Poitou-Charentes : une région qui perd?

J’inaugure avec ce nouveau billet une rubrique Territoires directement liée à mes travaux de recherche. Avec un titre un peu provocant (?), car il ne sera question ni de l’ancien président de Région (Jean-Pierre Raffarin), ni de la nouvelle (Ségolène Royal), mais plutôt du problème des disparités spatiales observées en France. Comment mesurer ces disparités? Quels résultats obtient-on quand on les mesure? Quelle est la situation de Poitou-Charentes en la matière?

Des éléments de réponse particulièrement importants (pour l’ensemble du territoire) figurent dans l’article de Davezie et Veltz venant de paraître dans Le Monde. (voir également pour des compléments la contribution de Davezie au rapport du CAE sur l’Aménagement du Territoire). Que constate-t-on? Notamment que les disparités interrégionales en termes de niveau de vie sont particulièrement faibles. Pourquoi? Non pas en raison d’une capacité identique des régions à créer des richesses (les écarts sont cette fois substantiels, notamment, et pour l’essentiel, entre l’Ile de France et les régions de Province), mais grâce d’une part au jeu redistributif de l’Etat (les richesses créées dans une région sont prélevées pour partie par l’Etat et redistribuées aux habitants des régions "pauvres"), et grâce, d’autre part, aux fonctionnaires et aux retraités, qui représentent une part tout à fait importante des revenus de certains territoires alors qu’ils ne contribuent pas à la création de richesses (marchandes) de ces mêmes territoires…

Quid de Poitou-Charentes? La note de recherche que je viens de terminer montre que cette région n’échappe pas à la règle : le revenu par habitant de Poitou-Charentes rapporté au revenu par habitant de l’ensemble des régions de la Métropole est de 94%. Si on compare non pas aux 22 régions métropolitaines, mais aux 21 régions de Province, l’indicateur est de 99%. Autrement dit, le niveau de vie moyen en Poitou-Charentes est identique à celui observé en moyenne dans l’ensemble des régions de Province. Si l’on regarde maintenant non plus le revenu par habitant (indicateur de niveau de vie) mais le PIB par emploi (indicateur de productivité), on observe une sous-productivité de Poitou-Charentes de 13% vis-à-vis de la moyenne France entière, et de 5% vis-à-vis des régions de Province. On notera que l’écart s’accentue vis-à-vis de la moyenne France entière si l’on raisonne non plus en termes de PIB par emploi, mais en termes de PIB par habitant, l’écart passant de 13% à 17%. Pourquoi? Car en plus du problème de productivité, se pose un problème de niveau d’activité (Cf. la note de recherche pour des précisions).

Que peut-on en conclure? D’abord que les fonctionnaires et les retraités sont utiles à la société! Ensuite que le processus de décentralisation ne doit pas faire oublier le rôle essentiel de l’Etat-Nation en matière de résorption des disparités spatiales (localisation des fonctionnaires, redistribution des revenus). Enfin qu’il existe de vraies disparités en matière de création de richesse que la politique de Pôle de Compétitivité aura du mal à résorber… Mais c’est une autre histoire, sur laquelle e reviendrai ultérieurement…

4 commentaires sur “Poitou-Charentes : une région qui perd?

  1. Très intéressant. Au passage, j’ai une petite question : si je comprends parfaitement la nécessité d’une redistribution entre individus, celle d’une redistribution entre régions me paraît plus contestable. Que doit-on à un "territoire" qu’on ne doit pas à ses habitants? Pour parler brutalement, face à des disparités de conjoncture, de revenu, entre régions, ne vaudrait-il pas mieux aider les gens, quitte à ce que cela les incite à partir? Sur quelle base, autre que la congestion dans les régions riches?

  2. econoclaste-alexandre: "Que doit-on à un "territoire" qu’on ne doit pas à ses habitants? Pour parler brutalement, face à des disparités de conjoncture, de revenu, entre régions, ne vaudrait-il pas mieux aider les gens, quitte à ce que cela les incite à partir? "
    Ne pourrait-on voir les aides au "territoire" comme une aide particulièrement à ses habitants? Je veux dire que cela ne leur est pas égal de devoir quitter leur région. Ils préféreront sans doute rester où ils sont, à condition de pouvoir y vivre (c’est le but des aides), que de devoir quitter leur région quitte à y gagner plus. Comment allez-vous chiffrer l’inconvénient qu’il y a à devoir quitter sa région alors qu’on ne le désire pas? (d’autant que ce calcul varie d’une personne à l’autre)
     

  3. Les politiques de redistribution ont évidemment pour but de réduire les inégalités sociales. Or, il s’avère que les inégalités sociales sont , pour partie, spatiales : "les inégalités spatiales sont la projection au sol des inégalités socio-économiques". Sur la base de ce constat, on comprend l’importance de la mise en oeuvre de systèmes de péréquation.On pourait bien sûr laisser faire, et attendre que tous les habitants aillent se localiser dans une ou deux  régions. Mais cela pose à l’évidence tout un ensemble de problèmes : congestion dans certains lieux, désertification dans d’autres, etc… Si on élargit un peu, pour réduire les disparités, deux solutions :* on agit en aval, en laissant les disparités en termes de création de richesse se développer, on redistribue ensuite les revenus pour les réduire* on agit en amont, en essayant d’accroître la capacité de création de richesses des différents territoires

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