vois pas bien ce que signifie la deuxième alternative "protection des salariés". S’il s’agit par exemple d’avoir des allocations de chômage conséquentes (plus qu’actuellement) cela pose des problèmes économiques (de compétitivité, de trappes, etc, que vous connaissez mieux que moi) et ne résoud pas non plus le problème social et psychologique que connaissent les gens qui perdent leur emploi. S’il s’agit de formations permanentes, cela revient à dire que les personnes moins qualifiées doivent devenir qualifiées. Cela ne résoud pas non plus le problème de ces personnes, si tant est qu’elles puissent effectivement se requalifier dans un autre métier ou simplement se qualifier. C’est leur demander de payer en effort d’éducation la politique économique d’ouverture. Il faut tenir compte de ce coût psychologique. "enfin, quand vous dites que les personnes peu qualifiées sont prêtes à perdre quelque points de croissance… je doute : ce sont elles qui voient leurs revenus stagnés voire décroître…" Je ne comprends pas ce passage. Les revenus des moins qualifiés stagnent ou décroissent effectivement mais quel rapport avec le protectionnisme puisque la politique économique est actuellement libre-échangiste? De plus, cela n’a pas de rapport non plus avec une perte de points de croissance puisque la croissance est là. A moins que vous ne vouliez dire, ce qui est un raisonnement bizarre, qu’il faut beaucoup plus de croissance et de libre-échange pour les aider alors qu’un peu de croissance et de libre-échangisme les pénalise? Par ailleurs, vous sous-entendez que le protectionnisme pénaliserait les moins qualifiés. En quoi? J’ai crû comprendre que la seule chose à peu près certaine c’est que la croissance nationale en pâtirait (et encore, l’histoire économique ne dit pas avec certitude que le protectionnisme entraînerait une croissance plus faible, encore moins une décroissance), non pas les revenus de cette catégorie de population. La perte de croissance pénaliserait ceux qui bénéficient du libre-échange, pas ceux qui en souffrent.

  11. Juste deux remarques:-
    1. Il me semble que toutes les études demontrent que la dégradation eventuelle de la position des moins qualifiés provient des changements technologiques et non du libre échange dont l’impact est finalement mineur.  On pourrait ajouter que dans le cas de la France notre "modele social" est particulierement pénalisant pour les non qualifiés et promeut le remplacement du travail par le capital.  Au contraire en permettant aux mpoins qualifiés d’accéder a des biens matériels moins couteux et avec plus de choix le libre échange favorise leur pouvoir d’achat.
    2.Il ne faut pas refaire le coup de la déroute du TCE.  Plutot que de s’étendre défensivement sur les bénéfices du libre echange qui sont bien etabli, historiquement, theoriquement et meme en pratique, il vaudrait mieux que l’on retourne l’argument et que l’on demande qu’nous decrive ce merveilleux monde protectionniste et ses consequences.  Protéger quoi, qui, comment?  Le cheminement logique de cette proposition nous conduira a ergiger des barrieres de plus en plus hautes, non contre les biens, mais contre les hommes.  Si ils ne peuvent avoir de futur dans la production et l’echange, chez eux, lorsque le seul choix d’amélioration possible sera pour les 2/3 de l’humanité de migrer vers notre mirage protégé la seule industrie profitable sera le passage de frontiere par mafias interposées.  Cela mene a coup sur a des societes closes et probablement policiere en conflit avec le reste du monde.
    C’est le type meme de societe que nous cherchons a eviter au niveau national.  La peur et le repli sur soi.

  12. "Plutot que de s’étendre défensivement sur les bénéfices du libre echange qui sont bien etabli, historiquement," Pas d’accord, ce n’est pas aussi simple. Je vous renvoie aux ouvrages de Bairoch par exemple. La question sur ce débat n’est pas "le protectionnisme est-il meilleur que le libre-échange ou l’inverse?", car cela revient à dire qu’il y a une panacée universelle, mais "à quel moment le protectionnisme est-il utile et à quel moment le libre-échange est préférable?" et plus particulièrement ici "le libre-échange est-il actuellement préférable pour la France?". Les économistes ont beaucoup de mal à se défaire de cette manière de penser, eux qui croient découvrir des lois naturelles universellement valables en tous lieux et en tous temps (ce que même les physiciens ne font pas). Il est amusant de constater qu’Oliver Bouba-Olga, qui par ailleurs lutte contre cette déformation professionnelle (je me souviens d’un de ses articles sur la banque mondiale), tombe ici en plein dedans. Il n’est pas le seul: http://econo.free.fr/scripts/faq2.php3?codefaq=14. Les faits : "Donc il n’y a pas historiquement de règle générale. Parce que tout simplement, la croissance dépend de la combinaison de tout un tas de facteurs" L’idéologie: "Pas de certitude historique, mais le protectionnisme est bien plus nu que le libre-échange. Parce qu’il ne détient aucun argument intellectuel, et que s’il est possible de trouver des pays protectionnistes qui se sont développés, cela ne prouve pas grand-chose."

  13. @ Vulgos : je ne crois pas avoir parlé d’une quelconque loi universelle prouvant la supériorité du libre-échange sur le protectionnisme, je dis simplement que si l’on croît que les problèmes de la France (faible croissance, chômage important) résultent prioritairement de la concurrence chinoise, et que pour éliminer le problème on prône un protectionnisme vis-à-vis de ce pays, et bien, pour l’essentiel, on se trompe… Dans le cas chinois, de plus : le secteur textile-habillement est particulièrement exposé en France. Pourtant, on savait depuis 10 ans qu’il y aurait diminution des barrières protectionnistes (fin des accords multifibres). Précisément le genre de mesure que prône Todd. Est-ce qu’on a profité de ces 10 ans pour faire évoluer le secteur? Non (ou plutôt à la marge, il y a des entreprises qui font exception). Les accords viennent à échéance, et on nous dit : il faut mettre en place des barrières, sinon on arrivera pas à s’adapter… Ben voyons…

  14. Et quelle entité surhumaine a décrété la fin des barrières protectionnistes? La suppression des barrières en question, c’est-à-dire la destruction programmeé de l’emploi des ouvriers qui n’auront qu’à s’adapter contrairement aux universitaires donneurs de leçons, ce sont les hommes politiques qui l’ont décidée: nulle fatalité là-dedans ni complot extra-terrestre, juste une décision qui correspond aux intérêts des actionnaires et de leurs séides.
    Au nom de quoi les ouvriers devraient-ils renoncer à des statuts qu’il a fallu des générations pour construire? Et pour quoi faire si c’est pour aller se faire exploiter dans le tertiaire? N’est-ce pas un phénomène étrange que ce soit justement à partir du moment où les ouvriers français et européens eurent obtenu des salaires décents et des conditions de travail correctes que le besoin subit d’abattre toute barrière douanière a survenu? Au nom de quoi les ouvriers, qu’ils soient français ou chinois, devraient-ils être traités comme des chiens?
    Vous le dîtes d’ailleurs vous-même avec un cynisme incroyable: face à l’exploitation éhontée des travailleurs chinois l’industrie textile est largement condamnée. En clair vous défendez des évolutions qui relèvent de choix politiques raisonnés et non de contraintes d’une économie que vouz érigez en transcendance devant laquelle les hommes n’ont d’autre choix que s’adapter, évolutions qui ne peuvent qu’amener des conséquences néfastes pour les travailleurs et français et chinois mais qu’importe tant que les investisseurs pourront se remplir les poches car c’est là la seule fin de l’ouverture totale des frontières. En défendant la suppression des barrières douanières vous défendez l’exploitation des travailleurs chinois et la destruction des statuts édifiés par les luttes des tavailleurs français, puisque vous ètes conscient des conséquences de ladite suppression et que tout ce que ça vous inspire c’est de dire que les gens qui s’opposent à votre expertise sont des cons qui n’ont qu’à s’adapter (mais s’adapter à quoi?) et que visiblemetn le sort des ouvriers chinois vous laisse souverainement indifférent (mais j’imagine que Monseigneur "pense à long terme" et qu’il sait qu"à ;long terme" le sort desdits ouvriers s’améliorera, et ce jour-là sans doute les emplois quiteront al Chine pour je ne sais où puisque c’est dans la nature des choses d’exploiter la misère humaine d’après sa Grandesse). Votre blabla me semble d’ailleurs explicite quant aux fins poursuivies par le libre-échange (que vous défendez, ne vous en déplaise): mettre les salariés (et non les entreprises), les coûts salariaux (c’est–àdire els salaires mais aussi les législations du travail, les systèmes d’entreaide type sécurité sociale…) et la fiscalité en concurrence afin de détruire ce qui a été construit par un siècle et demi de luttes ouvrières en Europe. La suppression des barrières douanières est issue d’une volonté politique, rien d’autre: nous n’avons donc pas à nous adapter à la force des choses contre laquelle on ne peut rien, comme vous invitez les ouvriers français (et non vous-même) à le faire.
    En outre les arguments du genre yaka développer les textiles techniques pour pallier le départ des textiles pas techniques sont purement absurdes car rien n’empêche de développer les textiles techniques tout en conservant les activités traditionnelles du textile. Mais le problème c’est que les fictions libre-échangistes sont de moins en moins crédibles au fur et à mesure que la précarisation, la dégradation des conditions de travail et tout ce qui s’ensuit touche des couches de plus en plus larges de la population française qui vous nourrit grassement, alors il faut bien diaboliser les méchants comme Todd qui ont le mauvais goût de ne pas hurler avec les loups. Le problème c’est que dans tous les pays les problèmes sociaux se sont accrus durant ces 20 dernières années, à des degrés divers mais partout il y a des problèmes y compris dans ces paradis où on sécurise le salarié et non l’emploi.
    Par ailleurs personne n’a dit que les problèmes économioques étaient exclusivement liés à al concurrence chinoise, cela étant ça en fait partie. D’autre part on peut aussi envisager les choses autrement que sous un jour strictement économique, d’abord en arrêtant de croire à des sornettes genre "faut s’adapter à des contraintes extérieures" quand ces contraintes résultent de choix politiques raisonnés, ensuite en édictant des normes sociales, salariales, fiscales, environnementales qui serviront de base à une politique de tarifs douaniers en considérant qu’ainsi on réduirait la pression sur le salariat des pays du Nord tout en incitant les entreprises qui investissent au Sud à respecter la dignité de leurs salariés, en cassant le gain qu’ils obtiennent en exploitant les travailleurs.
    Quoi qu’il en soit (et n’en déplaise à un ectoplasme dont j’ai oublié le nom), Monseigneur Bouba-Ola est mal placé pour donner des leçons de libre-échange et d’adaptation, d’ailleurs je constate que ma proposition d’insérer la corporation des universitaires (surprotégée de manière scandaleuse par des barrières statutaires qui empêchent la libre circulation planétaire des cerveaux) dans le sain flux de la conurrence mondiale et du darwinisme social n’a pas semblé l’intéresser. 

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