La métaphore de l’horoscope




Econoclaste en remet une couche sur la dette publique. Leconomiste complète en critiquant l’éternelle litanie "l’Etat gaspille, le privé gère bien". Il explique ce sentiment bien ancré chez certaines personnes par le fait qu’on dispose de plus d’information sur le public que sur le privé. Je complète un peu.

Pourquoi certaines personnes pensent-elles que le privé est plus efficace que le public? Pour la même raison que d’autres personnes croient en l’astrologie : quand la prédiction de l’horoscope se réalise, on la retient et on se dit, "mince alors! il (elle) avait raison!" Quand la prédiction ne se réalise pas, on oublie l’horoscope. Idem pour les rêves qualifiés de prémonitoires. Et bien pour le débat public/privé, c’est un peu pareil, en pire…

Si on voulait être un peu rigoureux, en effet, il faudrait envisager quatre possibilités :
* service public efficace
* service public innefficace
* service privé efficace
* service privé innefficace

Ensuite, il conviendrait de recenser dans l’ensemble des services rendus s’ils sont publics ou non, efficaces ou non. Je vous garantie que beaucoup auraient des surprises…

Bien sûr, personne ne fait cela : quand on observe un dysfonctionnement dans une entreprise privée, on ne l’attribue pas au fait qu’il s’agisse d’une entreprise privée, mais soit à la personne qui nous a servi, soit à l’entreprise –mais seulement à celle là — à qui on a eu affaire. Quand on observe un dysfonctionnement lors d’une prestation de service public, on l’attribue à la nature publique de l’activité (ah, ces fonctionnaires!). Et quand le service public est rendu correctement, on ne révise pas sa théorie pour autant, on n’en tient simplement pas compte (on attribue par exemple la qualité du service rendu à la personne précise à qui on a eu affaire). [On notera que c’est la même erreur d’attribution qui explique le racisme lanscinant de certains : un noir (remplacez au choix par maghrébin, gitan, etc…) qui vole, il vole parce qu’il est noir. Un blanc qui vole, il vole pour une autre raison…]

Preuve récente d’un tel raisonnement, le (jamais) surprenant Alain Lambert, qui invite "tous les gestionnaires à nous raconter sur [son] blog leurs histoires courtelinesques avec nos administrations." Avec une telle expérience, sûr qu’il va trouver 100% de dysfonctionnement dans l’administration publique, et qu’il va pouvoir continuer à se désespérer de la situation…

18 commentaires sur “La métaphore de l’horoscope

  1. Pour en rajouter une couche dans le côté rigoureux d’une analyse comparée de l’efficacité de tel ou tel secteur (benchmarking?) il faut distinguer dans le secteur privé des degrés dans la lucrativité de l’entreprise. Ainsi, certaine société commerciale sont non lucrative et exerce dans le secteur marchand (Voir SCIC http://www.scic.coop, des associations exerçant dans des quasi-marchés comme celui de l’action sociale, mutuelles d’assurance et de Santé), d’autre société commerciale ou civile (SCOP, coopératives diverses) limite la lucrativité en réservant une partie des excédents au développement de l’entreprise et en distribuant l’autre partie à l’usager, au consommateur ou au producteur de ces biens produits et services rendus ! Entre le secteur public et le secteur privé, l’économie sociale ne doit-elle pas souvent prendre en charge les limites d’efficacité du secteur privé marchand et celles du secteur public buraucratique ?

  2. Je me contente d’un "l’état est peut-être plus ou moins efficace suivant l’époque et le domaine mais il est celui qui paye le moins cher pour sa dette par rapport aux deux autres acteurs" ici :)http://guerby.org/blog/index.php/2006/11/02/123-les-dettesVoir aussi la discussion sur ANPE vs privé pour l’UNEDIC (dans les commentaires) :http://guerby.org/blog/index.php/2006/08/20/104-l-administration-bush-et-le-bon-sensToujours aucune donnée exploitable publiquement alors que l’UNEDIC va remettre de l’argent sur la table … Tout cela ressemble plus à une lutte de pouvoir idéologique plutot qu’une recherche de l’efficacité.

  3. Il y a un exemple intéressant et d’actualité: pourquoi certains pays sont en 220V et d’autres en 110V?
    Pourtant un courant à 220V présente pas mal d’avantages en terme de sécurité qu’en terme de déperdition d’énergie par rapport au 110.
    on pourrait donc penser que c’est dans les pays où l’électricité a toujours été soumise à la concurrence qu’un tel choix plus efficace a été fait selon certains raisonnements.
    Malheureusement c’est l’inverse. La raison est simple, jusqu’après la guerre presque tous les pays étaient en 110, même la France. Pour basculer en 220 il aurai fallu faire pas mal d’investissements. le secteur public l’a fait, pas le secteur privé qui a d’autre priorités
     

  4. "Ensuite, il conviendrait de recenser dans l’ensemble des services rendus s’ils sont publics ou non, efficaces ou non. Je vous garantie que beaucoup auraient des surprises…Bien sûr, personne ne fait cela"Hormis les économistes du FMI, de la Commission Européenne, de l’OCDE, mais je suppose que ça ne compte pas, puisque leurs travaux sont biaisés en faveur d’une certaine pensée unique ?

  5. Il ne me semble pas que les services publics aient le monopole des erreurs ou de la critique, au contraire. Certains services privés comme les banques ou les syndics de copropriété sont très souvent critiqués. Et chacun connaît des entreprises mal gérées, et des clients mécontents de telle ou telle hotline téléphonique.Mais il y a une différence entre un service public en monopole disposant d\\\’une financement quasi-garanti, et un service privé concurrentiel donc le financement dépend du marché (je généralise, il y a des exceptions…). Si l\\\’entreprise privée fait des erreurs à répétition, ou simplement si elle est moins efficace que sa concurrente, les clients changent de crémerie, les actionnaires cessent de la soutenir, et l\\\’entreprise disparaît. C\\\’est "inéluctable" pour employer un terme à la mode.Où est ce mécanisme vertueux dans les services publics? Quand on pense au temps qu\\\’il a fallu à Lambert et Migaud pour faire passer la LOLF…

  6. Excellent et de bon sens.
    Mais moins consensuel que d’habitude car il y a tant de personnes dont c’est le fond de commerce (sur le web et ailleurs) que si vous critiquez cela……vous n’avez pas fini avec les sempiternels mêmes arguments qu’il faudrait un blog uniquement consacré à cela pour répondre à chaque avis partisan qui pense qu’être d’ans le public rend con au point d’être moins bon gestionnaire.
    Cela a commencé ci-dessus.
    bon courage.

  7. Juste pour faire le contraire de ce qui semble être le sport national (dire du mal des services publics):Le service de l’état qui marche le mieux se sont les impôts!!!!! J’ai PLEINS d’histoires toutes plus sympas les unes que les autres à dire. Olivier BO devrait faire le contre-Alain Lambert et appeler tous les citoyens à témoigner sur la qualité des services publics….. qui marchent.

  8. @ Liberoidal : je ne dis pas que le public est meilleur ou moins bon que le privé, j’explique un biais dans l’observation des phénomènes qui conduit de nombreuses personnes à penser que les services publics sont moins performants que les services privés. Personnellement, je ne pense pas que cette opposition soit pertinente, j’y reviendrai bientôt car nous sommes en train de finaliser une étude sur les services de distribution d’eau en France avec choix possible entre public (régie) et privé (délégation) qui montre des choses assez passionnantes!@ Gu si Fang : pensez-vous vraiment qu’on a attendu Lambert et Migaud pour rendre efficacement des services publics??? Je ne dis bien sûr pas qu’il n’y a pas des choses à améliorer ; la Lolf va plutôt dans ce sens (elle soulève aussi pas mal de pbs), mais évitez de sombrer dans la caricature. Autant identifier et traiter les bons problèmes.@ Rigas : pour votre suggestion finale : j’y avais pensé ! le plus futé serait sans doute de les poster sur le blog de Lambert….

  9. Parmi les échecs massifs du privé, on sait que 60% environ des fusions acquisitions sont des échecs. Cela n’empêche pas beaucoup de dirigeants d’y passer l’essentiel de leur temps!
     

    Parmi les progrès assez récents du public, je note la vitesse pour maintenant obtenir un passeport ou une carte d’identité
     

    Mais aucun n’exemple n’est une preuve!
     

    Pour travailler pour le privé comme pour le public, la principale différence que j’observe est la capacité de changement, la vitesse de mouvement. Oui le public change et s’améliore, mais à la vitesse d’un escargot, et avec des efforts massifs
     

    Mon hypothèse est qu’il y a dans le public un phénomène d’accumulation des contraintes et des rigidités qui rend le système de moins en moins performant dans sa capacité de changement. Et au final, entre le mouvement brownien de l’économie de marché qui parait stupide à la première personne un peu sensée qui l’observe et l’organisation pensée, réfléchie, sérieuse du public, c’est sur le long terme le premier qui se révèle plus efficace. On l’a vu dans la compétition entre les USA et l’URSS: au début, on pouvait légitimement penser que les seconds rattrapaient et dépassaient les premiers, le lancement du premier homme dans l’espace en étant un symbole éclatant. A l’arrivée en 1989, la différence laisse pantois, en particulier quand on observe les deux allemagnes. Explication: le système soviétique s’est enlisé. Il lui a manqué deux éléments majeurs qui font réussir l’économie de marché: l’initiative individuelle et l’échec des moins efficaces.
     

    Evidemment, les services publics français ne sont pas le système soviétique. Mais la même accumulation des contraintes fait qu’à mon avis ils sont moins aptes à bouger qu’il y a 40 ans, quand le mouvement s’est accéléré dans le privé. Il n’y a qu’à comparer les hôpitaux publics et les hôpitaux privés associés au service public, qui sont sans buts lucratifs mais qui ont été contraints de bouger.
     

    Le public a donc besoin d’une forte remise en cause, d’un énorme dépoussiérage pour repartir sur de bonnes voies. Les mutuelles et les caisses de retraites complémentaires qui ont subi la même dérive sont en train de se remettre en cause par des regroupements extrêmement important et par la mise en place d’une informatique commune. On peut en espérer un redressement spectaculaire. Pour le public, je pense qu’une remise en cause radicale des niveaux administratifs (ne garder que l’Etat, les régions et les communes regroupées) et du système des statuts peut relancer le système pour 20 ou 30 ans. La Suède a décidé avec bonheur de sous traiter une très grande de ses services publics à des agences sans buts lucratifs.
     

    Les défenseurs des srvices publics ne seront cohérents que s’ils agissent pour que ces services s’améliorent et donc se remettent massivement en cause

  10. Verel, je pense comme Olivier qu’une comparaison a 40 000 km d’altitude comme vous le faites est hors sujet.Les comparaisons avec l’URSS sont aussi de l’idéologie (passéiste) : la France est une démocratie pluraliste, l’URSS était une dictature, comme les services publics sont controlés in-fine par les politiques c’est bien trop différent pour rapprocher le fonctionnement et l’évolution des services publics dans les deux cas.Sinon, bien sur qu’il faut que les services publics évoluent, et comme je le note ailleurs (chez leconomiste) :"D’ailleurs il est possible que la possibilité de dénonciation publique et la "concurrence" induite par les comparaisons publiques avec l’étranger (et le privé) donne un petit avantage au public dans certains cas. Par absence de données dans le secteur privé c’est difficile de comparer deux entreprises."Pour un exemple récent, la refonte du SI de Bercy est au final un grand succès (et avec du logiciel libre :), la derniere évolution pour augmenter la productivité est le prélèvement à la source, mais c’est le privé français archaique qui coince …

  11. Ha, je reconnais bien volontiers qu’une étude sur les limites des mécanismes de "concurrence perfectible" dans la distribution d’eau sera un réel apport au débat. Pour autant, j’espère que vous saurez intégrer les coûts cachés qui pèsent sur les régies municipales des eaux, comme par exemple, l’obligation qui leur est faite de par la loi de fournir le service à quelque résident que ce soit qui la demande, qui ne saurait peser sur les entreprises contractualisées (ce qui n’est pas sans incidence sur les choix d’urbanisme de la commune, d’ailleurs.)

  12. @ Gu Si Fang : 1. la concurrence, un mécanisme vertueux ? Encore faudrait-il qu’elle existe. Dans de nombreux secteurs, elle est purement théorique. 2. La LOLF ? Ouarf … Primo : un bon gestionnaire n’a pas besoin de la LOLF pour bien gérer. Secondo : dans la pratique, la LOLF coûte cher. Son apport, pour certains : disposer d’un faux nez pour pseudo-justifier les diminutions de moyens humains et financiers, au détriment de l’efficacité et certainement pas de façon raisonnée.

  13. Laurent Guerby: En ce qui me concerne, je ne suis absolument pas opposé à ce que les conditions d’une concurrence loyale entre hopital public et médecine libérale soient mises en place, même si cela conduit à me contredire en montrant que l’hopital public se révèle plus performant que le privé. En pratique, les conditions de cette concurrence loyale impliqueraient la possibilité de souscrire à d’autres assurances maladies que la sécu, c’est à dire, de permettre à un tiers extérieur de tirer son propre intérêt de la minimisation du coût du maintien en bonne santé de l’assuré.

  14. Kuk: "1. la concurrence, un mécanisme vertueux ? Encore faudrait-il qu’elle existe."Et qu’elle soit parfaite.Verel: "Et au final, entre le mouvement brownien de l’économie de marché qui parait stupide à la première personne un peu sensée qui l’observe et l’organisation pensée, réfléchie, sérieuse du public, c’est sur le long terme le premier qui se révèle plus efficace."Efficace pour quoi? Pour faire du profit, oui. Pour le service au client, le privé repassera. N’oublions pas que la critique que l’on faisait au service public il y a quelques décennies ne portait pas sur la qualité mais sur le coût excessif supporté par l’Etat.

  15. vulgos: que je sache, personne ne songe de nos jours à étatiser le secteur de la restauration, de la boulangerie, de la coiffure, des plombiers, de l’artisanat en général, de la médecine libérale, c’est à dire, au fond, l’ensemble des métiers de service.Expliquez-moi donc comment vous conciliez ce constat avec cette affirmation selon laquelle "Efficace pour quoi? Pour faire du profit, oui. Pour le service au client, le privé repassera."J’admets bien volontiers qu’il existe d’autres stratégies que le dépeçage du secteur public pour relancer une économie : mais à une et une seule condition : qu’il soit, pour commencer, possible de débattre sereinement, de tout, et y compris, par exemple, de la productivité dans l’enseignement.

  16. Libéroïdal:  "Expliquez-moi donc comment vous conciliez ce constat avec cette affirmation" Cela se concilie très bien si on se dit que le but recherché dans ces métiers est la maximisation du profit et non la qualité du service. Et on entend par "qualité du service" les notions d’efficacité et d’universalité de l’accès au service. Par exemple, pour la SCNF il fallait que les trains soient ponctuels et desservent aussi des petites collectivités. Donc, dans les secteurs où l’on a jugé qu’il valait mieux avoir de la qualité que du profit, ou dans les secteurs où l’appât du gain (le marché) n’était pas opérationnel, l’Etat a joué son rôle.

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