E2E Network Slicing : le découpage du réseau de bout en bout (Partie 3)

Voici la troisième et dernière partie

E2E Network Slicing : le découpage du réseau de bout en bout (Partie 1)

E2E Network Slicing : le découpage du réseau de bout en bout (Partie 2)

IV) La virtualisation de l’accès radio

IV-1) Description des fonctionnalités de la station de base

Le découpage du réseau est une tranche de bout en bout comme le montre la figure 13.

Figure 13 : Le découpage du réseau de bout en bout.

Les fonctionnalités réseaux sont partagées au niveau du cœur de réseau (SNI CN) et de l’accès radioélectrique (SNI RAN). Nous allons maintenant nous intéresser au découpage sur l’infrastructure radioélectrique et à la gestion de ressources.

Une station de base 5G réalise les tâches suivantes :

  • fonction RRM pour la gestion de ressources radioélectriques : Contrôle du support radioélectrique, contrôle d’admission radioélectrique, contrôle de la mobilité pour les mobiles connectés, allocation dynamique des ressources radioélectriques dans le sens montant et descendant (ordonnancement) ;
  • compression d’entêtes IP, chiffrement et intégrité des données ;
  • sélection de la fonction AMF lors de l’attachement du mobile ;
  • routage des données du plan de transport dans un tunnel ;
  • routage des informations de signalisation vers la fonction AMF ;
  • établissement et libération de la connexion ;
  • mesures radioélectriques et configuration du rapport de mesures demandé au mobile ;
  • ordonnancement et transmission des informations de diffusions SIB (System Information Block);
  • marquage des paquets dans le sens montant (étiquettes DSCP) ;
  • gestion des sessions ;
  • support du découpage en tranche de réseaux ;
  • gestion de la QoS et correspondance entre les flux IP provenant du plan de transport UPF en support radioélectrique ;
  • partage de l’accès radioélectrique ;
  • gestion de la double connectivité ;
  • interfonctionnement entre les fonctions 5G-NR et 4G-LTE.

Pour réaliser ces tâches, la station de base s’appuie sur la pile protocolaire présentée sur la figure 14. La station de base 5G peut également se décomposer en deux unités : une unité centralisée gNB-CU et une unité distribuée gNB-DU).

Figure 14 : Présentation de la pile protocolaire de la station de base 5G

La spécification 3GPP propose le découpage du plan de contrôle (RRC) et du plan de trafic IP (SDAP). La signalisation et les données sont gérées par la couche de niveau 2 décomposée en trois sous-couches : PDCP, RLC, MAC et par la couche physique.

La couche physique réalise la modulation et la démodulation de données des signaux sur l’interface radioélectriques.

Le rôle de la sous-couche MAC est de faire :

  • la correspondance entre les canaux logiques et les canaux de transport ;
  • le multiplexage/démultiplexage des unités de données MAC SDU en provenance d’un canal logique ou de plusieurs canaux de transport (TB) ou de plusieurs canaux de transport à destination des canaux logiques ;
  • la correction d’erreur rapide HARQ ;
  • la gestion de priorité entre les mobiles ;
  • la gestion de priorité sur les canaux logiques pour un mobile.

Le rôle de la sous-couche RLC est de faire :

  • le transfert des paquets PDU issu de la couche supérieure ;
  • une numérotation des séquences RLC pour le mode sans acquittement UM et avec acquittement AM;
  • la correction d’erreur ;
  • la segmentation/re-segmentation des données ;
  • la détection d’erreur (pour le mode AM).

Le rôle de la sous-couche PDCP est de faire pour le plan utilisateur :

  • la numérotation de séquence ;
  • la compression et décompression d’entête ;
  • le transfert des données ;
  • la détection des paquets dupliqués et la mise en ordre ;
  • le routage des bearer PDCP PDU dans le cas de la double connectivité ;
  • le chiffrement/déchiffrement et la protection d’intégrité;
  • le rétablissement des données PDCP et la récupération des données pour le mode RLC ;
  • la duplication des paquets PDCP PDU.

Le rôle de la sous-couche SDAP est :

  • la correspondance entre la QoS d’un flux IP et le support radioélectrique ;
  • le marquage de l’identité de la QoS sur les paquets UL.

Le partage de la station de base gNB en deux unités gNB-DU et gNB-CU est spécifié par le standard 3GPP lequel propose différentes options. Toutefois actuellement le gNB reste mono-constructeur même en cas de découpage en deux sous unités gNB-CU et gNB-DU.

Les différentes options sont proposées sur la figure 15 :

Figure 15 : Le découpage des fonctions du gNB

A titre d’exemple, on pourrait imaginer le découpage suivant :

Figure 16 : Un découpage du gNB

Actuellement (standard R.15) l’unité gNB-CU est composée de la sous-couche RRC/SDAP et PDCP, l’unité gNB-DU est composée des sous-couches RLC et MAC et physique. Mais les autres partages de fonctions décrites sur la figure 11 peuvent virtuellement être mise en œuvre.

La couche physique a pour rôle de transférer le signal issu de la couche MAC (le bloc de transport) en un signal RF et inversement récupérer un signal RF pour l’envoyer vers la couche MAC.

La couche physique se compose de plusieurs fonctions :

  • code détecteur d’erreurs CRC ;
  • code correcteur d’erreur et adaptation de débit ;
  • embrouillage ;
  • modulation ;
  • affectation des symboles par sous-couches antennaires ;
  • précodage numérique ;
  • affectation des signaux et canaux sur chaque élément de ressources ;
  • transformée de Fourier Discrète et insertion d’un préfixe cyclique ;
  • chaîne RF (convertisseur CNA, conversion RF, amplification).

Les signal RF est envoyé à l’antenne.

La tête radioélectrique déportée (RRH) correspond à la chaîne RF. Pour la 4G, l’entité eNB se composait de deux parties : BBU et RRH. Cette option est maintenue pour la 5G (option 8) toutefois, le débit du bus série CPRI (Common Public Radio Interface) qui transporte les symboles I/Q est d’autant plus élevé que :

  • la bande de fréquence est importante (cellule principale et secondaire en cas d’agrégation de porteuses) ;
  • le nombre d’antennes est élevé (FD-MIMO ou Massive MIMO).

Pour réduire le débit entre le gNB-DU et la tête radioélectrique déportée, il est également prévu de proposer un découpage au niveau de la couche physique différent (figure 17) :

Figure 17 : Les options de décomposition de la station de base gNB

Le transport des données sur les interfaces optionnelles est normalisé par le protocole eCPRI  (evolved Common Public Radio Interface) et est véhiculé sur une fibre optique.

La gestion des ressources radioélectrique (protocole RRM) est réalisée par la station de base gNB. La gestion des ressources radioélectrique a pour objectif :

  • de gérer le spectre de fréquence : cette fonction décide comment les ressources spectrales sont réparties en porteuses 5G-NR et comment ces porteuses sont allouées aux différents site;
  • de gérer l’interférences entre cellules (mécanisme ICIC). Dans la continuité de la gestion du spectre, le mécanisme ICIC impose une puissance limitée sur un ensemble de sous-porteuses afin d’éviter les interférences avec un point de transmission voisin utilisant les mêmes sous-porteuses ;
  • d’ordonnancer les paquets : cette fonction décide, pour chaque porteuse 5G-NR affectée à une cellule, quelles sont les ressources bloc (RB) disponibles pour transférer les paquets sur chaque bearer radioélectrique établi ;
  • de réaliser les fonctions liées à la prise en charge radioélectrique tels que le contrôle de bearer, le contrôle d’admission radioélectrique, le contrôle de la mobilité (lorsque le mobile est en mode connecté).

L’implémentation logicielle de la partie RRM n’est pas du ressort de la 3GPP, c’est pour cela qu’il n’est pas envisageable d’avoir une unité gNB-CU et gNB-DU de deux équipementiers différents.

IV-2) La virtualisation de la station de base : C-RAN

Le point de départ consiste à respecter le contrat SLA et d’apporter la QoE défini par le contrat. Ce contrat peut concerner la QoS pour un utilisateur. Toutefois, la virtualisation et l’isolation des slices permet à l’opérateur de louer les services de la station de base à des opérateurs virtuels ou à des entreprises.

Pour des entreprises privées, cela revient à mettre en place un DAS et la station de base est uniquement dédiée à l’entreprise.

Pour les opérateurs, il est possible de faire un partage de l’accès radioélectrique (Shared RAN) connecté directement au cœur réseau des différents opérateurs (MOCN : Multi-operator Core Network).

Jusqu’à présent, les stations de base étaient des entités physiques (PNF) installées au niveau de l’antenne. Ainsi, la gestion du spectre (contrôle d’admission, séquencement), la gestion des acquittements (HARQ/ARQ), le chiffrement étaient réalisés localement.

Dans le cas où l’entité est physique (PNF) alors les ressources matérielles de la station de base (CPU/RAM/Carte réseaux) doivent gérer les différents services (eMBB/mMTC pour la 4G).

Le découpage de la station de base en deux unités permet de mieux allouer les ressources matérielles aux fonctions protocolaires de la station de base. Excepté la tête radioélectrique déportée, les fonctionnalités de la station de base gNB-CU et gNB-DU sont toutes virtualisables.

La virtualisation est demandée par le support opérationnel OSS/BSS qui utilise le gabarit NST du slice pour imposer à l’orchestrateur (MANO ou ONAP) de gérer le cycle de vie dans l’instance virtuelle.

L’alliance O-RAN  portée par les opérateurs propose une normalisation (figure 18) sur la gestion du slice RAN. L’orchestrateur dispose d’un contrôleur SDN nommé RIC non-RT (RAN Intelligent Controller non Real Time) permettant de configurer le déploiement, la mise en échelle ou le relâchement de la sous-instance radioélectrique par un découplage du plan de contrôle et du plan utilisateur.

Figure 18 : Le fonctionnement du Cloud-RAN

La virtualisation du RAN est réalisée en suivant le protocole NFV de l’ETSI. Nous n’aborderons pas ici les solutions OpenSource existantes (OPNFV, OpenStack, QEMU, …).

Pour l’alliance O-RAN,

  • Le RIC non-RT a pour objectif le respect du SLA et de la supervision en gérant le déploiement, la mise à l’échelle ou la libération des sous-couches de virtualisations radioélectrique SNI.
  • Le contrôleur RIC near RT gère les ressources radioélectrique (fonctionnalités RRM) en proposant un découpage fonctionnel entre l’unité gNB-CU et les entités gNB-DU.

La configuration des gNB permet de définir la liste des services S-NSSAI supportés par le gNB par une procédure de configuration du paramétrage des stations de base (cf. figure 8). Cette phase de provisionning est gérée au moment de la création du slice radioélectrique (figure 19).

Figure 19 : La configuration des slices supportées par les gNB

Lorsque le gNB s’active, il informe la fonction AMF de l’ensemble des slices supportés avec la localisation TAC correspondante. Si la station de base est connectée à plusieurs fonctions AMF, alors elle transmet l’information à toutes les fonctions AMF. Chaque fonction AMF l’informe en retour des services S-NSSAIs supportés par la fonction AMF.

Au niveau du gNB, le découpage entre le gNB-DU et le gNB-CU est ordonné au niveau du contrôleur RIC-near RT. Un descripteur de slice permet de définir les fonctions gérées au niveau de chaque unité (gNB-CU et gNB-DU).

Une entité gNB peut supporter plusieurs slices. Le découpage entre gNB-CU et le gNB-DU est identique pour chaque slice par contre les fonctions utilisées sur chaque sous-couches peuvent être communes ou spécifiques. Par exemple, il est possible de définir un slice pour les terminaux statiques et de désactiver la fonction handover pour ce slice.

Figure 20 : La mise en place de plusieurs slices au niveau d’un gNB

On définit ainsi le comportement attendu pour chaque sous-couche et lorsque le mobile fera une demande de connexion radioélectrique, le message RRC transmis du mobile à l’entité gNB-CU contiendra l’information S-NSSAI du slice demandé. Ainsi, lors de la connexion radioélectrique, l’entité gNB créera un context UE avec le numéro de slice correspondant (figure 21).

 

Figure 21 : L’identification du slice

IV-3) Exemple de C-RAN

L’objectif de la virtualisation consiste à répartir la charge sur différents serveurs en fonction de la QoE demandée.  Ainsi :

  • Pour les terminaux IoT, la station de base devant couvrir une superficie sur laquelle on peut avoir 1 million d’IoT par km2 (ce chiffre est la limite haute du standard), les ressources matérielles de la station de base peuvent rapidement saturer si, il y a un réveil en cascade des terminaux IoT, ou si plusieurs terminaux sont dans le mode RRC_Inactive, ou … Il est donc recommandé de déporter les fonctions suivantes vers un DataCenter (DC) :
    • contrôle RRC de chaque terminal IoT ;
    • chiffrement/déchiffrement ;
    • segmentation, contrôle d’erreur ARQ ;
    • multiplexage, contrôle d’erreur HARQ.

En contrepartie, le fait de déporter les calculs vers le DataCenter va avoir comme incidence d’augmenter la latence, ce qui n’a aucune importante pour les terminaux IoT HLCom (High Latency Communication). En effet, la QoS pour le service IoT n’est pas la latence mais la problématique est la gestion d’un nombre très élevé de terminaux (mMTC :massive MTC).

  • Pour les smartphones eMBB, la station de base doit offrir des services avec une latence d’environ 10 ms pour le plan de trafic et 100 ms pour le plan de transport. On peut donc envisager un découpage avec l’unité gNB-CU au niveau du point de présence (PoP) sur lequel l’opérateur déploie des lames de serveurs (mini Data Center nommé MEC – Multi-access Edge Computing). Ainsi :
    • l’entité gNB-CU gère la couche RRC/PDCP haute ;
    • l’entité gNB-DU au niveau de la station de base gère les sous-couches PDCP base, RLC, MAC et physique.
  • Pour les communications critiques (URLLC et V2X), afin de réduire la latence, tout le traitement du gNB s’effectue au niveau local (près de l’antenne).

Toutefois, le mobile n’est pris en charge que par une seule paire gNB-CU et gNB-DU, le choix du gNB-CU s’effectue par rapport aux paramétrages radioélectrique du mobile sur le module USIM (PLMN), c’est-à-dire par la sélection d’un PLMN.

La tranche de réseau par PLMN est identifiée par un indicateur de slice Slide ID NSSAI. Les slices gérés par le PLMN sont stockés au niveau du gNB-CU.

L’exemple (figure 22) ci-dessous est extraite de l’article [ferrus] :

Figure 22 : Déploiement 5G-NR

La figure présente 2 PLMN différents, PLMN#A et PLMN#B.

Le PLMN#A est géré par une entité gNB monolithique déployée sur un MEC du PoP #1 puisqu’on est sur une infrastructure légère (LW NFVI)

Le PLMN#B est géré par une unité gNB-CU qui est située sur le DC du PoP #2. L’unité gNB-CU est connectée à deux unités gNB-DU, une située sur le MEC PoP#1 et l’autre sur le MEC #PoP3.

Lorsque le mobile s’allume, il cherche le PLMN correspondant, soit le PLMN#A soit PLMN#B.

On peut supposer que le PLMN#A est dédié pour l’IoT sur une bande de fréquences à 700 MHz (@RF Carrier#1), la zone de couverture est étendue (NR Cell#1). Lorsque le terminal s’allume, il scanne une fréquence basse et cherche le PLMN #A. Une fois synchronisé, il fait une demande de connexion radioélectrique avec le gNB#1.

Le PLMN#B exploite une bande de fréquence @RF Carrier#2 sur deux cellules NR Cell#2 et NR Cell#3. Lorsque le smartphone s’allume, il scanne la bande de fréquences et une fois synchronisée il fait une demande de connexion auprès du gNB-CU. Selon sa position, il fait la demande auprès du gNB-DU du PoP#1 ou du PoP#3.

Conclusion

Le découpage du réseau en tranche est constitué de deux sous instances virtuelles (NSI), une sous-instance au niveau du cœur de réseau et une sous-instance au niveau de l’accès radioélectrique.

Le mobile est enregistré sur une seule fonction AMF mais peut activer plusieurs slice simultanément. Au niveau accès radioélectrique, le mobile est géré par un unique gNB.

La figure 23 est issue d’une documentation NoKia et réprésente le découpage du réseau 5G.

La figure 24 est issu d’une documentation Samsung et réprésente le découpage du réseau, l’orchestration de bout en bout. Ce document reprend donc l’ensemble des fonctionnalités et le découpage du réseau décrit dans cet article.

Figure 23 : Un découpage de réseau de bout en bout [Nokia]

Figure 24: Un découpage de réseau de bout en bout [Samsung]

References :

Liens 3GPP :

3GPP TS 28.530 V16.1.0 : Management and orchestration; Concepts, use cases and requirements

3GPP TS 38.300 : NR; NR and NG-RAN Overall Description; Stage 2, Release 16

  • http://www.3gpp.org/ftp//Specs/archive/38_series/38.300/38300-g10.zip

3GPP TS 23.501 V16.1.0 : System architecture for the 5G System (5GS); Stage 2, Release 16

3GPP TS 29.510 V15.1.0 : 5G System; Network function repository services; Stage 3, Release 15

3GPP TS 29.531 V15.1.0 : 5G System; Network Slice Selection Services; Stage 3, Release 15

3GPP TS 28.500 : Management concept, architecture and requirements for mobile networks that include virtualized network functions, Release 15

3GPP TS 24.501 : Non-Access-Stratum (NAS) protocol  for 5G System (5GS); Stage 3;             (Release 16)

  • http://www.3gpp.org/ftp//Specs/archive/24_series/24.501/24501-g41.zip

3GPP TS 21.915 : Release Description ; Release 15

 

ETSI

Article

[ferrus] R. Ferrús, O. Sallent, J. Pérez-Romero, R. Agustí , « Management of Network Slicing in 5G Radio Access Networks: Functional Framework and Information Models ».

https://www.opennetworking.org/images/stories/downloads/sdn-resources/technical-reports/onf2015.310_Architectural_comparison.08-2.pdf

Equipementiers

  • Huawei : 5G Network Slicing for Vertical Industries
  • Huawei : 5G Network Slicing for Cross Industry Digitization Position Paper
  • Nokia : Network Slicing in 5GS E2E
  • Samsung

 

https://www.huawei.com/minisite/5g/img/gsa-5g-network-slicing-for-vertical-industries.pdf

http://www-file.huawei.com/-/media/CORPORATE/PDF/white%20paper/5G-Network-Slicing-for-Cross-Industry-Digitization-Position-Paper.pdf

Figure 13 : https://www.5g-ks.org/pdf/Network_Slicing_in_5GS-E2E_View-Nokia.pdf

Figure 23 : https://www.5g-ks.org/pdf/Network_Slicing_in_5GS-E2E_View-Nokia.pdf

Figure 24 : https://images.samsung.com/is/content/samsung/p5/global/business/networks/insights/white-paper/network-slicing/200420_Samsung_Network_Slicing_Final.pdf

Les tranches de réseau : Network Slicing

Cet article propose de faire une première synthèse des technologies abordées dans les articles précédents comme la virtualisation matérielle, la virtualisation des fonctions réseaux NFV, le chaînage des fonctions service (SFC) et l’approche de découpage du plan de données et du plan de contrôle (SDN).

La programmation des réseaux est une tendance émergente qui permet de transformer l’usage du réseau en s’appuyant sur des solutions logicielles. Si la virtualisation (cf  article : http://blogs.univ-poitiers.fr/f-launay/2018/01/23/virtualisation-du-reseau-epc-concept-nfvsdn/ )a permis de déployer des services réseaux facilement sous le contrôle d’un orchestrateur (cf article : http://blogs.univ-poitiers.fr/f-launay/2018/02/04/network-functions-virtualisation-nfv-pour-le-reseau-4g5g/), l’enchainement des fonctions de services (NVFFG ou SFC : article http://blogs.univ-poitiers.fr/f-launay/2018/01/28/le-sfc-service-function-chaining-mise-en-oeuvre-du-sdnnfv-sur-le-reseau-de-mobile-4g/) permet la flexibilité et l’adaptabilité du réseau en fonction de la demande.

Le chainage de fonction service s’appuie sur une approche SDN (cf article http://blogs.univ-poitiers.fr/f-launay/2018/01/15/principe-du-sdn-dans-une-architecture-reseau-classique/) pour programmer les besoins de services d’acheminements de flux et de contrôle de flux en proposant une abstraction de la couche réseau aux services applicatifs.

Grâce à ces différentes technologies (SDN, NFV, SFC), la programmation du réseau apporte une flexibilité et une modularité permettant de créer simultanément plusieurs réseaux logiques (virtual network) pilotés par la couche application via des API. Les descripteurs (NVFD) permettant de définir chaque besoin permettent ainsi de tailler un réseau à la demande et adapté au besoin (NFV MANO)

Ces différents réseaux logiques sont appelés des tranches de réseaux ou network slices et correspond à la mise en réseau de bout en bout entre un client UE et un service réseau (IoT, IP, IMS, …) en s’appuyant sur une infrastructure réseau virtuelle (SDN Overlay) ou physique (SDN). Chaque tranche de réseau est isolée des autres et gérée/contrôlée de manière indépendante (bac à sable grâce à la virtualisation et à la gestion NFV MANO) et s’adapte à la demande (easy go network).

Une tranche de réseau (network slice) est une collection de ressources, qui combinées ensemble de manière appropriées, permettent de créer un support réseau répondant aux exigences demandées. Les types de ressources pour le network slicing sont :

  • Fonction réseaux (NF : Network Function) : Bloc fonctionnel qui fournit une capacité réseau spécifique et réalise une fonction demandée. La fonction réseau est généralement une instance logicielle tournant sur une infrastructure physique mais, il peut aussi s’agir d’un équipement matériel dédie ou une combinaison des deux.
  • Infrastructure matérielle  dédiée ou partagée pouvant héberger les fonctions réseaux.

La figure 1 représente ainsi un exemple d’architecture du network slicing.

Figure 1 : L’architecture réseau en tranche

En proposant un réseau pour les différents besoins, le réseau opérateur supporte des besoins en terme de qualité de service (temps réel ou non, débit garanti ou non, bande passante, latence) très différent en fonction des besoins, comme le montre la figure 2.

Figure 2 : Approche horizontale des sous réseaux logiques de l’opérateur

I) Approche NFV

Orchestration

L’orchestration est un processus clé pour le network slicing qui s’appuie sur des descripteurs définies par exemple sur des accords de niveau de service SLA. L’orchestration est définie comme un processus de sélection optimale de ressources pour répondre entièrement aux demandes de service de chaque client. Le terme optimal réfère à l’optimisation de la politique de flux en fonction de l’abonnement du client (SLA) qui gouverne les choix du processus d’orchestration sur la sélection de ressources au niveau de l’infrastructure physique sur les POP.

Isolation

L’isolation est une exigence primordiale afin de pouvoir faire fonctionner en parallèle plusieurs tranches de réseau qui se partagent les mêmes ressources physique et les mêmes infrastructures.

L’isolation fait référence à :

  • Performance : Chaque tranche est définie par rapport à une exigence de service particulière et exprimées sous forme de KPI. L’isolation assure le respect du KPI si le service est accepté quel que soit la congestion ou les niveaux de performances des autres tranches
  • Sécurité et confidentialité : les fautes ou les attaques sur une tranche n’aura aucune incidence sur les autres tranches. De plus, chaque tranche met en œuvre ses propres fonctions de sécurités qui interdit entre autre à ce que des entités non autorisés aient un droit de lecture ou d’écriture sur la configuration d’une tranche de réseau.
  • Gestion : Chaque tranche est gérée de manière indépendante comme un réseau séparé.

II) Approche SDN

L’architecture SDN découple le plan de contrôle du plan de données permettant de configurer dynamiquement le plan d’acheminements des données comme un service à la demande du client. Cela répond aux attentes du network slicing qui a besoin de satisfaire à la demande à un large éventail de services de manière agile et à un coût optimal.

Concernant le réseau SDN, une ressource est une instance ou une entité qui peut être utilisé pour fournir un service en réponse aux demandes d’un client.  Le contrôleur est une entité centralisée qui planifie les ressources en fonction du contexte du client :

  • Contexte du client représente toutes les informations qui le contrôleur a besoin pour un client donné. Il contient :
    • un groupe de ressource : Le groupe de ressource est une vue de toutes les ressources que le contrôleur peut offrir pour répondre sur mesure à la demande du client. Le groupe de ressources est proposée par des API sur l’interface nord et correspond donc à une couche d’abstraction du réseau pour répondre au besoin du client ;
    • le support client contient les opérations et les règles de politique autorisées pour le client, ainsi que des informations relatives aux services demandés pour ajuster les actions entre la demande du client et le contrôleur.
  • Contexte serveur représente toutes les informations nécessaires au contrôleur pour interagir avec les ressources physiques accessibles via son interface sud.

Figure 3 : L’architecture SDN du network slicing

 

Network Functions Virtualisation (NFV) pour le réseau 4G/5G

Objectifs :

Comprendre :

  • l’infrastucture du NFV (NFVI);
  • la gestion et l’orchestration des VM (MANO)
  • la fonction de chainâge de service VNFFG (Virtual Network Function Forwarding Graph). Le VNFFG correspond à la fonction SFC pour le NFV (reprendre l’article précédent pour le SFC)

Introduction

L’approche NFV permet à l’opérateur de déployer des fonctions réseaux en tant qu’instances virtualisées au lieu d’entités matérielles dédiées. L’approche NFV s’appuyant sur la virtualisation informatique permet la création de partition réseau isolée sur une infrastructure réseau partagée permettant ainsi à de multiples réseaux virtuels hétérogènes de co-exister simultanément sur les mêmes équipements matériels.

L’architecture NFV définie par l’ETSI est représentée sur la figure 1. La couche horizontale VNF correspond aux fonctions réseaux virtualisée (VNF : Virtualised Network Function). Il s’agit de machines virtuelles (VM) fonctionnant sur l’infrastructure NFV (NFVI). L’infrastructure NFVI est une infrastructure physique de stockage, de calcul et de réseau. La gestion et l’orchestration des VM est sous la responsabilité de la fonction MANO (Management and orchestration). La fonction MANO doit gérer les ressources de l’infrastructure NFVI (capacité réseau, la puissance de calcul, l’espace mémoire) et la durée de vie des fonctions virtuelles en fonctionnement sur l’infrastructure NFVI (création et allocation des VMs).

Les nœuds de l’infrastructure NFV (NFVI nodes) sont déployés sur les points de présence POP de l’opérateur afin de répondre aux exigences de latence selon les cas d’usages client. Les fonctions réseaux virtualisés (VNF) peuvent ainsi être déployées dynamiquement sur les infrastructures NFVI à la demande d’un orchestrateur et sous réserve de la limite de capacités des nœuds NFI (POP).

Figure 1 : Architecture NFV

La virtualisation élimine la dépendance entre les fonctions réseaux (NF : Network Function) et le matériel. Dans le cas du réseau de mobiles, les entités pouvant être virtualisées sont :

  • dans le cœur réseau EPC : l’entité MME, le SGW, le PGW
  • dans le cœur réseau IMS : P/I/S-CSCF

Une fois que les entités sont virtualisées (on parle alors de VNF), il est nécessaire de chaîner le trafic à travers les VNF dans un graphe ordonné pour appliquer les services réseaux. Dans le cas du NFV, le chaînage s’appelle le graphe d’acheminement des fonctions réseaux virtualisées (VNFFG – VNF  Forwarding Graph) et non le chaînage de fonctions service SFC (Service Function Chain) pour prendre en compte la virtualisation sur un réseau Overlay.

Le graphe d’acheminement des fonctions réseaux virtualisées VNF-FG fourni un niveau d’abstraction afin que l’opérateur puisse en temps réel composer les services réseaux.

Figure 2 : Exemple de graphe d’acheminement des fonctions réseaux virtualisées

Figure extrait de l’article Network Functions Virtualisation  -Update White Paper (https://portal.etsi.org/nfv/nfv_white_paper2.pdf)

II) L’architecture NFV définie par l’ETSI

L’architecture NFV est constituée de :

  • l’insfrastructure NFV : NFVI (Network Function Virtualisation Infrastructure) fournit les ressources matérielles (serveurs, COTS – Commercial Off The Sheld, cartes électroniques, …) et le logiciel de virtualisation. Le NFVI se compose donc :
    • d’une interface matérielle (stockage, réseau, calcul)
    • d’une interface virtuelle (stockage, réseau, calcul)
    • d’une couche de virtualisation entre le matériel et le logiciel
  • Le VNF (Virtualised Network Function) correspond aux fonctions réseaux virtualisées pouvant être exécutées sur les équipements du NFVI
  • NFV M&O (Management and Orchestration) permettant de gérer les services réseaux de bout en bout est composé de trois blocs
    • L’orchestrateur (NFV Orchestrator) : L’entité d’orchestration est responsable du cycle de vie des services réseau tant au niveau logiciel que matériel sur plusieurs domaines en contrôlant les VIM de chaque domaine;
    • un  gestionnaire (VNFM) en charge du cycle de vie des VNFs ;
    • un gestionnaire (VIM) en charge de la gestion des ressources du NFVI à l’intérieur d’un domaine.

Les services OSS/BSS doivent pouvoir transmettre au bloc NFV M&O des informations sur le profil des utilisateurs, la facturation, les politiques de qualités, les accords entre domaine, …

Couplé à un portail de supervision, cette architecture permet aussi de déployer des services réseaux à la demande pour les entreprises (exemple Network as a service  de la solution  Easy Go Network).

L’infrastructure NFV (NFVI) est donc répartie sur des points de présence de l’opérateur (POP) afin de réduire la latence du réseau pour ses clients : les services réseaux sont déployés sur les nœuds d’infrastructure (NFVI Node) au plus proche des clients.

Les fonctions réseaux virtualisées (VNF) peuvent ainsi être déployées dynamiquement à la demande dans la limite des capacités des nœuds NFVI.

II-1) L’infrastructure NFV (NFVI)

L’infrastructure NFV se découpe en trois domaines :

  • domaine de calcul virtualisé (processeurs, accélérateurs, …) ;
  • domaine de l’hyperviseur : système d’exploitation supportant la virtualisation (machines virtuelles) et/ou des containeurs pour faire fonctionner les VNF, ainsi que les capacités de commutateurs virtuels (vSwitch).
  • domaine réseau de l’infrastructure

En général, l’infrastructure NFV s’appuie sur la paravirtualisation et non la virtualisation : les systèmes d’exploitation des machines virtualisés n’évoluent pas dans un environnement physique virtuel mais dialogue avec l’hyperviseur via des API. La para-virtualisation réduit la consommation de ressources processeur de la virtualisation afin d’améliorer les performances en modifiant le noyau du système d’exploitation invité. Une couche de virtualisation est insérée entre le matériel et le système d’exploitation.

Le coeur de la paravirtualisation est un hyperviseur fonctionnant au plus près du matériel, et fournissant une interface qui permet à plusieurs systèmes hôtes d’accéder de manière concurrente aux ressources. Les systèmes d’exploitation hôte et invités sont modifiés pour fonctionner sur la couche de virtualisation

Figure 3 : L’infrastructure et la para-virtualisation

Les fonctions réseaux virtualisées seront déployées dans des conteneurs au-dessus de la couche de virtualisation. Un conteneur est une instance complète de système d’exploitation, avec son système de fichiers, ses comptes utilisateurs, ses processus, etc. Ainsi, les conteneurs logiciels sont considérés comme des applications pour le serveur. Sur cette application (système d’exploitation), il est possible de faire tourner des fonctions réseaux virtuels, nommés VNF

Enfin, les VNF sont interconnectées entre elles pour constituer un service réseau (NS).

Figure 4 : Le chainage de service réseaux virtuels

II-2) La gestion et l’orchestration NVF (NFV MANO – Management and Orchestration)

La couche de virtualisation permet de découpler l’implémentation logicielle des fonctions réseaux aux ressources matérielles (calcul, accélérateur et ressources réseaux). Ce découplage nécessite de nouvelles fonctions de gestion et d’orchestration et créé de nouvelles dépendances entre les ressources matérielles et les solutions logicielles virtualisées.

Une des premières motivations du NFV est l’agilité à déployer des nouvelles fonctions réseaux et d’accroitre les capacités de ces fonctions à la demande (exemple : une entreprise qui souhaite une bande passante plus importante une heure particulière dans la semaine, cf : https://www.youtube.com/watch?v=niHSqvKz4U0).

Afin de pouvoir profiter de cette agilité, un niveau d’automatisation de haut niveau est nécessaire pour provisionner, configurer et tester les performances des fonctions réseaux virtualisées.

La gestion et l’orchestration NFV (MANO) automatise le déploiement de fonctions réseaux virtualisées (VNF). Pour cela, il faut superviser :

  • L’infrastructure pour la gestion du matériel (capacité, réseau, calcul, …)
  • Le déploiement de fonctions réseaux (VNF)
  • Le chaînage de fonctions réseaux pour réaliser des services réseaux

Ainsi, l’entité MANO est constituée de trois fonctions :

  • Gestion des ressources
  • Gestions des VNF
  • Gestion des NS

Figure 5 : L’orchestration et la gestion des services et des ressources

L’objectif est de pouvoir mettre en œuvre des fonctions pour fournir des fonctions réseaux virtualisés et des services réseaux avec les ressources nécessaires pour s’exécuter correctement : les types d’instances à déployer, adapter la taille de l’instance en fonction de la demande (scaling) , mettre à jour une fonction réseau virtualisée (VNF), ou éteindre l’instance.

Au niveau réseau, les opérations de déploiement de service réseaux s’appuient des descripteurs décrivant les ressources et les opérations nécessaires. Les différents types de descripteurs sont :

  • Descripteurs VNF (VNFD) sont des gabarits permettant de définir les instances à mettre en œuvre et les besoins en ressource de chaque instance (CPU, mémoire, interface et réseau). Le descripteur défini également les types d’interfaces avec l’infrastructure NFVI et les KPI attendues.
  • Descripteur NS (NSD) : Le descripteur NSD contient les attributs pour un groupe de fonctions réseaux qui constituent ensemble un service réseau. Ces attribues contiennent aussi les exigences pour chaîner les VNF ensemble et fournir le service réseau.
  • Descripteur VNFFG (VNFFGD) contient des metadata concernant le graphe d’acheminement des fonctions réseaux virtualisées VNF, ainsi que les références aux conteneurs de l’infrastructure, aux instances VNFs et au lien entre les VNFs. Les métadonnées contiennent de plus des règles de politiques pour les fonctions d’acheminement (règle de routage et de commutation).

De plus, il est nécessaire :

  • d’automatiser les fonctions de supervisions en collectant les métriques de performances sur des instances et du matériel à des niveaux différents
  • de corréler les mesures effectuées afin d’apporter une solution sur les fautes détectées pour que le service fonctionne de manière fiable sur des équipements distribués.
  • de définir des performances KPI (Key Performance Indicator) au niveau des services réseaux (NS)

Comme évoqué précédemement, le bloc NFV M&O (Management and Orchestration) permet de gérer les services réseaux de bout en bout est composé de trois blocs

  • L’orchestrateur (NFV Orchestrator) : L’entité d’orchestration est responsable du cycle de vie des services réseau tant au niveau logicielle que matérielle sur plusieurs domaines en contrôlant les VIM de chaque domaine;
  • un  gestionnaire (VNFM) en charge du cycle de vie des instances VNFs en fonction des données contenues dans le descripteur. Il démarre les instances VNF, les gères, les adapte et récupère des indicateurs de supervision. Le gestionnaire VNFM utilise donc le descripteur VNFD durant la procédure d’instanciation de la fonction réseau virtualisée VNF et pendant toute la durée de vie de la VNF ;
  • un gestionnaire (VIM) en charge de la gestion des ressources du NFVI à l’intérieur d’un domaine.

Le gestionnaire VIM est une abstraction matérielle qui fourni une interface nord pour le VNFM et l’orchestrateur NFV. L’interface sud supporte les interfaces Nf-Vi pour piloter les instances sur l’infrastructure NFVI.

 

La figure ci-dessous présente un schéma de déploiement au sein d’Orange avec l’appui de Juniper et d’un controleur sous Openstack.