Le Cours d’architecture de d’Aviler

Du 5 au 30 novembre 2018, à la bibliothèque Michel Foucault, le livre ancien du mois est consacré au Cours d’architecture d’Augustin-Charles d’Aviler.

Augustin-Charles d’Aviler (1653-1701), architecte du roi

D’Aviler fut formé dans les toutes nouvelles institutions grâce auxquelles, pour la première fois, l’architecture devenait la matière d’un enseignement.

Il fit partie des premiers élèves de l’Académie royale d’architecture créée, en 1671, par Colbert. Il y suivit, de 1672 à 1674, le cours de François Blondel, professeur et premier directeur de l’Académie, auteur du Cours d’architecture enseigné à l’Académie royale d’architecture, ouvrage dont s’inspira d’Aviler.

Élève remarqué, il obtint une pension royale pour continuer ses études à l’Académie de France à Rome, fondée en 1666. En septembre 1674, il partit donc pour l’Italie. Malheureusement il fut capturé et retenu pendant plus d’un an par des pirates barbaresques. Relâché, il put se rendre à la villa Médicis, au début de l’année 1676, et y effectuer les trois années « d’application à l’étude », selon l’expression de Colbert.

À la fin de l’année 1684, il fut employé comme dessinateur par l’administration des Bâtiments du Roi où il assista, jusqu’en 1689, Jules Hardouin-Mansart, Premier architecte du roi. Lassé par ce travail laborieux et peu valorisant, il partit alors de l’agence pour se consacrer, pendant deux ans, à l’écriture du Cours d’architecture, l’œuvre de sa vie, puis quitta Paris, en 1691, pour s’installer et mener sa propre carrière à Montpellier.

En 1693, il fut nommé architecte du roi de la province du Languedoc. Là, il reçut de nombreuses commandes et réalisa plusieurs édifices, militaires, religieux, ainsi que des aménagements urbains, dans les villes de Béziers, Carcassonne, Nîmes, Toulouse (Palais épiscopal) et Montpellier (hôtels particuliers et la porte de Peyroux, d’après les plans de François d’Orbay), ville où il décéda en 1701.

Contenu du Cours d’architecture

L’ouvrage composite, voire hétéroclite, était formé de trois ensembles sans réelles transitions entre eux.

Il s’ouvrait sur la traduction de la Regola delli cinque ordini d’archittetura, parue en 1562, de Jacques Barrozio de Vignole (1507-1573), architecte italien (son portrait figure dans le médaillon présent au frontispice du Cours). De ce petit traité majeur de la théorie architecturale, exposant les cinq ordres en seulement une trentaine de feuillets entièrement gravés sur cuivre, d’Aviler donna une version amplement commentée et enrichie. Il ne se contenta pas de faire suivre sa traduction d’une glose abondante, il y ajouta également, dans des chapitres thématiques (portant sur tous les domaines de l’art de bâtir : portes, fenêtres, cheminées, distribution des plans, escaliers, charpenterie, etc.), des modèles français contemporains.

Dans un deuxième temps, étaient présentés et commentés les plus beaux monuments réalisés par Vignole et Michel-Ange.

Enfin, l’ouvrage s’achevait sur un ensemble de motifs ornementaux d’intérieur (lambris, corniches, plafonds, couronnements de portes, etc.) qui constitua un véritable catalogue de modèles décoratifs de référence.

Un second tome, Explication des termes d’architecture, formait le dictionnaire du Cours, premier exemple d’une telle exhaustivité puisque près de 5000 mots y étaient définis. Cette entreprise novatrice témoignait de l’élaboration d’une langue, savante et pratique, propre à la discipline architecturale. Ce lexique s’imposa comme la référence en la matière.

Rééditions et adaptation à l’esprit du XVIIIe siècle

La parution, en 1691, du Cours d’architecture connut un succès immédiat et fut rapidement suivie de réimpressions (1694, 1695, 1696), de contrefaçons (Amsterdam, 1693-1694 et 1699) et d’une traduction en allemand (1699).

Au cours du XVIIIe siècle, l’ouvrage fit régulièrement l’objet de rééditions (1710, 1738, 1750, 1760). La disparition précoce de d’Aviler ne lui permit pas de revoir et d’enrichir son texte comme il l’avait envisagé. Ce fut, d’abord, Alexandre Jean-Baptiste Le Blond (1679-1719) qui s’en chargea, dans une deuxième édition, parue en 1710, augmentée de 32 nouvelles planches. Ses ajouts portèrent sur les manières récentes de distribuer les plans et sur les escaliers. Après sa mort, Pierre-Jean Mariette (1694-1774), imprimeur-libraire, graveur, amateur et critique d’art, continua à mettre l’ouvrage au goût du jour, en réécrivant en partie les textes de d’Aviler, retranchant ce qui n’était plus d’usage et ajoutant de nouvelles planches.

Avec les révisions des deux continuateurs de d’Aviler, le Cours s’attacha particulièrement à l’architecture privée et aux éléments décoratifs. Il était représentatif, en cela, de l’évolution de l’architecture française qui, au XVIIIe siècle, accorda une importance nouvelle aux dedans et aux décors intérieurs, en continuelle évolution au gré des modes. L’ouvrage était devenu l’expression d’un art d’habiter raffiné et sophistiqué.

Lectorat

Le Cours d’architecture n’était pas, en réalité, issu d’un enseignement, mais il était, de l’aveu de l’auteur, le « fruit de [ses] études et de [ses] voyages ». Associant pratique et connaissances théoriques, l’ouvrage se voulait utile et formateur mais s’adressait aussi bien aux professionnels – dessinateurs, ouvriers et architectes – qu’à la clientèle de ceux-ci.

Avec son format in-quarto, maniable et économique, qui pour autant ne nuisait en rien à la qualité des très nombreuses gravures (en regard du texte correspondant), et avec sa mise en page claire (texte à encadrement), le Cours de d’Aviler constituait un instrument de travail essentiel.

Mais pouvait-on encore, avec les éditions du XVIIIe siècle du Cours « devenir un excellent architecte » comme l’affirmait Pierre-Jean Mariette dans la préface ? Pas si sûr, les continuateurs de d’Aviler n’avaient peut-être pas réellement pris en compte l’évolution du métier d’architecte. L’art de bâtir ne pouvait se résumer au seul décor et négliger la complexité technique intervenant dans le procédé constructif (descente de charge, géométrie, épure et exécution).

De manuel à vocation pédagogique, tel que l’avait voulu l’architecte du Grand siècle, le Cours d’architecture était devenu un instrument de formation du bon goût des élites françaises, s’appuyant sur d’admirables gravures.

Bibliographie

Planches d’architecture / Augustin-Charles d’Aviler ; présentation par Thierry Verdier.- [Reproduction en fac-similé].- [Montpellier] : [École nationale supérieure d’architecture de Montpellier] : [Éd. de l’Espérou], 2008

Théorie de l’architecture : de la Renaissance à nos jours : 117 traités présentés dans 89 études. Köln : Taschen, 2003 (p. 264-273)

Architectura : architecture, textes et images, XVIe-XVIIe siècles – Les livres d’architecture : Charles Augustin d’Aviler

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